titre_lefil
Elanco & Proplan

16 novembre 2015

Publicité pour des médicaments. Ce qui est interdit aussi aux vétérinaires

par Eric Vandaële

La presse élevage crie à la censure pour dénoncer l’interdiction de la publicité pour les vaccins, les antiparasitaires ou d’autres médicaments sur prescription.  

La presse élevage est en colère contre l’interdiction de faire de la publicité à des éleveurs pour des médicaments sur ordonnance comme les vaccins ou les antiparasitaires. Pourtant, cette interdiction ne date pas d’hier, elle découle de la loi de 1975. Mais, pendant près de quarante ans, elle n’avait jamais été appliquée… jusqu’au 1er octobre 2015.

 
La presse élevage crie à la censure pour dénoncer l’interdiction de la publicité pour les vaccins, les antiparasitaires ou d’autres médicaments sur prescription.  
 

Au 1er octobre, le décret sur la « publicité des médicaments vétérinaires » du 10 juin 2015 est entré en vigueur. Il ne s’applique pas seulement aux laboratoires pharmaceutiques pour promouvoir leurs médicaments à travers leurs campagnes de publicité.

Les vétérinaires diffusent parfois dans les salles d’attente des messages pouvant encourager à l’usage de vaccins, d’antiparasitaires, d’AINS contre l’arthrose… Ces messages, s’ils sont considérés comme incitatifs, sont des publicités soumises aux nouvelles règles de ce décret « pub ». La clinique vétérinaire est évidemment responsable des affiches ou des vidéos de salles d’attente qui peuvent inciter à l’usage de médicaments.

Les particuliers et les éleveurs dans le même sac

Les principaux changements concernent la publicité auprès du public. Les particuliers propriétaires d’animaux de compagnie et les éleveurs professionnels sont logés à la même enseigne, au grand désespoir de la presse élevage qui, jusqu’au 1er octobre, a bénéficié d’une tolérance.

Quatre points clefs

Les quatre points les plus importants sont les suivants.

  1. La publicité est interdite auprès du public pour les médicaments sur prescription, même s’il agit de vaccins ou d’antiparasitaires…
  2. La publicité est permise pour les médicaments sans ordonnance sous réserve d’avoir obtenu un visa publicitaire auprès de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). Chaque demande de visa fait l’objet de la perception d’une taxe de 2000 euros par cette agence.
  3. Ce visa publicitaire de l’ANMV est aussi exigé pour les publicités destinées aux vétérinaires visant les antibiotiques, toutes les hormones, ou concernant des maladies réglementées comme la fièvre catarrhale ovine (FCO), la rage et les autres dangers sanitaires dits de première catégorie.
  4. Toutes les autres publicités sont soumises à un dépôt préalable auprès de l’ANMV.

Les points clefs du contrôle de la publicité par l’Agence du médicament vétérinaire

Source. Articles R. 5141-82 à 88-1 du code de la santé publique

« Toute information qui vise à promouvoir… »

La définition de la publicité dans ce décret est large, très large, non restreinte aux visuels publicitaires préparés par les laboratoires. 

Il s’agit de « toute forme d’information [sur tout support, papier, oral, internet, objet…], y compris le démarchage […], qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente, ou la consommation d’un médicament vétérinaire ».

En d’autres termes, toute incitation, même indirecte, à l’usage d’un médicament devient une publicité au sens du nouveau décret.

Ne sont pas des publicités…

La définition est si large qu’il a fallu d’emblée prévoir des exceptions. La correspondance privée, les catalogues et les listes de prix des centrales, sans aucune autre information que, éventuellement, la classe thérapeutique, ne sont pas considérés comme des publicités.

Les informations sur des maladies ne sont pas des publicités si elles ne font aucune référence, même indirecte, à un médicament vétérinaire. En d’autres termes, il est permis de diffuser des informations sur les maladies, l’arthrose, les agents pathogènes, les parasites, mais sans citer de vaccins ou d’antiparasitaires, sauf à risquer la requalification en publicité.

