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Elanco & Proplan

22 octobre 2024

Rechutes de leishmaniose : note clinique élevée, dysprotéinémie et titres sériques élevés sont facteurs de risque

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une note clinique élevée lors du premier traitement est un facteur prédictif de rechute, indique une première étude rétrospective espagnole, qui a utilisé la modélisation mathématique pour en identifier les facteurs de risque (Sarquis et coll., 2024).
Une note clinique élevée lors du premier traitement est un facteur prédictif de rechute, indique une première étude rétrospective espagnole, qui a utilisé la modélisation mathématique pour en identifier les facteurs de risque (Sarquis et coll., 2024).
 

La détection précoce des cas de rechute de leishmaniose canine serait « cruciale pour optimiser les stratégies thérapeutiques et améliorer les résultats à long terme chez les chiens malades », mais aussi pour le contrôle du parasite. Des auteurs espagnols viennent de s'y atteler, grâce à une approche de modélisation mathématique dans une étude rétrospective. Ils identifient ainsi les facteurs de risque de rechute, conduisant à une vigilance particulière de certains patients leishmaniens.

54 sur 1 194

Pour le “matériel” de leur étude, les auteurs ont passé en revue 1 194 cas de leishmaniose canine, ayant consulté ou été suivis par la faculté vétérinaire de l'université Compultense de Madrid (Espagne), entre 2010 et 2022. Ils leur ont appliqué les critères d'inclusion suivants ; il fallait :

  • disposer d'un diagnostic confirmé d'infection à Leishmania infantum par un test d'immunofluorescence indirecte (IFAT, titre ≥ 1:200) ou PCR (positive),
  • les données sur les signes cliniques et l'examen physique devaient être complétées,
  • les résultats de l'hématologie comme de l'électrophorèse des protéines plasmatiques devaient être renseignés,
  • les informations sur le régime de traitement administré devaient être complètes.

Les sujets également atteints d'une autre maladie vectorielle étaient exclus. Une rechute était définie comme «  l'initiation d'un nouveau cycle de traitements par un dérivé antimonial de méglumine ou miltefosine en raison d'une aggravation des signes cliniques et/ou des paramètres de laboratoire ». Au final, seuls 54 cas ont permis de souscrire à l'ensemble de ces paramètres ; ils ont effectué 291 consultations documentées. Pour 69 de ces visites, il s'agissait de rechutes (jusqu'à 14 visites, selon les cas). La durée de suivi de ces rechutes allait de 4 mois à plus de 9 ans.

9 ou 13 facteurs de risque ?

Les auteurs ont utilisé une grille de notation permettant pour chaque visite de fournir une note clinique sur 74 points (la note la plus élevé relevée en consultation était de 18). Ils ont extrait les données liées aux analyses complémentaires par leurs valeurs (variables continues). Les valeurs médianes et interquartiles ont été retenues (pas de distribution normale), et les données ont été analysée par deux modèles logistiques à effets mixtes. Le premier explore les effets du sexe, de la race, de l'âge, du titre en anticorps (IFAT) au moment du diagnostic, du ratio albumine/globulines, de l'hématocrite, de la numération des neutrophiles, de la numération plaquettaire et de la note clinique. Comme le ratio albumine/globulines est fortement corrélé aux globulines individuelles, un second modèle dont il était exclu a aussi été testé (13 facteurs), pour sexe, race, âge, titre IFAT, concentrations sanguines en albumine, alpha-1, alpha-2, beta et gamma globulines, l'hématocrite, la numération des neutrophiles, la numération plaquettaire et la note clinique. Chaque facteur était exploré pour sa capacité à prédire la rechute, avec une valeur seuil de p de 0,15 (au-dessus, le facteur était éliminé, c'est le cas de l'âge, du sexe et de la race).

Deux modèles, deux résultats

Pour le premier modèle, seuls deux paramètres ont un effet fixe sur le risque de rechute.

  • La valeur du ratio albumine/globuline : « toute augmentation de 0,1 de ce ratio est associée à une diminution de 45 % de la probabilité de recevoir un traitement en raison d'une rechute clinique » (p<0,001) ;
  • Le niveau élevé de la note clinique : « à chaque augmentation de la note clinique d'une unité correspond une augmentation de 22 % des risques de recevoir un traitement du fait d'une rechute » (p=0,001).

Le second modèle retient cinq facteurs de risque : la note clinique (sans surprise), mais aussi le titre en IFAT, les concentrations en albumine et ß-globulines et l'hématocrite. Ainsi, les chiens ayant un titre en anticorps élevé présentent un risque 18 fois plus élevé que les séronégatifs de présenter une rechute après traitement (p=0,018). Pour les ß-globulines « chaque augmentation de 0,1 de [cette concentration] augmente de 10 % les risques de recevoir un traitement » lié à une rechute (p=0,002). Pour la note clinique l'effet est supérieur (+30 % par unité, p<0,001) par rapport au modèle précédent. Les niveaux élevés en albumine (-11 % pour chaque augmentation de 0,1) et de l'hématocrite (-7 % pour chaque augmentation d'une unité) sont significativement associés à un moindre risque de présenter une rechute.

Clinique et protéines plasmatiques

Pour les auteurs, la première conclusion de ce travail est « de souligner la valeur potentielle de l'utilisation d'un tableau d'évaluation clinique dans le suivi des chiens leishmaniens ». Ils préviennent qu'il n'y a pas de consensus sur une grille en particulier, mais qu'un tel développement devrait être une priorité à présent. L'intérêt du ratio albumine/globulines était connu « et renforce le recours à l'électrophorèse des protéines plasmatiques dans le suivi de ces patients », comme c'est déjà souvent pratiqué par les praticiens. Sur les titres en anticorps, les auteurs soulignent qu'ils n'apparaissent que dans un des deux modèles, et que même en cas de traitement réussi, ils peuvent ne se réduire que lentement (plus de 6 mois). « Les praticiens ne devraient donc pas se fier uniquement à une élévation des titres en IFAT pour initier un traitement leishmanicide » pour rechute. Pour les autres facteurs, divergents dans les deux modèles, les auteurs préviennent que « de futures études avec plus de cas inclus et des modèles prospectifs seront justifiées pour valider les présents résultats et améliorer notre compréhension des facteurs influençant les rechutes de leishmaniose ».