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29 avril 2024

Fidélisation des salariés : le meilleur levier est la compétence managériale

par Pierre Mathevet

Temps de lecture  6 min

Près d'un quart des salariés français interrogés dans cette étude envisagent de quitter leur entreprise dans les 12 mois qui viennent (cliché Pierre Mathevet).
Près d'un quart des salariés français interrogés dans cette étude envisagent de quitter leur entreprise dans les 12 mois qui viennent (cliché Pierre Mathevet).
 

Plus de 1 salarié sur 4 dans le monde se déclarent prêts à changer d'emploi.

À l'heure où, en France, recruter est un casse-tête et fidéliser ses salariés un enjeu majeur, il est intéressant de se pencher sur les résultats d'une étude menée par le BCG (Boston Consulting Group) en octobre 2023 dans 8 pays majeurs : France, Royaume Uni, Allemagne, États Unis, Canada, Australie, Japon et Inde. L'enquête a concerné 11 000 employés, dont 1 207 en France, dans divers secteurs d'activité.

Des collaborateurs plutôt sur le départ

Les constats sont assez accablants. Au global, malgré un taux de chômage important dans de nombreux pays du monde, 28 % des travailleurs disent qu'ils recherchent activement ou passivement un nouvel emploi.

Les Australiens sont les moins satisfaits de leur emploi actuel, avec un taux déclaratif de départ envisagé dans l'année à venir de 36 %, devant les Japonais (35 %), les Anglais (32 %) et les Canadiens (28 %). La France se situe au 7e rang dans cette étude, avec « seulement » 24 % de démissionnaires potentiels, devant l'Allemagne (19 %).

Ce taux dit d'attrition (risque d'usure dans son travail) est calculé par la somme des personnes ayant répondu « peut-être pas », « probablement pas » ou « absolument pas :» à la question : « Vous voyez-vous dans votre travail actuel dans 1 an ? »

En France, les secteurs les plus concernés par ce risque sont, par ordre d'importance, la finance (36 %), les entreprises technologiques (22 %), le secteur public (17 %) et la santé et les soins (16 %).

Globalement, il existe une différence entre les moins de 35 ans, qui envisagent le changement pour 35 % d'entre eux, et les plus de 35 ans, qui ne sont « que » 25 % à envisager un changement de travail dans l'année.

Avec de tels pourcentages, il est nécessaire d'aller plus loin pour identifier les facteurs de rétention.

Plusieurs facteurs influencent la décision de quitter son emploi…

Lorsque l'on demande aux salariés les facteurs qui les pousseraient à changer de travail, bien entendu, le premier qui vient naturellement est la rémunération. Le salaire est effectivement cité spontanément par 60 % des répondants. Puis, l'objectif serait de faire un travail qui leur plaît. En 3e position se placent les avantages financiers et salariaux au sens large. Vient ensuite l'équilibre vie personnelle/vie professionnelle et, enfin, la possibilité de faire une carrière, de progresser professionnellement.

Cependant, les résultats évoluent lorsqu'il leur est proposé 22 options, mélangeant les besoins émotionnels et les besoins rationnels, afin qu'ils identifient plus précisément leurs raisons de changer d'employeur. En premier revient toujours le salaire, mais apparaît ensuite le sentiment d'être considéré, respecté et traité de manière équitable au sein de l'entreprise, devant le plaisir au travail, puis le sentiment d'être bon dans son travail.

… et plusieurs facteurs motivent à rester

L'étude s'est portée également sur les raisons qui, au contraire, pousseraient les salariés à rester dans leur emploi actuel. Pour cette partie, la même liste d'options était proposée aux salariés, et ils étaient chargés d'identifier celles qui, pour eux, sont corrélées à « Je me vois rester dans mon travail actuel ».

Là, les changements sont importants, avec la rémunération qui chute au 15e rang. Le premier item est le sentiment d'avoir la sécurité de l'emploi, puis de faire un travail qu'ils aiment. Ensuite vient le sentiment d'être bon dans son travail. Les 4 premières raisons font ainsi appel uniquement aux besoins émotionnels personnels.

La relation avec son manager est la raison citée en 4e position (besoin relationnel). Et vient ensuite le sentiment que son travail compte, qu'il contribue à quelque chose.

Au final, pour les salariés comme pour les clients, la prise en compte des besoins émotionnels est devenue une priorité. Comprendre leurs ressentis, leurs sentiments est une clé en or. Le manager, qui peut nourrir les besoins émotionnels et relationnels de ses collaborateurs, joue donc un rôle pivot.

