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Elanco & Proplan

7 septembre 2023

Rôles métaboliques de la vitamine B12 chez le chat : intérêt et indications d'une supplémentation

par Pascale Pibot

Temps de lecture  7 min

De nombreuses maladies digestives sont associées à une hypocobalaminémie et une supplémentation adéquate peut améliorer le pronostic (illustration Pixabay).
De nombreuses maladies digestives sont associées à une hypocobalaminémie et une supplémentation adéquate peut améliorer le pronostic (illustration Pixabay).
 

Une étude parue au printemps dernier résume l'ensemble des connaissances actuelles à propos des besoins du chat en vitamine B12, qui appartient au groupe des vitamines B et contient du cobalt. Les principales sources alimentaires de cette vitamine hydrosoluble sont les produits animaux ; la cobalamine est la seule vitamine B absente des végétaux.

La vitamine B12, un nutriment essentiel au chat

Chez les mammifères, deux enzymes sont connues pour être dépendantes de la cobalamine : la méthionine synthase, une méthyltransférase, et la méthylmalonyl-CoA mutase, une isomérase. La vitamine B12 est en outre un catalyseur essentiel à la synthèse des acides nucléiques, à l'hématopoïèse et au métabolisme mitochondrial.

Chez le chat, la vitamine B12 doit impérativement être fournie par l'alimentation. Il est généralement recommandé d'en apporter au moins 4,5 à 5,6 µg pour 1000 kcal d'énergie métabolisable.

Les ingrédients d'origine animale des aliments pour chats apportent de la vitamine B12, mais la plupart des fabricants incluent aussi de la cobalamine synthétique, produite par fermentation microbienne. Le taux de vitamine B12 ne fait pas partie des mentions obligatoires à inscrire sur l'étiquetage.

De la cobalamine doit impérativement être ajoutée dans les régimes ménagers à base de viande cuite car c'est une molécule thermolabile.

Une courte demi-vie chez le chat

Après ingestion, la cobalamine se lie d'abord à l'haptocorrine mais celle-ci est digérée par les enzymes pancréatiques dans l'intestin grêle. La cobalamine libre se fixe alors sur le facteur intrinsèque (FI) qui, chez le chat, est synthétisé exclusivement par le pancréas. Le complexe cobalamine-FI se lie ensuite à des récepteurs situés sur les microvillosités des entérocytes iléaux. L'iléon est considéré comme le principal site d'absorption de la cobalamine mais une absorption jéjunale significative a également été mise en évidence dans l'espèce féline.

Une fois séparée du FI dans les entérocytes, la cobalamine est libérée dans la circulation et transportée vers les tissus cibles, le foie et les reins, par des protéines de transport. La cobalamine libre est excrétée par les reins mais un cycle entéro-hépatique a également été décrit chez le chat.

La demi-vie de la vitamine B12 n'est que de 11 à 14 jours dans cette espèce (au lieu d'environ un an chez l'homme). Ainsi, en cas de déficit alimentaire, une hypocobalaminémie peut apparaître en l'espace d'un mois.

Doser l'AMM pour détecter un déficit en cobalamine

Le dosage de la cobalamine sérique implique théoriquement de conserver les prélèvements à -20 °C, mais cette vitamine reste stable pendant 5 jours si les échantillons sont réfrigérés à 6 °C. Chez le chat, la concentration sérique normale en vitamine B12 est de 290 à 1500 ng/l.

Le taux sérique de cobalamine augmente progressivement au cours de la première année de vie du chat, et chez l'adulte, il est généralement plus élevé chez le mâle que chez la femelle. Chez la plupart des chats en bonne santé, la concentration est supérieure à 500 ng/l.

La concentration sérique en cobalamine ne reflète pas sa disponibilité réelle, car les réactions métaboliques dépendantes de la vitamine B12 se déroulent principalement dans le cytoplasme et les mitochondries. Un déficit en vitamine B12 entraîne une accumulation intracellulaire puis systémique d'acide méthylmalonique (AMM) qui provoque une acidémie méthylmalonique, perturbe la transformation d'ammoniac en urée et favorise l'apparition de troubles neurologiques liés à l'hyperammoniémie.

Le dosage sérique de l'AMM peut donc aider à détecter une carence en cobalamine. Chez le chat, l'intervalle de référence de la concentration sérique en AMM se situe entre 139 à 897 nmol/l, et lorsque la concentration sérique en cobalamine est très inférieure à la normale, la concentration sérique en AMM est parfois multipliée par 50.

L'insuffisance rénale peut cependant aussi faire augmenter l'AMM. Pour éliminer ce biais, il est conseillé de calculer le rapport AMM/créatinine urinaire ; chez le chat, la plage de référence est comprise entre 0,22 et 0,51 mmol/mol de créatinine.

Hypocobalaminémie : des signes peu spécifiques…

Les signes cliniques liés à une carence en cobalamine chez le chat ne sont pas spécifiques (anorexie, vomissements, diarrhée, troubles de la croissance…) car l'hypocobalaminémie est souvent associée à d'autres affections. Contrairement à ce qui s'observe chez l'homme, peu de signes neurologiques sont rapportés chez le chat.

