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Elanco & Proplan

18 mars 2016

Sultan : retour d'expériences

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Bilan des personnes ayant reçu un traitement de prophylaxie post-exposition à la suite du cas de rage de Sultan, chiot de 5 mois mort de rage dans la Loire en mai 2015 (d'après Botelho-Nevers, 2016).
Bilan des personnes ayant reçu un traitement de prophylaxie post-exposition à la suite du cas de rage de Sultan, chiot de 5 mois mort de rage dans la Loire en mai 2015 (d'après Botelho-Nevers, 2016).
 

Au cours de sa brève vie, Sultan, le chiot de 5 mois mort enragé dans la Loire le 18 mai dernier a franchi illégalement plusieurs frontières. En décembre 2014 tout d'abord : né en Hongrie, il a été importé « illégalement » en France. La Hongrie n'est pas indemne de rage, mais le dernier cas déclaré par ce pays à l'OIE remonte au second trimestre de 2014. Quelques jours après son arrivée, il a été vacciné « contre la maladie de Carré, l'hépatite, la leptospirose, le parainfluenza et la parvovirose », mais pas contre la rage. Fin décembre, la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de la Loire l'avait placé sous surveillance pendant six mois, suite à son introduction illégale de Hongrie fin décembre 2014.

Échappé à la surveillance

Cet arrêté préfectoral « impliquait quatre visites chez le vétérinaire sanitaire, un isolement de l'animal, une déclaration en cas de disparition, de mort ou de maladie, et une vaccination contre la rage à la fin des six mois ». Surtout, elle interdisait à l'animal la sortie de la commune de résidence de son maître – qui était informé de cet état de fait. Or, Sultan a, en compagnie de son maître, séjourné en Algérie du 21 avril au 7 mai 2015 alors qu'il était sous APMS et que le propriétaire avait été informé que son chien ne devait pas quitter sa commune de résidence. Sur cet aspect, « une action judiciaire est en cours », indiquent les auteurs du retour d'expériences. Pendant cette période, « le chiot a échappé à la surveillance de son propriétaire ». Et c'est probablement à cette occasion qu'il a contracté la rage – le typage moléculaire ayant confirmé a posteriori que la souche est celle circulant dans les environs d'Alger.

Pas de contrôle documentaire

Lors du transport par bateau, « l'animal était enfermé dans une cage. Aucun contrôle documentaire n'a été réalisé dans les ports, aussi bien à l'aller qu'au retour » ; frontière franchie dans les deux sens. Dans le Bulletin Epidémiologique, les auteurs indiquent que « des contrôles aux frontières auraient pu permettre de prévenir cet événement. Il est important de travailler avec les services de contrôle aux frontières, et notamment avec le personnel des douanes, afin de les sensibiliser au danger que représente la rage et améliorer les contrôles aux départs et aux arrivées, particulièrement des pays à risque ». D'autant que la rage est enzootique dans tout le Maghreb : 9 des 11 cas de rage animale importés identifiés depuis 2001 en proviennent.

Mort de rage

Une semaine plus tard, « le 14 mai, le chiot a mordu le cousin du propriétaire. Le 16 mai, après avoir mordu le chien d'un voisin », l'animal étant devenu « agité et irritable », il a été amené chez le vétérinaire où il a à nouveau mordu le cousin du propriétaire – et la praticienne. Celle-ci « a immédiatement informé la DDPP de la Loire qui a alors mis le chiot en quarantaine », qui est mort dans la nuit du 17 au 18 mai. Pour le Centre National de Référence sur la rage, le cas de Sultan illustre « la place centrale de la vigilance des vétérinaires libéraux dans le système de surveillance français. La réflexion en cours sur la baisse du nombre de prophylaxies post exposition repose sur le maintien de cette vigilance ».

26 personnes traitées

Commence alors un lourd et intense travail de recueil d'informations « auprès du propriétaire et de sa famille, [pour] recenser l'ensemble des lieux où le chien aurait pu séjourner depuis son retour d'Algérie et permettre ainsi l'identification de tous les animaux et personnes contacts ». Un numéro de téléphone mis à disposition par la préfecture sera appelé par 96 personnes, à la recherche d'informations complémentaires. « Au total, 26 personnes contact, dont 14 enfants » (« le chien avait l'habitude de se promener dans un parc et les enfants jouaient avec lui »), ont été trouvés dans des catégories d'exposition justifiant la mise en place d'un traitement prophylactique post-exposition (voir le tableau en illustration principale). La praticienne étant dument vaccinée contre la rage et ayant un titre sérologique positif, elle n'a reçu que deux injections de rappel. Quatre des membres de la clinique ont également reçu un traitement.

Un chien, deux chats euthanasiés

Deux chiens ont été identifiés comme en contact direct avec Sultan. L'un, qui était identifié et vacciné contre la rage, a reçu une injection de rappel. Le second, qui n'était ni l'un ni l'autre, a été euthanasié. En parallèle, une opération de piégeage de chats errants à été organisée dans le quartier d'où le chiot n'aurait pas du sortir… Entre le 23 et le 26 mai, elle a permis de capturer treize chats ; deux ont été euthanasiés. Un chat trouvé mort a fait l'objet d'analyses, négatives pour la rage.

Faible réponse des praticiens

Enfin, le centre antirabique de la Loire a organisé, en relation avec l'Ordre régional des vétérinaires, une enquête sur le statut vaccinal des praticiens vis-à-vis de la rage. Le moins que l'on puisse dire est que la participation à l'enquête est limitée : 153 répondants sur 1 829 praticiens enregistrés (8,4 %). Un répondant sur deux (53,3 %) indique être à jour de ses rappels de vaccination antirabique. Et un quart (23,7 %) réalise également une analyse sérologique pour vérifier s'il a bien un titre protecteur (la recommandation est d'une sérologie tous les deux ans). Ces scores assez faibles font écrire aux auteurs que « la compréhension de l'importance de la stricte observance aux recommandations de vaccination professionnelle est cruciale ».