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Elanco & Proplan

26 juillet 2024

Avec Babesia galileei, la famille des piroplasmes du chat s'agrandit

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Les formes piroplasmiques détectées dans le sang des chats malades du fait de l'infection naturelle par Babesia galileei comprennent des trophozoïtes ronds à ovales (deux clichés de gauche) et des mérozoïtes en forme de poire (à droite), dont les tailles moyennes sont supérieures à celles de B. felis, B. leo et B. lengau et inférieures à celles des Babesia canines (Baneth et coll., 2024).
Les formes piroplasmiques détectées dans le sang des chats malades du fait de l'infection naturelle par Babesia galileei comprennent des trophozoïtes ronds à ovales (deux clichés de gauche) et des mérozoïtes en forme de poire (à droite), dont les tailles moyennes sont supérieures à celles de B. felis, B. leo et B. lengau et inférieures à celles des Babesia canines (Baneth et coll., 2024).
 

Son nom est lié à la région d'origine de deux des trois chats ayant permis sont identification : Babesia galileei est un nouveau piroplasme, décrit en Israël chez trois chats présentant des signes cliniques sévères, et dont le génome a ensuite été retrouvé chez des tiques.

D'abord chez les félins sauvages

Une publication de mi-juillet décrit une espèce nouvelle de Babesia identifiée chez des chats « présentant des signes cliniques sévères, classiques de piroplasmose », indiquent les auteurs, qui ont typé génétiquement l'espèce. Ils notent que les espèces de Babesia identifiées jusque-là chez le chat dans un contexte clinique, l'ont le plus souvent été d'abord chez des félidés sauvages : B. leo chez le lion, B. lengau chez le guépard, B. felis chez le puma, etc. Dans le cas présent, l'espèce nouvellement décrite et baptisée B. galileei est d'abord décrite chez le chat. Son typage a été réalisé par l'analyse des séquences nucléotidiques de 5 gènes impliqués dans la taxonomie des piroplasmes, et son plus proche parent est une Babesia pas encore identifié, mais provenant d'un lynx, en Turquie…

Trois cas cliniques sur 15 ans

Il a fallu 15 ans aux auteurs pour rassembler les trois cas cliniques qui ont permis de décrire cette nouvelle espèce. Les PCR ont permis d'identifier le genre (Babesia), mais pas l'espèce en cause, c'est pourquoi un séquençage des prélèvements (conservés dans la durée) a permis de constater qu'au plan génétique, ces organismes étaient semblables à 99 – 100 %. Y compris les génomes issus des tiques. Il s'agit donc d'une seul espèce. Au plan clinique, les trois chats présentaient tous une anémie et une thrombocytopénie, deux d'entre eux étaient en hyperthermie et un seul en ictère. Ils provenaient de localités différentes du nord et du centre du pays et ont été conduits chez des vétérinaires à des dates différentes.

Chat et tiques positifs

Fin 2008, un chat de 3 ans, qui sortait, a été présenté à son vétérinaire traitant avec léthargie et anorexie. Il présentait une température rectale de 40,5° C avec des tiques fixées (et gorgées). Outre l'anémie et la thrombocytopénie, il présentait une urémie, un créatininémie et des enzymes hépatiques élevées. Le frottis sanguin a été envoyé à la faculté vétérinaire de Rehovot, où des organismes intra-érythrocytaires été visualisés. Il a envoyé une prise de sang pour analyse PCR. Celle-ci est revenue négative pour Hepatozoon sp., Anaplasma sp. et Ehrlichia sp., mais positive pour Babesia sp. L'état de l'animal s'est amélioré après administration d'imidocarb, les tiques ont été prélevées pour analyse et une prise de sang a été renouvelée après traitement. Deux tiques prélevées ont été envoyées pour détermination : il s'agit de Haemaphysalis adleri, espèce dont la distribution est pour le moment confinée au proche-Orient. Les glandes salivaires d'une des deux tiques étaient positives en PCR pour la même espèce de Babesia, alors inconnue. La PCR réalisée après traitement était négative.

Chat traité deux fois

Fin 2022, un chat de 10 ans présentant léthargie, anorexie, déshydratation, hyperthermie (40,7° C) anémie et thrombocytopénie a été hospitalisé dans une structure vétérinaire privée. Il avait aussi un historique de parasitisme par les tiques, mais aucune fixée au moment de la consultation. Une PCR réalisée sur sang 4 jours après l'admission (elle aussi à la faculté vétérinaire de Rehovot) a identifié le génome d'une Babesia sp., sans pouvoir en préciser l'espèce. Le praticien a réalisé un traitement à l'imidocarbe, et face à une amélioration clinique sans amélioration de l'anémie a renouvelé le traitement après 2 semaines (la PCR était alors négative). Le chat a recouvré un bon état général après 25 jours d'hospitalisation.

Chat à la faculté

Fin 2023, un chat de 11 ans réapparaît chez ses maîtres après 8 jours de fugue, avec léthargie, apathie et ictère. La consultation a lieu à la faculté vétérinaire de Rehovot. Une neutrophilie accompagnait la maladie rénale, l'anémie et la thrombocytopénie. Le frottis sanguin a permis d'observer un organisme compatible avec une Babesia et une PCR est réalisée, positive pour le génome de Babesia et aussi d'une mycoplasme hématogène (présumé apathogène). Le lendemain de l'admission, l'animal a été traité avec de l'imidocarbe et deux jours plus tard, la PCR réalisée sur sang était négative pour Babesia, mais positive deux jours après ; son état s'est progressivement amélioré (présence de pancréatite et d'une cardiomyopathie hypertrophique), mais a nécessité une fluidothérapie continue à domicile du fait de la maladie rénale installée. Onze tiques ont été collectées sur ce sujet après son admission. Toutes identifiées comme Haemaphysalis adleri, et quatre d'entre elles étaient positives en PCR pour cette Babesia, dont deux dans les glandes salivaires.

La conservation des prélèvements et la persévérance des parasitologues leur permet de décrire – selon les règles de la taxonomie – Babesia galileei. Ils restent prudents quant au rôle de vecteur de H. adleri (d'autres études sont en cours). Pour eux, « l'identification de nouvelles espèces de Babesia et l'élucidation de leur impact clinique et de leur réponse au traitement médicamenteux sont impératives pour les cliniciens et parasitologues vétérinaires », même si cette nouvelle espèce a peu de chances d'être détectée en Europe continentale.