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12 décembre 2016

Régime sans viande, sans féculent, sans gluten, sans OGM… Comment conseiller ou décourager le client

par Agnès Faessel

Temps de lecture  8 min

Marianne Diez (faculté de Liège) et Claude Paolino (clinique vétérinaire Holos Bios) ont animé avec succès le module Savoir-faire du Genad (groupe d'étude en nutrition, alimentation et diététique) au congrès Afvac de Lille, consacré aux réponses à apporter au propriétaire souhaitant faire suivre à son animal un régime bio, à base de viande crue (BARF), végétarien ou sans gluten.
Marianne Diez (faculté de Liège) et Claude Paolino (clinique vétérinaire Holos Bios) ont animé avec succès le module Savoir-faire du Genad (groupe d'étude en nutrition, alimentation et diététique) au congrès Afvac de Lille, consacré aux réponses à apporter au propriétaire souhaitant faire suivre à son animal un régime bio, à base de viande crue (BARF), végétarien ou sans gluten.
 

Régime sans gluten, bio, sans viande ou, au contraire, tout viande… Que répondre aux propriétaires qui le souhaitent (aussi) pour leur chien ou leur chat ? Ces questions ont fait l'objet d'une série de conférences au dernier congrès Afvac de Lille fin novembre, présentées par Marianne Diez de la faculté vétérinaire de Liège (Belgique) et Claude Paolino, praticien dans le Var.

Au vu du succès du module, qui a fait salle comble, ces demandes apparaissent de plus en plus courantes en consultation. Effet de mode ou tendance durable, il convient d'apporter une réponse étayée à ces personnes souvent très motivées et bien informées par ailleurs. Et ne pas hésiter à les mettre en garde sur les dangers des rations inadaptées.

Régime bio : le plus facile mais plutôt en ration ménagère

Les consommateurs de produits biologiques (aliments, mais aussi produits d'entretien, cosmétiques et autres) peuvent souhaiter étendre leur démarche à leur animal. Afin de les conseiller, il est nécessaire de comprendre leur motivation. Car il ne s'agit pas d'un engouement passager mais généralement d'une conviction profonde, animée par des motifs relatifs à la santé (crainte des résidus et rejet de toute alimentation dite « industrielle ») ou d'ordre éthique (protection de l'environnement, préservation des productions et du commerce local) sans frein économique.

Le caractère bio (organic en anglais) est ainsi à différencier du « naturel », qui interdit a priori les composants de synthèse, mais dont la définition varie selon les pays ou les fabricants. Bon à savoir aussi : le label AB (agriculture biologique) ne garantit "que" 95 % (au minimum) d'ingrédients bio. En revanche, sa composition est sans OGM (organismes génétiquement modifiés), sauf traces fortuites.

Nourrir bio un chien ou un chat est faisable en proposant une ration ménagère équilibrée composée d'aliments bio. Seul le complément minéral et vitaminé (CMV) ne peut être certifié bio (il contient des vitamines de synthèse). Cette alimentation impose la disponibilité du propriétaire pour la préparer, et représente un surcoût de 15 % au minimum.

À défaut, des aliments industriels bio sont commercialisés mais l'analyse de leur composition est nécessaire pour en vérifier l'équilibre. Les aliments secs, notamment, sont souvent appauvris en lipides (pour des raisons de conservation en l'absence d'additifs antioxydants). Et certaines carences, en thiamine par exemple, sont parfois constatées. L'absence de conservateur réduit également la durée de péremption des produits. En revanche, le risque de présence de mycotoxines (lié aux fourrages non traités utilisés pour l'agriculture biologique) dans le petfood bio n'est pas avéré.

Évidemment, importer de l'étranger un aliment bio, aussi équilibré soit-il, serait en contradiction avec les souhaits du propriétaire d'agir pour réduire les émissions de CO2 à l'échelle planétaire…

BARF et raw feeding (viande crue) : pas en croissance

Dans cette même mouvance en faveur du "naturel", certains propriétaires sont des adeptes du régime BARF (acronyme de biologically appropriate raw food) qui propose une ration composée d'ingrédients crus : os charnus (type cuisse de poulet) et abats, poissons, fruits et légumes mixés, produits laitiers, huiles et compléments de type algues, levures, vinaigre. L'idée étant de reproduire une alimentation proche de celle des ancêtres prédateurs sauvages du chien et du chat. Les féculents et produits transformés sont exclus.

Les conseils pour nourrir son chien ou son chat en suivant la méthode BARF foisonnent sur Internet. Ici la photo d'une ration pour un chien sur perfectlyrawsome.com

Un tel régime, s'il est correctement équilibré, présente quelques avantages : l'appétence (non systématique et passé le stade d'habituation), l'absence d'additifs, de gluten, une meilleure satiété en conséquence d'un allongement du temps de repas, un bon développement musculaire et une bonne santé dentaire… le contentement du propriétaire !

Mais il a aussi de très nombreux inconvénients.

  • Sanitaires : risque de contamination bactérienne (salmonelles, campylobacter) ou parasitaire des aliments crus, lésions digestives en cas d'esquilles osseuses, manque de diversification du microbiote intestinal.
  • Alimentaires : 60 % des rations distribuées sont déséquilibrées ! Les apports énergétiques sont souvent insuffisants et les apports en protéines et en lipides trop élevés (au moins chez le chien). Des carences ou des excès en minéraux, oligo-éléments et vitamines sont fréquents.

