titre_lefil
logo_elanco

11 janvier 2021

Intubation des chats : attendre 45 secondes après l'application de lidocaïne

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Une étude sur 110 chats, réalisée aux USA, observe que la réactivité des aryténoïdes au contact de la sonde endotrachéale est la plus limitée à partir de 45 secondes après l'application de la lidocaïne (cliché A. Corbin).
Une étude sur 110 chats, réalisée aux USA, observe que la réactivité des aryténoïdes au contact de la sonde endotrachéale est la plus limitée à partir de 45 secondes après l'application de la lidocaïne (cliché A. Corbin).
 

Les recommandations cliniques nord-américaines indiquent d'attendre au moins une minute entre l'application de la lidocaïne sur le larynx et l'intubation des chats. « La plupart des praticiens pourrait ne pas attendre [aussi longtemps] avant d'intuber, du fait des contraintes de temps et des inquiétudes sur la dépression respiratoire liée à l'induction », estiment des cliniciens des facultés vétérinaires des universités Midwestern et Auburn (USA). Ils ont donc réalisé une étude pour évaluer la durée à partir de laquelle le larynx n'est plus réactif. Réponse : 45 secondes.

Sous laryngoscopie

Cent dix chats ont été tirés au sort pour être inclus dans des groupes intubés 5, 15, 30, 45 ou 60 secondes après l'application de lidocaïne 2 % sur les cartilages aryténoïdes (22 chats par groupe). Celle-ci a été réalisée sous laryngoscopie, avec un cathéter relié à une seringue. Les chats étaient tous des Européens, issus de refuges (les plus âgés avaient 6 ans) et devant être stérilisés dans le cadre de la formation des étudiants. Les refuges ont donné leur accord pour ce protocole. Ils étaient tous en bonne santé clinique et au vu de la biochimie sanguine réalisée la veille de l'intervention. La sédation a été réalisée avec dexmédétomidine, buprénophine et kétamine. La surveillance anesthésique était complète, et les patients recevaient de l'oxygène au masque jusqu'à l'intubation. Le spécialiste en anesthésie vérifiait le relâchement du larynx : « s'il y avait résistance à l'ouverture de la gueule, l'induction était réalisée au propofol » (39 des 110 chats n'en ont pas eu besoin).

Avec ou sans spasme

Lorsque le délai entre l'application de la lidocaïne et l'intubation était écoulé (de 5 à 60 secondes selon les groupes), l'anesthésiste touchait les cartilages aryténoïdes avec l'extrémité du tube endotrachéal, et notait la réaction observée :

  • note 0 : pas de réaction visible,
  • note 1 : réaction des aryténoïdes mais pas de spasme (réaction légère),
  • note 2 : spasme visible mais relâchement dans les 3 secondes (réaction modérée),
  • note 3 : spasme complet sans relâchement dans les 3 secondes (réaction sévère).

Ensuite, intubation et chirurgie étaient réalisés par les étudiants, sous la supervision d'un vétérinaire. « Tous les chats ont été facilement intubés, en un seul essai, même ceux qui avaient eu une réaction sévère ».

Beaucoup mieux à 45'

Il n'y a pas eu de différence statistiquement significative (p>0,05) entre les groupes pour l'âge, le poids (2,4 kg en moyenne +/- 0,9 kg), la proportion de chaque sexe, la durée entre la prémédication et la pose du cathéter jugulaire ou la durée entre prémédication et application topique de la lidocaïne. L'effet du propofol n'a pas non plus été trouvé significatif (p =0,93). Pour la note de réactivité des aryténoïdes, les auteurs additionnaient les notes de chaque groupe, et la comparaison de ces « notes de réactivité globale » se faisait par rapport au groupe intubé 5 secondes (5') après l'application de lidocaïne. « La plus faible note de réactivité a été mesurée à 45' » (p<0,05, voir le tableau ci-dessous).

Note de réactivité des cartilages aryténoïdes selon la durée écoulée entre l'application de la lidocaïne et le contact avec l'extrémité de la sonde endotrachéale (* p<0,05 – LeFil, d'après Jones et coll., 2020).

 

Significatif à partir de 30 '

Aucun chat n'était noté 3 dans les groupes 45' et 60'. Plus précisément :

  •  « il y avait une différence significative pour la note globale de réactivité entre les groupes 45' et 5' (p=0,0038) ;
  • il y avait une différence significative pour le nombre de chats ne présentant aucune réaction entre les groupes 30' et 5' (p=0,03) et 45' et 5' (p=0,0028) » ;
  • « il n'y avait pas de différence statistique pour la note de réactivité globale entre les groupes intubés après 5' et 60', mais il n'y avait pas de chat présentant une réaction sévère » dans le dernier groupe.

Un effectif plus fourni aurait peut-être détecté une telle différence ; l'effectif de 22 chats par groupe suffisant à détecter une différence de 25 % de la note globale de réactivité entre groupes au risque 5 %. Au bilan, les auteurs estiment que « les anesthésistes devraient attendre au moins 45 secondes après l'application de lidocaïne avant de tenter une intubation endotrachéale » sur un chat.