26 avril 2024
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Plus de rage humaine dans le monde en 2030, par l’éradication de la rage canine. L’annonce de cet ambitieux – et tardif – programme a été réalisée conjointement par les Drs Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) à l’occasion des deux jours de conférence sur la rage à Genève, les 10 et 11 décembre dernier.
« En vaccinant régulièrement 70 % des chiens dans les zones où la rage est présente, on pourrait ramener à zéro le nombre des cas humains. L’élimination de la rage humaine par la vaccination des chiens est la solution la plus rentable et la seule possible sur le long terme », a résumé Bernard Vallat, Directeur général de l’OIE, lors de la conférence de presse de lancement du plan d’action contre la rage, en marge de la conférence intitulée “élimination mondiale de la rage humaine transmise par les chiens – Agissons maintenant !”, tenue à Genève (Suisse) les 10 et 11 décembre dernier. De fait, « une personne meurt [de rage] toutes les 10 minutes ». Autre estimation : la rage ferait 70 000 victimes par an, en grande partie des enfants, et survenant pour plus de 95 % d’entre eux en Afrique et Asie.
Un bilan d’autant plus affligeant que « les outils de lutte contre la rage sont disponibles depuis longtemps », a souligné la Dre Margaret Chan, directrice générale de l’OMS lors de la même conférence de presse. Il était donc temps de se préoccuper de ces « morts, toutes évitables » puisque 99 % des cas humains de rage « au moins » sont liés à des morsures canines. L’objectif est donc à la fois d’agir « maintenant » et d’atteindre l’éradication de la rage canine en 2030. Pour cela, les trois organisations internationales (OMS, OIE, mais aussi la FAO) ont présenté un « nouveau cadre mondial pour l’élimination de la rage », et lancé un appel aux bailleurs de fonds pour le mener à bien.
Ce cadre, dont les détails revus pendant la conférence devraient être publiés en janvier prochain, repose sur trois « mesures essentielles » :
Ce sont les programmes pilotes réalisés dans plusieurs pays (Tanzanie, Philippines Afrique du Sud) sur 5 ans, avec le soutien de la Bill and Melinda Gates Foundation, qui ont permis de confirmer qu’une couverture vaccinale de 70 % de la population canine est suffisante pour éliminer les cas de rage humaine. Sur 2015, la banque de vaccins de l’OMS et de l’OIE a délivré plus de 15 millions de doses du vaccin canin dans de nombreux autres pays. Ces programmes ont associé « la vaccination canine de masse à la responsabilisation des propriétaires d’animaux de compagnie et à la gestion des populations de chiens errants, ce qui est conforme avec les normes intergouvernementales de l’OIE, ainsi qu’avec le traitement après morsure, tel que recommandé par l’OMS », indique Bernard Vallat.
Dirk Engels, directeur du département des maladies tropicales négligées à l’OMS (ce département est en charge de la rage) souligne l’un des apprentissages de ces programmes : « la propriété des chiens est différente dans les pays en développement (et affectés par la rage) de celle que nous connaissons en Occident. Nous avions beaucoup d’idées reçues sur les chiens errants ». En tenant compte de ces réalités, les campagnes de vaccination canine ont pu être réalisées efficacement. L’une des îles des Philippines est à présent indemne de rage canine, et « le Bengladesh est en bonne voie ».
L’objectif calendaire de 2030 n’est pas donné par hasard, mais repose sur ces « preuves de concept ». C’est pourquoi les représentants de l’OIE et de l’OMS lancent un appel aux bailleurs de fonds internationaux pour éradiquer la rage canine. Si aucun montant n’est avancé, c’est parce que « la stratégie dépend des conditions locales, et le coût aussi. Par exemple en Tanzanie, les vaccinations étaient faites à partir d’un point fixe où la population amenait son/ses chiens. Tandis qu’en Afrique du Sud, la campagne a reposé sur du porte à porte. Les coûts sont évidemment différents. Plutôt qu’avancer un chiffre, nous préférons réunir les moyens de déployer les stratégies appropriées à chaque situation locale », souligne Louis Neel, de la Global Alliance for Rabies control.
La question des rappels de vaccination a été évoquée. Les campagnes pilotes ont montré que l’espérance de vie d’un chien dans les pays en développement est nettement plus faible qu’en Occident, Dirk Engels avançant une moyenne de 3 à 5 ans. En conséquence, le nombre de rappels nécessaires pour atteindre la couverture de 70 % de la population canine est limité. Quant aux chiens errants, « moins nombreux que l’on imagine », il existe aussi des normes intergouvernementales « publiées par l’OIE, pour contrôler ces populations. Ce sont par exemple la clôture des décharges à ciel ouvert, et le développement de services municipaux de capture », évoque Bernard Vallat. En outre, « pour être sûr que le travail soit réalisé de manière appropriée, il faut impliquer les vétérinaires privés ».
Enfin, au-delà de l’immédiate santé publique, l’éradication de la rage est aussi un enjeu de conservation. « Elle représente une menace aussi pour la faune sauvage. En particulier dans les grands parcs africains, où les grands mammifères paient aussi un tribut élevé au virus. Les lycaons sont au bord de l’extinction », entre autres du fait de la rage. Pour la Dre Margaret Chan, la « rage devrait être reléguée dans les manuels d’histoire. Nos actions contribueront à l’y placer », pour autant qu’elle « obtienne la visibilité qu’elle mérite dans les médias ». « Nous avons besoin de volonté politique et de bailleurs », complète le Dr Vallat.
Téléscopage des dates : le même jour, la préfecture de la Loire annonçait la « levée des mesures de surveillance sur la zone de restriction de la commune du Chambon-Feugerolles », liées à l’identification d’un chien enragé, Sultan, le 21 mai dernier. Cas importé qui aurait pu être évité par la vaccination…
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