titre_lefil
logo_elanco

11 octobre 2019

Vers l'élimination de la rage autochtone dans l'UE en 2020

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Zones concernées par les campagnes de vaccination orale de la faune sauvage, financées par l'UE en 2018. En vert : dans les États membres ; en rouge : hors de l'UE. (source : Robardet et coll., 2019).
Zones concernées par les campagnes de vaccination orale de la faune sauvage, financées par l'UE en 2018. En vert : dans les États membres ; en rouge : hors de l'UE. (source : Robardet et coll., 2019).
 

Si l'éradication de la rage animale dans le monde est envisagée pour 2030, l'échéance pour l'Union européenne (UE28) devrait être nettement plus proche, selon une décision prise par Bruxelles en 2016 : la date butoir est de 2020. La stratégie repose sur la même méthode qui a permis de l'éradiquer de France en 2000 : la surveillance et des campagnes régulières de vaccination orale des renards (voir l'illustration principale).

Renard, chien viverrin, chacal

Et cette date butoir « peut être atteinte » note un groupe d'experts français (l'Anses-Malzéville est laboratoire européen de référence pour la rage) et européens dans un article de synthèse. Pour y parvenir, l'UE28 finance depuis 30 ans les programmes d'éradication de la rage animale sur son territoire et à ses frontières (voir ici pour une synthèse). C'est le second budget européen pour le contrôle d'une maladie animale (26,7 millions d'€ en 2019), après celui de la tuberculose bovine. Les espèces sauvages ciblées par les campagnes de vaccination orale sont avant tout le renard (Vulpes vulpes), mais aussi le chien viverrin (Nyctereutes procyonoides) et, plus récemment et du fait de son expansion géographique récente en Europe centrale et orientale, le chacal doré (Canis aureus).

Dispersion automatisée

Elles se déroulent selon le même principe : dispersion aérienne des appâts (20-25 appâts/km2) deux fois par an, suivies au moins un mois après de campagnes de tir pour évaluer les traces de tétracycline (incluse dans les appâts) dans l'émail dentaire ainsi que la sérologie (objectif minimal de couverture vaccinale de 70 %). A noter que depuis l'époque glorieuse des campagnes de vaccination orale en France au tournant des années 1980, où les appâts étaient jetés par poignées du haut d'un hélicoptère, par un vétérinaire appelé, il y a eu des évolutions. A présent, des dispositifs automatisés avec géolocalisation sont employés : la densité des appâts est géographiquement prédéfinie et la machine embarque 20 000 appâts d'un coup. Sa programmation permet de choisir la densité d'appâts par zone (par exemple aucun au-dessus d'une étendue d'eau) et la machine adapte les largages en temps réel par rapport au plan de vol (voir l'image ci-dessous).

Machine à larguer les appâts automatiquement depuis un avion, sous contrôle de la programmation des densités à obtenir au sol et du positionnement de l'avion en temps réel par rapport au plan de vol prédéfini (GPS). Source : Müller et coll., 2012.

 

Succès en bonne voie

Trente ans de cette stratégie ont vu une chute impressionnante du nombre de cas de rage animale détectés dans l'UE (voir le graphique ci-dessous) et l'éradication du virus d'Europe occidentale et centrale. En 2016, il n'était plus présent que dans 4 États membres : Lituanie, Pologne, Hongrie et Roumanie. En 2018, seul 8 cas endémiques (non importés) ont été détectés : 4 en Pologne, 3 en Roumanie et 1 en Lituanie… Ils étaient tous (sauf un cas polonais) situés à proximité de la frontière orientale de l'UE. Sur les six premières semaines de 2019, seuls deux cas de rage animale ont été identifiés dans l'UE : l'un en Pologne et l'autre en Roumanie

Nombre de cas de rage vulpine dans l'UE28. En rouge : début du financement des campagnes de vaccination orale, en bleu les cas de rage vulpine, et en vert les cas de rage chez les espèces domestiques (source : Robardet et coll., 2019).

 

Tous frais payés

Hors de l'UE, la totalité du coût des campagnes de vaccination orale dans les zones tampons des pays non membres de l'UE (Ukraine, Russie) et celui des tests de diagnostic, pourvu qu'ils soient effectués au sein de l'UE, sont pris en charge par Bruxelles. Au fil des ans, les pays où de telles campagnes ont été financées sont : le Bélarus, l'Ukraine, la Moldavie, la Serbie, le Monténégro, l'Albanie, la Bosnie Herzégovine, la Macédoine, le Kosovo et la Turquie. Ceux dans lesquels la vaccination orale est réalisée cette année sont l'Albanie, la Bosnie Herzégovine, Monténégro, Macédoine et Serbie, ainsi que, pour les États membres (qui financent la moitié du montant) : la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.

Statut indemne

Dans une réunion conduite avec l'OIE, les experts estimaient début 2019 que le principal obstacle à l'atteinte de l'objectif de 2020 est le « faible niveau de réalisation de la surveillance » dans les Balkans. S'il s'avérait qu'il n'y avait plus de cas dans l'UE28 en 2020, il faudrait ensuite deux années sans cas autochtone (non importé) pour pouvoir prétendre au statut officiellement indemne de rage pour l'ensemble de l'UE28. Les auteurs de cette synthèse estiment que le « principal défi sera le maintien du statut indemne à long terme car de nombreux pays européens n'appartenant pas à l'UE demeurent infectés ». Ils soulignent l'importance de maintenir des zones tampons où la vaccination serait pratiquée et surtout, « l'importance cruciale d'une surveillance adéquate de la rage ». Ils préviennent aussi que ces campagnes « ne devraient pas être stoppés au moins deux ans après le dernier cas ».