4 leviers de fidélisation dans l'entreprise

Le levier majeur de la rétention des salariés est la compétence du manager et, en corollaire, la satisfaction du salarié de travailler avec lui. Le manager est identifié comme le facteur numéro 1 de fidélisation dans 7 pays sur les 8 enquêtés. Seule l'Inde le place en seconde position. Ainsi, le pourcentage des salariés prêts à quitter l'entreprise dans l'année qui vient passe de 56 % pour les personnes insatisfaites de leur manager à seulement 16 % pour celles qui en sont satisfaites. Un différentiel de 40 points ! En France, la différence est moins marquée avec des valeurs extrêmes variant quand même de 42 % à 18 %.

Vient ensuite, dans la majorité des pays, le sentiment pour un salarié d'un environnement équitable et offrant la même chance à tous. Dans ce cas, les pourcentages de démissionnaires potentiels dans les 12 mois passent de 51 % (absence de sentiment d'équité et d'agilité des chances) à 17 % (sentiment d'équité).

En troisième position se trouve la possibilité d'accéder à différentes ressources (formations, outils d'aide à faire son travail) pour réussir. Les taux varient de 50 % (pas d'accès à des ressources aidantes) à 15 % pour ceux qui considèrent qu'ils peuvent avoir droit à ces aides.

Le point suivant étudié avait trait au sentiment de pouvoir compter sur l'aide d'un employé sénior qui supporte activement le salarié. Là encore, l'écart est important : 16 % seulement des salariés envisagent de changer d'entreprise s'ils considèrent être accompagné par un sénior, un mentor, contre 46 % pour ceux qui ne se sentent pas soutenus ni accompagnés.

4 leviers qu'il est possible de combiner

Ces 4 leviers peuvent être actionnés en même temps pour optimiser encore davantage les résultats. Ainsi, la satisfaction vis-à-vis de son manager fait passer la probabilité de quitter l'entreprise durant l'année qui vient à 16 % (versus la valeur moyenne de l'étude de 28 %). Si, à la satisfaction managériale, est ajouté le sentiment d'un environnement équitable et juste, le taux d'attrition passe à 13 %. Et si l'on combine ces deux points avec la possibilité d'avoir un sénior qui peut apporter un support, alors le pourcentage de départ à 1 an passe à 11 %, et même à 9 % si à ces trois premiers items s'ajoute la 4e dimension qui est de pouvoir avoir accès à différentes ressources, bibliothèques, formations et outils d'aide.

En conclusion : un management de proximité, attentif, développant, attentionné, permet de fidéliser 3 fois plus les salariés. Cela mérite de se former et de se lancer.

Le manager entretient la motivation, ou non

Au-delà de la fidélisation, le manager influence aussi la motivation et la satisfaction des collaborateurs : les personnes qui déclarent avoir un bon manager se considèrent 3 fois plus motivées que celles ayant une mauvaise relation managériale (44 % versus 14 %). Et il en va de même pour la satisfaction dans leur travail, qui passe de 40 % à seulement 3 % en fonction de la satisfaction vis-à-vis du manager.

La formation des managers se doit donc d'être une priorité pour l'entreprise. La perte de certains collaborateurs, le départ volontaire de certaines ressources clés peuvent être évités avec des encadrants bien formés, des leaders empathiques.

Développer le leadership des managers : incontournable et rentable

L'étude s'est également intéressée aux qualités que devait montrer le manager pour que ses collaborateurs soient satisfaits de son management. Trois points se détachent et sont donc précieux pour fidéliser les employés :

  • « Mon manager direct créé un environnement sécurisant, respectueux des individus et favorisant le bien-être au travail » ;
  • « Il est possible d'échanger facilement avec mon manager même lorsque je ne suis pas d'accord avec lui. Il laisse la liberté d'expression, encourage la collaboration et pousse à challenger le statu quo » ;
  • « Mon manager pousse à la diversité, à l'inclusion et à l'équité. Et cela n'est pas qu'un discours mais bien une capacité de le vivre concrètement au quotidien ».

Le monde bouge vite, les salariés essaient de suivre le mouvement, en particulier les plus jeunes. Investir dans la formation des managers pour qu'ils deviennent des leaders performants, modélisants et fidélisants est une priorité rentable.