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10 novembre 2017

Dans leur majorité, les morsures canines ne donnent effectivement pas lieu à consultation médicale

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

La première étude sur la fréquence, la sévérité et le contexte des morsures canines outre-Manche, hors du contexte de consultation médicale, vient d'être publiée. Elle confirme que, dans la majorité des cas, les morsures ne sont pas signalées et ne donnent pas lieu à un traitement (LeFil, d'après Oxley et coll., 2017).
La première étude sur la fréquence, la sévérité et le contexte des morsures canines outre-Manche, hors du contexte de consultation médicale, vient d'être publiée. Elle confirme que, dans la majorité des cas, les morsures ne sont pas signalées et ne donnent pas lieu à un traitement (LeFil, d'après Oxley et coll., 2017).
 

Une étude britannique publiée le 28 octobre vient confirmer ce qui était suspecté de longue date : les morsures canines sont nettement plus fréquentes que ce qui est appréhendé par les études reposant sur les consultations hospitalières.  Elles sont aussi moins souvent graves pour la personne mordue. Revers de la médaille : elles ne sont pas suivies d'intervention pour réduire le risque de récidive.

Questionnaire et réseaux sociaux

Les vétérinaires éthologues de l'université de Liverpool ont choisi, pour s'affranchir du biais de sélection des victimes de morsures canines liées à la gravité (enquêtes sur les personnes ayant fréquenté les urgences hospitalières), de lancer une enquête sur ce sujet via les réseaux sociaux. Ils ont recruté les répondants sur Facebook et Twitter, entre décembre 2015 et février 2016, dates pendant lesquelles leur questionnaire restait ouvert. Le questionnaire comportait 40 questions (dont certaines ouvertes), réparties en 5 volets. Les auteurs ont obtenu 484 réponses exploitables (questionnaire complètement rempli, et répondant de plus de 18 ans). Cet échantillon de répondants n'a pas vocation à être représentatif de la population britannique.

Une seule morsure dans un cas sur deux

Les répondants  possédaient au moins un chien dans leur grande majorité (82,6 %), ou bien en avaient possédé un au moins une fois dans leur vie (87,7 %, voir le graphique ci-dessous). Comme le requérait le questionnaire, tous avaient été mordus au moins une fois, mais pour près de la moitié d'entre eux (49 %) il n'y avait eu qu'une morsure. La date de cette morsure variait entre 1957 et 2016 (la personne mordue avait de 1 à 77 ans au moment de l'incident). Un peu moins du quart des morsures (23,4 %) remontaient à moins de 12 mois. Dans la majorité des cas (86 %), cet incident récent n'avait donné lieu qu'à une morsure. Et là encore dans la majorité des cas (62 %), la morsure n'a pas donné lieu à des soins médicaux, ce qui, pour les auteurs, démontre qu'il « faut étudier les morsures de chiens aussi hors du contexte des consultations médicales/hospitalières ». Si la victime était propriétaire d'un chien pour la première fois, elle allait moins fréquemment consulter un médecin pour la morsure (p=0,01).

Dans leur grande majorité, les répondants au questionnaire avaient possédé au moins un chien, au moment de l'enquête (82 %) ou au préalable au cours de leur vie (87 %) (LeFil, d'après Oxley et coll., 2017).

50 % ont mordu dans le vide ou pincé

Toutefois, dans la moitié des cas (50,1 %), la morsure n'a pas provoqué d'effraction cutanée (seul le vêtement a été mordu ou la victime pincée). Toutefois, les autres morsures pouvaient être sévères; la profondeur de la blessure était jugée faible si elle ne dépassait pas la moitié de la hauteur de la canine de l'animal mordeur, et profonde dans le cas contraire (voir l'illustration principale). Par ordre de fréquence décroissante, les morsures concernaient les bras (62 %), jambes (29 %), le torse (y compris bassin, 7,3 %) ou la tête (6,8 %). Le fait d'avoir moins de 19 ans était associé à une morsure à la tête (p<0,001). Lorsqu'un enfant était mordu, il y avait 12,6 fois plus de risques que ce soit à la tête (p<0,001). Logiquement, ces morsures étaient plus souvent source de consultation médicale que celles à d'autres sites anatomiques.