Anémie non régénérative, leucopénie, hypoglycémie et hyperammonémie semblent être les conséquences hématobiochimiques les plus fréquentes de l'hypocobalaminémie.

… et plusieurs causes possibles

L'absorption et la concentration sérique en cobalamine diminuent physiologiquement avec l'âge. Les chats âgés présentent donc souvent un risque de carence en cobalamine.

L'anorexie doit toujours être envisagée comme une cause d'hypocobalaminémie chez un chat malade car la faible capacité de stockage et la courte demi-vie de la vitamine chez le chat conduisent rapidement à une carence.

Les maladies qui réduisent la capacité d'absorption digestive (maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, lymphome digestif, pancréatite, cholangite/cholangiohépatite, etc.) sont fréquemment associées à une carence en cobalamine. Chez la plupart des chats souffrant d'une maladie gastro-intestinale, la concentration en cobalamine est inférieure à 500 ng/l. Plusieurs études ont rapporté que 100 % des chats atteints d'insuffisance pancréatique exocrine (IPE) présentent une hypocobalaminémie car le pancréas exocrine est le seul site de synthèse du FI chez le chat.

Environ 40 % des chats à lipidose hépatique présentent une hypocobalaminémie, notamment parce que le dysfonctionnement hépatique peut entraîner une réduction des réserves de cobalamine, le foie étant le principal site de stockage.

Enfin, d'autres maladies caractérisées par une augmentation du métabolisme sont associées à une diminution des concentrations sériques de cobalamine. Chez un chat hyperthyroïdien par exemple, les pertes rénales en cobalamine augmentent et l'absorption intestinale est compromise en raison d'une motilité intestinale accrue.

Quand et pourquoi supplémenter en cobalamine

En raison de l'importance de la vitamine B12 dans plusieurs réactions métaboliques, une supplémentation doit toujours être envisagée chez un chat malade dont le taux sérique de cobalamine est insuffisant. Il est également utile de surveiller le niveau sérique d'AMM, qui reflète la biodisponibilité de la vitamine.

En outre, l'hypocobalaminémie aggrave le pronostic de la maladie sous-jacente, alors qu'une supplémentation peut l'améliorer.

La cobalamine peut aussi être utilisée comme stimulant de l'appétit : les chats anorexiques présentant une carence en cobalamine recommencent souvent à manger lorsqu'ils sont supplémentés en vitamine B12 et leur appétit diminue lorsque la cobalamine n'est plus administrée chaque semaine, même lorsque la concentration sérique est redevenue normale.

La cobalamine est essentielle à la régénération des cellules épithéliales intestinales et, chez les chats présentant une hypocobalaminémie due à une maladie gastro-intestinale, la supplémentation permet un gain de poids significatif et une amélioration des symptômes cliniques.

Lorsque la cobalamine est associée au traitement enzymatique de l'IPE féline, la probabilité de réponse positive est trois fois plus élevée.

Voie parentérale ou orale ?

Selon la maladie sous-jacente et les possibilités du propriétaire, la supplémentation en cobalamine sera administrée par voie orale ou parentérale. Un composé synthétique, la cyanocobalamine, est couramment utilisé mais une forme naturelle, l'hydroxocobalamine, semble également efficace chez le chat.

La voie parentérale (sous-cutanée ou intramusculaire) est toujours préférable pour les chats présentant une maladie gastro-intestinale et de faibles concentrations sériques en cobalamine. Une dose de 250 μg d'hydroxocobalamine sera par exemple administrée tous les 7 jours pendant 6 semaines, puis tous les 14 jours pendant 6 semaines supplémentaires, et une fois par mois ensuite jusqu'à ce que la maladie primaire soit résolue. La cobalamine sérique sera dosée 4 semaines après la dernière injection à intervalles de 14 jours. Si la valeur dépasse les valeurs normales, la dose sera réduite.

Un autre protocole prévoit trois injections intramusculaires de 300 μg d'hydroxocobalamine toutes les 2 semaines.

La supplémentation orale avec des comprimés de 250 μg de cyanocobalamine constitue une alternative thérapeutique moins invasive, mais des réserves sont parfois émises à propos de son efficacité chez le chat.

Des suppléments oraux de vitamine B12 complexée avec du FI, principalement d'origine porcine, sont commercialisés pour un usage humain et vétérinaire. Il est cependant important de souligner que le FI est spécifique à l'espèce et qu'aucune étude clinique ne soutient leur utilisation.

La concentration sérique de cobalamine sera surveillée pour contrôler l'atteinte de l'objectif thérapeutique. Avant d'arrêter la supplémentation, il est recommandé de dépasser la concentration sérique normale de cobalamine chez les chats traités. La cobalamine est une vitamine hydrosoluble et une concentration sérique supérieure à la normale n'est pas considérée comme dangereuse.