titre_lefil
Elanco & Proplan

3 mars 2017

Des membranes à base de miel confirmées bactéricides vis-à-vis de plusieurs pathogènes canins, et utiles en prévention des adhérences (chez le rat)

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Les propriétés antiseptiques du miel de manuka sont bien connues non seulement des adeptes des médecines alternatives, mais aussi des adeptes de la médecine factuelle.
Les propriétés antiseptiques du miel de manuka sont bien connues non seulement des adeptes des médecines alternatives, mais aussi des adeptes de la médecine factuelle.
 

Le recours au miel de manuka pour son activité antiseptique en application topique en médecine humaine est bien connu. Une équipe de l'université vétérinaire de Turin (Italie) vient de publier les résultats d'essais in vitro du recours à des membranes fabriquées à partir de miel manuka ou de miel de miellat sur des bactéries vétérinaires : Staphylococcus pseudintermedius, E. coli, Proteus mirabilis et Pseudomonas aeruginosa. Tous ces isolats sont multirésistants et issues d'infections canines.

Pectine + miel

Ces cliniciens souhaitaient évaluer s'ils pouvaient, en la matière, consommer local. Ils ont en effet comparé pour cette action bactéricide un miel de miellat produit au Piémont au miel “de référence”, à activité bactéricide largement prouvée et provenant de Nouvelle-Zélande ou d'Australie, le miel de manuka. Le manuka est un arbuste endémique, Lectospermum scoparium. Avec une même technique à partir de pectine, les auteurs ont fabriqué des membranes contenant soit du miel de manuka, soit du miel de miellat piémontais.

Norme ISO

Des carrés de ces membranes ont été placés à l'intérieur d'une boîte de Pétri, et l'inoculum de chaque pathogène (400 µl d'environ 106 UFC par échantillon) était placé à leur surface, puis recouvert d'un carré (40 x 40 mm) de plastique stérile. L'incubation à 35° C sous 90 % d'humidité relative a été réalisée sur 48 h, mais les comptages bactériens ont été réalisés à l'ensemencement, puis à 1, 3, 6 et 24 h. Ce protocole est conforme à la norme ISO de mesure de l'activité antibactérienne des surfaces plastiques. Pour les deux types de miel, la croissance de tous les isolats est totalement inhibée à 24 h d'incubation. En revanche, dans la culture témoin (même inoculum sur une gélose classique), après 24 h, les germes atteignaient une charge de 1012 UFC/échantillon.

Manuka plus rapide

Sur la période 0-24h, les cinétiques sont légèrement différentes selon les miels et les pathogènes :

  • Sur le S. pseudintermedius résistant à la méticilline (SPRM), les deux miels produisent une réduction de > 6 log UFC en une heure ;
  • Sur l'E. coli résistant aux céphalosporines de 3e et 4e générations (BLSE+), le miel de manuka produit une réduction de 6 log UFC en 3 h. Il faut deux fois plus de temps (6 h) au miel de miellat pour obtenir ce résultat ;
  • Sur le Pseudomonas aeruginosa BLSE+, la même cinétique est observée ;
  • Sur le P. mirabilis BLSE+, le miel de manuka produit une réduction de 6 log UFC en 3 h. Le miel de miellat fournit le même résultat en 24 h.

Passage à l'in vivo

Ces résultats « suggèrent que les membranes [préparées avec chaque miel] sont capables de promouvoir efficacement le processus de guérison de blessures et pourraient être utilisés dans différentes applications de la médecine et de la chirurgie vétérinaires ». La conclusion n'est pas innocente car la même semaine, une autre publication du même groupe rapporte l'utilisation d'un hydrogel à base de pectine et de miel, utilisé cette fois en chirurgie, pour « tenter de réduire les adhérences intrapéritonéales ». Cette fois, le travail est réalisé in vivo, chez le rat.