Soudain, un chien connu

En accord avec les études précédentes, portant sur les victimes ayant consulté l'hôpital, les deux tiers des chiens mordeurs étaient connus des victimes (66,1 %). Dans ce cas, la répartition était équitable : dans un tiers des cas il s'agissait de leur propre chien (34,7 %), dans un autre tiers de celui d'une connaissance (35,3 %) et dans le dernier tiers d'un chien connu (par exemple croisé régulièrement lors de promenade, 30 %). Dans la majorité des cas (68,2 %) il s'agissait d'un mâle, âgé de 2 à 10 ans (76,6 %) et de taille moyenne à grande (34,1 et 35,7 %, respectivement). Toutefois, les chiens de petite taille (terriers) représentaient près du quart (23,8 %) des morsures, et les races toy 4,5 %. Dans deux cas (0,4 %), le répondant mentionnait un chiot, ce qui – contrairement aux autres études – n'a pas été retiré de l'analyse.

Chien actif, excité, stressé, tendu…

Dans 40,5 % des cas, la morsure s'est produite dans une propriété privée. Le comportement le plus fréquent de la “future” victime était de vouloir interagir avec l'animal (jeu, caresse…), nettement devant la promenade (34,7 et 20,1 %, respectivement). Du côté du chien, le contexte de la morsure était avant tout un état « actif à excité » des chiens (29,1 % des cas). Vient ensuite un état agressif (21,4 %), relaxé (15,8%) ou « stressé/tendu/effrayé/craintif (15,8 %) », joyeux (8,1 %), au repos (6 %). Un tiers des répondants estimaient que la morsure était accidentelle. Mais si le chien ne leur appartenait pas, les répondants le catégorisaient 5 fois plus souvent comme ayant mordu intentionnellement (p<0,0001). Dans près de la moitié des cas (49,5 %), le répondant estime que c'est le chien qui s'est approché de la victime (et dans 45,5% c'est la victime qui s'approchait du chien). Au bilan, seuls 12,7 % des répondants incriminent le chien dans la cause de l'accident. La majorité estime que la faute leur incombe (44,6 %), ou au propriétaire du chien (39,9 %).

Toujours le berger allemand…

Dans 70,2 % des cas, les répondants ont pu citer la race des chiens mordeurs… Et 82 races ont été mentionnées. Comme dans les autres études sur le sujet, le berger allemand arrive en tête des races citées (c'était la 4e à 6e race la plus fréquente au Royaume-Uni entre 2006 et 2015), devant le Border collie, ex-aequo avec le Jack Russel. Les croisés représentaient 12,1 % des chiens mordeurs. Dans la moitié des cas (51 %), le fait que le chien avait ou non bénéficié d'une forme d'éducation était connu : c'était le cas dans 60,5 % de ces cas. Le passé d'agression du chien était connu dans 61,9 % des cas, et il y avait bien eu une agression antérieure à celle du répondant (ou de son enfant) dans 57,2 % de ces cas (agression envers un humain : 19,4 %), envers un chien (42,4 %) ou les deux (38,2 %). Après la morsure, 11,3 % des chiens mordeurs ont été orientés vers du dressage, 8 % ont été euthanasiés et 3,5 % renvoyés à l'éleveur ou à l'ancien propriétaire. Seuls 7 répondants ont expliqué avoir changé leur comportement lors d'interaction avec le chien (plus de taquineries, itinéraire de promenade modifié…

Surtout des quadra anglaises

La grande majorité des répondants sont des répondantes (84,8 %). Un quart est dans la tranche 35-44 ans et un autre quart dans la tranche suivante (45-54 ans, 24,4 et 24,9 %, respectivement). Dans leur quasi-totalité (88,9 %), ils habitaient en Angleterre (le reste se répartissant entre Écosse, pays de Galles et Irlande). Les trois quarts étaient en activité (74,6 %) et un peu moins de 10 % étaient retraités (les mineurs ne pouvaient répondre au questionnaire). Plus de la moitié (56,1 %) avaient au moins l'équivalent du baccalauréat. Enfin, les volets du questionnaire portaient :

  • sur le nombre de fois que le répondant a été mordu, et des détails sur la dernière morsure en date ;
  • sur les blessures éventuelles et les soins médicaux engagés ;
  • sur la culpabilité perçue par les victimes de la morsure ;
  • sur la définition par la victime d'une morsure ;
  • et sur la victime elle-même (démographie, éducation, emploi, et expérience en tant que propriétaire de chien).