Car par extension, le "BARF" désigne plusieurs variantes de régimes alimentaires crus. L'une de leurs caractéristiques majeures sur le plan nutritionnel est la présence ou l'absence d'os (et ses apports en minéraux). Il se confond aussi parfois avec le raw feeding, qui consiste à nourrir l'animal exclusivement avec des viandes et abats crus (avec ou sans os), éventuellement broyés. Des aliments de ce type sont commercialisés sous la forme de boudins congelés (souvent trop riches en graisses). Certains propriétaires choisissent également de donner des proies entières (poussins congelés, par exemple, commercialisés pour l'alimentation des reptiles) ou même de ne proposer que de la viande fraîche. Avec ces pratiques extrêmes réapparaissent des pathologies d'origine nutritionnelle : rachitisme, ostéochondrose, hyperparathyroïdie secondaire. Ainsi, un propriétaire qui annonce « faire du BARF » doit être questionné pour savoir ce qu'il donne exactement à son animal.

Après l'étude de la ration, et bien que cela reste « très difficile », un régime BARF peut être rectifié et devenir complet (à défaut d'être équilibré) sur les conseils du vétérinaire, par exemple en incluant des sardines à l'huile (pour augmenter les apports en énergie et en acides gras essentiels), en variant les menus sur la semaine, en ajoutant un CMV… Les besoins spécifiques de l'animal doivent être pris en compte, par exemple les apports énergétiques d'une femelle gestante, ceux en protéines d'un animal âgé ou présentant une maladie rénale, ceux en lipides en cas d'insuffisance pancréatique, etc. Cela augmente encore la difficulté, allant jusqu'à l'impossible. Un message à présenter sans ambiguïté au propriétaire.

De même, le BARF est à décourager pendant la croissance. Marianne Diez explique en avoir une expérience positive, mais en imposant au propriétaire le strict respect de ses préconisations, et un suivi étroit du développement du chiot.

Client végan : conseiller un lapin de compagnie !

Si nourrir BARF est difficile, nourrir végétarien l'est encore davantage. À nouveau ici, il est nécessaire de cerner précisément l'attente du propriétaire et savoir s'il est :

  • Végétarien : ne consomme pas de chair animale (viande ou poisson) ;
  • Végétalien : exclut aussi les aliments d'origine animale tels que le lait, les œufs ou même le miel ;
  • Végan : au-delà de son alimentation, rejette tout produit obtenu à partir d'animaux dans tous les domaines, par exemple le cuir ou la laine pour se vêtir.

D'emblée, un régime végan ou végétalien est à exclure pour nourrir les carnivores domestiques. La solution serait d'adopter de préférence une espèce herbivore, un lapin par exemple !

Un régime végétarien n'est pas non plus adapté au chat. Il peut être envisagé chez le chien – surtout de petite race – en veillant toutefois à la qualité et la quantité des protéines d'origine végétale incluses dans la ration. Pour éviter les carences en acides aminés, il est possible d'associer les sources de protéines, en mélangeant par exemple céréales et légumineuses (maïs et haricots). Mais l'augmentation des proportions pour couvrir les besoins augmente en parallèle les apports énergétiques, ce qui devient rapidement problématique, notamment chez un individu stérilisé.

Les apports en acides gras essentiels (EPA et DHA), en vitamines (particulièrement A, D et B12) comme en minéraux, notamment le calcium (insuffisant dans les produits laitiers) et le fer (moins bien absorbé si d'origine végétale), restent souvent inadéquats. La composition des aliments végétariens industriels comprend ainsi en complément des ingrédients de synthèse. Et une ration ménagère demeure très complexe à proposer : « un labrador aurait besoin de consommer 10 œufs par jour »…

Sur le plan éthique, ces régimes sans protéines animales pour des espèces carnivores posent question. Ne pas couvrir les besoins alimentaires de son chien ou son chat s'oppose aux principes du bien-être animal et pourrait être considéré comme de la maltraitance.

Sans gluten : au sens strict ou au sens large ?

Un régime sans gluten, en revanche, ne pose pas de réelle difficulté. Mais toute sa complexité découle d'une fréquente confusion entre gluten, céréales, amidon et même mycotoxines dans l'esprit du grand public.

Le gluten au sens strict, responsable de cas d'intolérance chez l'homme, très rarement chez l'animal, est une fraction protéique insoluble du grain de cinq céréales ou hybrides : seigle, avoine, blé, orge, triticale (à retenir par leur premières lettres formant le mot SABOT). Pour être précis, l'avoine n'en contient pas. Mais son stockage fréquent dans les mêmes silos que les autres en fait une céréale "contaminée".

Nourrir un chien ou un chat sans gluten consiste à écarter ces quelques céréales. Mais la mise en pratique n'est pas si simple. Elle impose une bonne connaissance de la nature des composants utilisés, s'agissant d'une ration ménagère comme d'un aliment industriel. Ainsi, le riz ou le quinoa sont autorisés. Mais le propriétaire peut être tenté de les remplacer ponctuellement par des pâtes sans réaliser que celles-ci sont à base de blé dur. Le blé noir, en revanche, désigne le sarrasin, une céréale qui serait injustement écartée. Inversement, le froment correspond à du blé tendre. L'épeautre, l'engrain et le Kamut sont aussi des espèces du genre Triticum (blé)… Que de pièges !

Attention, par extension, le terme gluten désigne parfois l'ensemble des protéines céréalières. Ainsi, évoquant un régime "sans gluten" (gluten free), certaines personnes pratiquent en fait un régime "sans céréales" (grain free). La ration de l'animal sera alors aménagée en remplaçant les céréales par des légumineuses. Ce qui peut nécessiter d'expliquer au propriétaire que les pois ne sont pas des céréales…

Sur le plan médical, les effets positifs d'un régime sans gluten sont insuffisamment établis par des études scientifiques. Généralement, y compris chez l'homme, sa mise en place s'accompagne d'une révision complète de l'alimentation qui pourrait, à elle seule, expliquer les améliorations rapportées chez tous les individus du foyer, et pas seulement la personne intolérante.