Modèle d'abrasion

Une laparotomie par la ligne blanche a été réalisée sur 48 rats, sous anesthésie générale. Pour simuler une inflammation péritonéale, l'apex du côlon a été externalisé, et « frotté avec une compresse stérile » ; la face interne de la paroi abdominale a été « abrasée avec une lame de scalpel n° 21 ». Ces abrasions étaient réalisées « de manière à visualiser des points hémorragiques, sans perforation ». Avant de remettre le côlon dans sa position anatomique, l'animal était tiré au sort pour mise en place ou non du carré 'pectine+miel' entre la lésion et le péritoine. Quinze jours après la chirurgie, les rats ont été euthanasiés, disséqués et les adhérences ont été notées de 0 (absence) à 3 (adhérences denses nécessitant le scalpel pour les disséquer). Une histologie a été réalisée sur les parois coliques et abdominales initialement abrasées. Là encore, une notation a été réalisée (inflammation, activité fibroblastique et néovascularisation, notées de 0 à 3). « Aucune infection de site chirurgical ni abcès n'ont été observés sur aucun rat ».

Moins d'adhérences

Sur le critère de présence/absence d'adhérences, l'avantage est au groupe de rats chez lesquels le carré a été mis en place (fréquence réduite d'un facteur 3, p=0,0012, voir le tableau ci-dessous). En revanche, il n'y avait pas de différence pour les adhérences entre l'apex du côlon et la ligne blanche (8 dans le groupe témoin, 5 dans le groupe traité). La distribution des notes d'adhésion était très différente entre les deux groupes (p=0,0003), à l'avantage du groupe traité. Le même niveau de signification statistique est observé pour la notation histologique. Ainsi, les auteurs concluent que la membrane placée « présente un effet anti-adhérence localisé », dans le modèle animal retenu. Ils soulignent aussi que le dosage du miel est critique : placé en excès, lors d'une étude préliminaire, les animaux du groupe sont morts d'ascite, probablement par effet osmotique.

Synthèse des résultats de la présence et de l'importance des adhérences intra-abdominales dans le modèle chirurgical réalisé chez le rat (LeFil, d'après Giusto et coll., 2017).

 

Médecine factuelle

En médecine humaine, de nombreuses études ont déjà démontré l'efficacité du miel de manuka utilisé en topique contre des infections bactériennes. Une revue de synthèse a été publiée récemment par la Cochrane Library, site de référence pour la médecine factuelle. Elle ne mentionne pas d'usage en prévention des adhérences. Selon l'indication topique, le niveau de preuve est plus ou moins avéré :

  • « il y a des preuves de niveau élevé (2 essais, 992 patients) que les emplâtres au miel guérissent les brûlures au 2e degré plus rapidement que les traitements topiques conventionnels », avec une précocité de 5 jours ;
  • « il y a des preuves de très mauvaise qualité (4 essais, 332 patients) que les brûlures traitées avec le miel guérissent plus vite que celles traitées avec un topique à base d'argent et de sulfadiazine », mais le fait qu'il y a le même taux de guérison au terme de 6 semaines de traitement est « de très haute qualité », tout comme le fait qu'il y a « moins de complications » avec le miel ;
  • « il y a des preuves de faible niveau de qualité (2 essais, 140 patients) que le miel guérit plus rapidement des blessures aiguës ou chroniques que le traitement topique à base d'argent et de sulfadiazine ou de sucre ».

Recettes

Dans les deux études italiennes, la première étape de la fabrication des membranes est la même : mélange d'abord à volumes équivalents du miel (liquide) et de l'eau déminéralisée stérile. Puis un demi-volume de poudre de pectine est ajouté, qui requiert une agitation constante. La pectine utilisée ici est biodégradable et biocompatible. L'agitation est coupée lorsque l'aspect de la solution est homogène.

  • pour les membranes utilisées en topiques, elle est alors passée 30 secondes au micro-ondes (850 W) avant d'être moulée sous la forme de plaques de 2 mm d'épaisseur. Une fois refroidies et solidifiées, ces membranes sont découpées en carrés de 50x50 mm ;
  • pour celles utilisées en intra-abdominal, elle est directement moulée sous forme de plaque de 2 mm d'épaisseur, placée à 40° C pendant 6 h. La plaque est ensuite découpée en carrés de 30 x 30 cm, qui sont ensuite placés à 25° C en milieu ventilé pendant 5 jours.

Les carrés sont ensuite empaquetés sous vide et irradiés (stérilisation par rayons gamma, à 25 kGy). Les auteurs ne précisent pas l'origine du miel utilisé dans la seconde étude.