5 juillet 2021

Les chihuahuas présentent souvent des fontanelles persistantes, notamment la fontanelle « bregmatique » (au niveau du bregma, c'est-à-dire au sommet du crâne). Ces malformations sont considérées comme étant de faible importance clinique. Peut-être pas si faible que cela ! … semblent indiquer les résultats d'une étude chez 50 sujets.

IRM et scanner systématiques

L'étude en question a été menée sur une cohorte de 50 chihuahuas, recrutés à la faculté vétérinaire d'Helsinki en Finlande (initialement pour d'autres recherches sur les affections congénitales craniennes et neurologiques dans la race). Un examen IRM et un scanner de la tête avaient été réalisés chez chacun de ces chiens, ce qui a permis de rechercher rétrospectivement la présence de fontanelles persistantes, et d'identifier leur association avec d'autres anomalies ainsi que les éventuels facteurs de risque. Les résultats observés ont été publiés en deux parties (en libre accès dans le JVIM).

Parmi les 50 chiens, plus de la moitié (n=28 soit 56 %) présentaient des signes cliniques compatibles avec un syndrome de type Chiari et/ou une syringomyélie (anomalie du cervelet) : incoordination locomotrice, prurit persistant entre les épaules, vocalises, etc. Les examens d'imagerie avaient donc été pratiqués à visée diagnostique, ou pour le dépistage de ces troubles congénitaux héréditaires chez des chiens adultes (plus de 3 ans) apparemment sains et destinés à la reproduction.

100 % de malformations de Chiari

Les résultats de ces examens montrent d'abord la très forte prévalence des malformations du crâne et du système nerveux central chez le chihuahua. Une malformation de Chiari est observée chez tous les chiens de la cohorte, associée ou non à des répercussions cliniques. Et une syringomyélie est identifiée chez 40 % (20 chiens).

92 % de fontanelles persistantes

46 chiens, soit 92 % de la cohorte, présentent aussi une ou plusieurs fontanelles persistantes. Le nombre moyen de ces fontanelles est en effet de 2,8. Et le nombre moyen de sutures craniennes présentant des fontanelles atteint 2,4. Le protocole d'étude, avec le recrutement de cas en structure spécialisée et sur un mode volontaire, a pu surestimer ces chiffres. Néanmoins le défaut de sensibilité des examens pratiqués (lorsque les os sont très fins) a pu inversement les sous-estimer.

Ces fontanelles persistantes sont dorsales en majorité (52 %), puis caudales (36 %) ou latérales (12 %). La suture fronto-pariétale est la plus souvent affectée, chez 78 % des chiens ; elle correspond à la fontanelle dite bregmatique chez l'homme. 39 % des fontanelles observées y sont localisées.

Seulement 7 chiens sur les 46 présentant des fontanelles persistantes n'ont pas de fontanelle bregmatique. Malgré ce faible nombre, cela signifie que l'absence de fontanelle bregmatique ne peut exclure l'existence d'autres fontanelles sur d'autres sutures du crâne. En pratique, cette fontanelle ne peut pas être utilisée comme indicateur d'absence de malformation congénitale (pour la sélection des reproducteurs en particulier).

Les auteurs signalent également que la fontanelle bregmatique n'est pas toujours palpable, sa détection nécessite des examens d'imagerie.

Un lien avec les troubles cliniques

Les auteurs ont ensuite établi une association entre la présence de fontanelles persistantes et celle de signes cliniques évocateurs d'affections neurologiques. Parmi les 28 chiens présentant de tels signes, 7 avaient des maladies concomitantes susceptibles d'en être à l'origine (affection locomotrice, gastro-intestinale ou dermatologique), ils ont donc été exclus de cette partie de l'analyse.

Celle-ci montre que chez les chiens atteints cliniquement (n=21), le nombre de sutures craniennes présentant des fontanelles est significativement plus élevé que chez les individus cliniquement sains. Chez ces derniers, ce nombre ne dépasse jamais 4, et il est de 2 au maximum dans 9 cas sur 10 (la proportion est de 45 % dans l'autre groupe).

La zone touchée par ces fontanelles est également plus étendue chez les chiens à signes cliniques, et leurs fontanelles sont plus larges. Selon les auteurs, ce constat pourrait s'expliquer par des mécanismes pathologiques communs à l'origine de ces différentes malformations.

Le poids : seul paramètre morphologique associé

L'analyse des données montre par ailleurs que les fontanelles persistantes sont plus nombreuses (nombre de sutures craniennes affectées) et plus étendues chez les chiens de petit poids. Le chihuahua est « la race canine la plus petite au monde », les facteurs à l'origine ce format extrême pourrait ainsi être aussi en lien avec le développement et l'ossification du crâne, selon les auteurs.

Les autres paramètres évalués (âge, sexe et type) sont sans lien significatif.

Étiologies communes ?

Une syringomyélie est identifiée chez 5 chiens sans signes cliniques (5/22 soit 23 %) ; elle l'est chez 12 des chiens affectés cliniquement (12/21 soit 57 %).

Indépendamment de l'expression clinique, l'analyse des images obtenues au scanner et à l'IRM montre une association significative entre la présence de fontanelles persistantes (nombre et taille) et d'autres malformations : syringomyélie, ventriculomégalie cérébrale, anomalies de la jonction cranio-cervicale.

Aucun lien de causalité n'est établi (et ce n'était pas l'objet de l'étude). Mais ces observations renforcent en revanche l'hypothèse d'une pathogénie commune. Et pour les auteurs, la détection de fontanelles persistantes est ainsi une information d'importance clinique en pratique vétérinaire, amenant à rechercher d'autres anomalies potentiellement associées, comme montré ici.