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27 janvier 2020
Le nouveau Coronavirus de Wuhan, d'origine chiroptère, provoque une urgence médicale en Chine, pas encore au-delà
Ce 26 janvier au soir, le bilan actualisé des infections humaines par le nouveau Coronavirus identifié plus tôt ce mois-ci dans la ville de Wuhan (province du Hubei, Chine) et baptisé 2019-nCoV était de 2 014 cas confirmés, dont 1 985 en Chine (56 décès), selon l'OMS. Cela représente 695 cas supplémentaires confirmés par rapport à la veille, sans nouveau décès ; 16 % des cas sont sévères. La cinétique du nombre de cas (voir l'illustration principale) montre que le pic épidémique est loin d'être atteint, d'autant que :
Le site index de l'émergence de ce virus est connu : il s'agit du marché aux fruits de mer de Wuhan. C'est le marché de ce type le plus important de toute la Chine centrale ; il comporte plus de 1 000 étales de commerçants. Bien que ce soit illégal, il présentait de nombreux animaux sauvages vivants à vendre. Par exemple, un article récent de la presse taiwanaise en ligne, en chinois, présentait un affichette d'un commerce du marché de Wuhan sur laquelle figurent les photos et le prix de toutes les espèces d'animaux vivants qu'il était possible d'y acheter (un seul commerce) : cela va de l'âne au cerf en passant par l'anguille, le porc-épic, le serpent ou le scolopendre… Une autre source y ajoute des chiens, chats, visons. Une autre publication – scientifique – rapporte la présence de chiroptères parmi les animaux sauvages en vente dans ce marché, au même titre que les « serpents, marmottes, volailles, oiseaux, grenouilles, hérissons et lapins ». Les premiers cas humains de pneumonie atypique sont apparus parmi les personnes fréquentant ce marché : 40 des 41 identifiés au 9 janvier cas y tenaient un étal ou y travaillaient, le 41e cas était l'épouse d'un commerçant qui y travaillait… jusqu'à ce qu'il tombe malade. Ce marché a été fermé par les autorités de la ville de Wuhan le 1er janvier et n'a pas rouvert depuis. Le 26 janvier, le ministre chinois de la Santé a interdit temporairement la vente de tous les animaux sauvages vivants en Chine.
L'origine animale – et plus précisément de chiroptère – du nouveau virus est acquise, en particulier grâce à l'analyse phylogénétique de la totalité de sa séquence génomique. Un manuscrit scientifique publié le 21 janvier confirme ainsi qu'il s'agit « d'un nouveau type de Coronavirus de chiroptères » relativement éloigné de celui ayant fourni le virus du SRAS, dont il diffère « par des variations significatives sur plusieurs » gènes. Les deux plus proches parents [de 2019-nCoV] sont des Coronavirus de chiroptères : bat-SL-CoVZX45 et bat-SL-CoVZX21 (voir la figure ci-dessous), « ce qui suggère que c'est aussi un virus de chiroptères » et « qu'il n'a pas pour origine d'autres types d'animaux ». Il est moins apparenté au virus du SRAS qu'à ces virus de chiroptères.
Les publication ultérieures ont confirmé l'origine chiroptère du virus, comme pour le virus du SRAS. Toutefois, ce dernier était passé par un “hôte intermédiaire” (la civette palmiste masquée) qui avait joué un rôle amplificateur dans la transmission initiale à l'Homme. Un tel hôte reste à identifier pour le 2019-nCoV, mais un article publié le 22 janvier évoque un passage par les serpents, sur la base d'éléments indirects. Leur travail in silico, à partir de la séquence génétique du virus, a recours à l'analyse du biais d'usage du codon pour évaluer la coévolution du virus et de son hôte (analyse de 276 autres séquences de ß-Coronavirus proches). Par rapport aux données génétiques de toutes les espèces précitées comme présentes sur le marché de Wuhan, deux espèces de serpents et le nouveau virus (ainsi qu'une souche de chiroptère apparentée, bat-SL-CoVZX45) ont le même niveau de biais d'usage du codon. La valeur du virus est plus proche de Bungarus multicinctus (bongare rayé) que de Naja atra (cobra chinois), ces deux espèces étant naturellement présentes dans la province du Hubei, le cobra étant absent de la province du Jiangsu (où se situe la ville de Nanjing, ou Nankin et dont provient le virus de chauve-souris le plus proche génétiquement du 2019-nCoV). Cela signifie que « le virus peut utiliser l'usine cellulaire de ces serpents plus facilement que celle des autres » espèces vertébrées incluses dans l'étude. Ils estiment que « le serpent serait le réservoir sauvage le plus probable » ou qu'il pourrait avoir servi d'hôte intermédiaire. Ce qui a suscité des dénégations, dans un article d'actualité paru dans Nature dès le lendemain, où un virologiste brésilien souligne qu'il n'y a aucune preuve qu'un vertébré autre que mammifère ou oiseau puisse être infecté par un Coronavirus.
Les mêmes auteurs ont aussi identifié dans la séquence du gène S du 2019-nCoV, une recombinaison homologue entre « un Coronavirus de chiroptère [le parent du nouveau virus] et un autre Coronavirus d'origine animale inconnue ». Cette séquence nouvellement insérée est totalement inconnue des banques de séquences de Coronavirus et provient donc d'une espèce ayant été peu échantillonnée. Cela pourrait aussi bien cadrer avec les serpents que toute autre espèce animale. Ainsi, dans un manuscrit scientifique publié le 24 janvier porte sur l'estimation de l'infectiosité du virus à partir de ses séquences d'ARN et de la reconstruction de la structure des protéines. En travaillant sur les séquences de tous les Coronavirus animaux connus, ils identifient une parenté d'infectiosité avec le Coronavirus du vison et suggèrent qu'un mustélidé puisse, tout comme les chiroptères, être candidat réservoir du virus.
Il reste que l'OMS a publié le 23 janvier des recommandations « pour réduire le risque de transmission de l'animal à l'Homme ». Elle y distingue deux groupes de personnes à risque. D'une part, les personnes présentant une affection chronique. D'autre part, « les employés d'abattoir, vétérinaires en charge de l'inspection des animaux et des aliments sur les marchés, les employés sur les marchés et ceux manipulant des animaux vivants et des produits animaux ». Ils « devraient considérer de porter des gants, des tabliers, et des masques pendant ces opérations ».
Le séquençage du génome du 2019-nCoV a été rapide (10 jours) et massive (24 séquences intégrales publiées au 24 janvier). L'analyse de ces données a permis à un virologiste et phylogénéticien britannique d'en retirer les deux enseignements les plus pertinents à ce jour, rapportés dans un article de presse anglophone en Chine, où iIl remarque que ces séquences présentent une très faible variabilité. Ce qui pointe vers :
Au bilan, l'OMS ne déclare pas pour le moment l'état d'urgence sanitaire mondiale. Mais « ne vous méprenez pas, indique le directeur-général de l'organisme, c'est une urgence en Chine, mais ce n'est pas encore devenu une urgence sanitaire mondiale. L'évaluation du risque est “très élevé” en Chine et “élevé” aux échelles régionale et pour le reste du monde ».
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