La prescription n’est pas une publicité

Bien évidemment, un vétérinaire qui incite un client à profiter de nouveaux médicaments adaptés à l’état de ses animaux ne fait pas de la publicité mais une prescription personnalisée. Cela suppose donc un diagnostic préalable.

Gare aux publicités aux clients

Dans la salle d’attente, à l’accueil, dans une vidéo, une lettre d’information, un site Web… il est toujours possible d’encourager l’usage de médicaments sans ordonnance, mais sous réserve d’avoir obtenu une autorisation de l’Agence pour cette publicité. En pratique, les campagnes préparées par les laboratoires devraient, depuis le 1er octobre, être accompagnée du numéro de son visa publicitaire.

Les rappels vaccinaux acceptés

En revanche, il est interdit de promouvoir auprès de ses clients l’usage d’un médicament sur prescription, même indirectement en citant une classe thérapeutique sur prescription. Le nouveau code de déontologie interdit déjà une telle incitation à travers son article R. 242-76.

« La communication ne peut pas encourager l’utilisation d’un médicament vétérinaire soumis à prescription. »

Toutefois, l’envoi de carte de rappels de vaccination à ses clients semble une pratique acceptable, même si les vaccins sont des médicaments sur prescription.

L’envoi de tarifs est (toujours) prohibé

Le même article du nouveau code de déontologie interdit aussi « l’envoi groupé [mailings ou e-maillings] d’informations tarifaires ou promotionnelles relatives aux médicaments vétérinaires même sous couvert d’une communication technique associée ».

Si cette interdiction est nouvelle dans le code de déontologie, elle figure de longue date dans le code de la santé publique à article L. 5143-9.

« Il est interdit de solliciter auprès du public (éleveurs ou grand public) des commandes de médicaments par tout moyen et de satisfaire de telles commandes ».

Les sanctions pénales vont alors jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende.

Une longue tolérance…

L’interdiction de faire de la publicité pour des médicaments sur prescription auprès des éleveurs ou des propriétaires n’est pas vraiment nouvelle. Elle est aussi ancienne que la loi de 1975 sur la pharmacie vétérinaire et son premier décret d’application de 1978. Elle repose sur un principe simple. Si la publicité est efficace, elle va encourager les propriétaires à réclamer les médicaments promus, alors que c’est seulement au prescripteur de juger de leur utilité.

À l’inverse, pour encourager la mise en place de plans de prévention, cette publicité « illégale » a été tolérée dans la presse agricole depuis des décennies, notamment pour les antiparasitaires et les vaccins. Et elle est d’aileurs considérée comme efficace pour promouvoir ces médicaments.

Une interdiction européenne

Pour encourager la prévention, il était d’ailleurs initialement prévu que le nouveau décret « légalise » la publicité pour les vaccins auprès des « éleveurs ». Cela était même annoncé à la mesure 31 du plan EcoAntibio. Mais le Conseil d’État a rappelé que le droit européen ne permet pas cette souplesse. 

« Les états membres interdisent la publicité auprès du public [éleveurs inclus] pour les médicaments vétérinaires qui ne peuvent être délivrés que sur prescription » selon l’article 85 de la directive européenne « médicament vétérinaire » 2001/82.

Et le projet de règlement européen qui devrait remplacer cette directive dans quelques années ne prévoit pas, pour le moment, de tolérance sur ce point. Au contraire…

La presse élevage en colère

La presse élevage est évidemment « vent debout » contre l’interdiction d’une tolérance vieille de trente à quarante ans. Elle le manifeste dans ses colonnes à travers la publicité ci-dessous « censurée ». Cette interdiction représenterait surtout entre 10 et 30 % des revenus publicitaires de ces titres.

Les éditeurs de ces revues espèrent toujours arriver à changer à la fois le droit français ou européen… Un vrai challenge.