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Elanco & Proplan

27 août 2025

Le téléphone portable est un nid à microbes, bien plus celui du vétérinaire que de l'ASV

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

D'après Glenn et al., VetRecord Open, 2025.
D'après Glenn et al., VetRecord Open, 2025.
 

Selon des travaux réalisés en santé humaine, la contamination bactérienne des téléphones portables des soignants est évaluée entre 73 et 100 % dans les unités de chirurgie et de réanimation/soins intensifs. Une étude menée en environnement vétérinaire montre qu'il en est de même, avec toutefois des variations selon le rôle de l'utilisateur et le type d'appareil. Ses résultats sont publiés en libre accès dans VetRecord Open.

25 participants inclus au vol

Les 25 participants à cette étude étaient en poste au moment de la collecte des prélèvements, au bloc opératoire, en salle de préparation/anesthésie des animaux ou dans l'unité d'urgences et soins intensifs d'un centre hospitalier universitaire (école vétérinaire d'Édimbourg en Écosse). Il s'agissait de 15 vétérinaires et 10 ASV (nurses), dont les téléphones professionnels et personnels ont été échantillonnés (39 appareils au total).

La participation à l'étude n'était pas obligatoire. Les participants n'avaient pas été avertis en amont, afin de ne pas modifier leurs habitudes d'usage. Ils ont été recrutés au moment du prélèvement, un même jour.

Les mobiles personnels sont généralement des smartphones. Les téléphones professionnels en revanche, fournis par l'hôpital, sont sans écran tactile (et sans accès à Internet). Les prélèvements ont été réalisés par écouvillonnage en divers endroits (écran, touches, boutons, micro et haut-parleur). Et les analyses ont été réalisés dans la foulée au laboratoire de l'établissement (culture aérobie uniquement).

Taux maximaux pour les chirurgiens vétérinaires

Le taux de contamination global atteint 41 % (16 appareils contaminés sur les 39), ce qui est potentiellement sous-estimé selon les auteurs, en lien avec le mode de prélèvement et les milieux de transports utilisés (associés à un possible défaut de sensibilité). En outre, les prélèvements ont eu lieu en début de journée, certaines personnes venant peut-être de nettoyer leur téléphone ; il serait intéressant de répéter l'échantillonnage en fin de journée.

Le taux n'est pas différent entre les participants présents au bloc ou en salle de préparation/anesthésie (45,5 et 42,9 %, respectivement). Seuls 2 participants et leurs 3 appareils étaient présents en unité d'urgences et soins intensifs au moment des prélèvements, et aucun de ces derniers n'était contaminé.

Une différence notable est observée entre les téléphones des vétérinaires et des ASV, avec des taux de contamination de 62,5 % contre 6,7 % (différence significative). Et en croisant les deux, les taux les plus élevés sont observés pour les téléphones des chirurgiens vétérinaires (76,9 %) et des vétérinaires anesthésistes (55,6 %). Le taux atteint 20 % pour les ASV anesthésistes. En médecine humaine, les études réalisées n'ont pas montré de différence entre médecins et infirmières. En revanche, les téléphones des chirurgiens étaient davantage contaminés que ceux des autres médecins. Un défaut de respect des règles d'hygiène ou les contacts avec un plus grand nombre de patients sont des hypothèses explicatives avancées par les auteurs.

Une différence est observée aussi selon le type d'appareil : les smartphones sont plus souvent contaminés que les téléphones de l'hôpital (52,6 % contre 30 %), mais la différence n'atteint pas le seuil de significativité.

Présence de germes potentiellement pathogènes

La très grande majorité des isolats sont des coques Gram positif (n=21), comme en médecine humaine ; le taux de contamination des téléphones par ces bactéries est de 38,4 %. Quelques coccobacilles Gram positif et bacilles Gram positif ou négatif ont aussi été isolés (n=5). Ces divers germes sont potentiellement pathogènes. Plusieurs isolats ont été cultivés sur 6 téléphones.

Pour les appareils contaminés, la charge bactérienne médiane est de 60 CFU/ml, mais elle est bien plus élevée pour 7 d'entre eux, dont 2 à plus de 4000 CFU/ml.

Dans les études menés dans le secteur hospitalier humain, des bactéries résistantes aux antibiotiques étaient isolées à partir de 31 à 100 % des téléphones. Ici, les souches bactériennes n'ont pas été identifiées, et leur résistance aux antibiotiques n'a pas été testée.

Des outils « essentiels »

En parallèle, 21 des participants ont complété un questionnaire visant à évaluer les modes d'utilisation et de nettoyage de leurs téléphones (12 vétérinaires, 8 ASV et 1 non précisé ; 12 femmes et 9 hommes). Les réponses étaient anonymes, sans croisement possible avec les résultats d'analyses des appareils du répondant (pour des raisons éthiques de protection de la vie privée).

Plus des trois quarts (16/21 soit 76,2 %) utilisent leur téléphone dans le périmètre de soins. La majorité des répondants considère le téléphone comme un outil « important » (n=13) voire « essentiel » (n=9) dans sa pratique.

Malgré leur formation, 7 répondants (soit un tiers) n'envisageaient pas leur téléphone comme un vecteur potentiel d'infection. Et 5 ont déclaré l'avoir récemment utilisé dans leur salle de bain.

Nettoyer et désinfecter plus souvent ?

Des questions portaient sur le nettoyage de ces téléphones :

  • 3 répondants le font au moins une fois par jour,
  • 6 au moins une fois par semaine,
  • 6 au moins une fois par mois,
  • 3 au moins une fois par an,
  • et 3 jamais (voir figure en illustration principale).

Les principales raisons évoquées pour ne pas le faire chaque jour sont de ne pas y penser ou de craindre d'endommager l'appareil. Mais plusieurs répondants évoquent aussi la perte de temps ou le fait que l'hygiène des mains est suffisante. Trois personnes expliquent qu'elles manquent d'informations sur le sujet.

Par ailleurs, les modes et produits de nettoyage sont variés : lingette antiseptique (n=13), compresse imbibée d'alcool (n=3), chiffonnette pour lunettes (n=2), vêtement (T-shirt, n=2), mouchoir en papier (n=1). L'usage d'un produit bactéricide n'est donc pas systématique (et sans différence entre vétérinaire et ASV).

Divers objets ou surfaces, comme les claviers d'ordinateur, les robinets ou les clenches de porte, représentent des réservoirs bactériens susceptibles d'agir comme vecteurs passifs d'infection. Ils constituent une problématique majeure en environnement hospitalier – et de soins santé en général –, et le risque de contamination des patients est efficacement diminué grâce à l'hygiène des mains. Aucune étude n'a établi de lien direct entre colonisation des téléphones portables des soignants et infection, mais il est probable qu'elle mime la contamination des mains.

Dans ce contexte, les auteurs proposent d'établir des recommandations d'hygiène concernant les téléphones portables utilisés dans le cadre de la pratique vétérinaire. Les recommandations actuelles en médecine humaine sont une désinfection au moins une fois par jour. Elles ont été mises en place dans l'intervalle dans l'établissement où s'est déroulée l'étude.

En pratique, et en complément de la désinfection quotidienne, il pourrait être utile de désinfecter aussi le téléphone (avec une compresse d'alcool à 70°) avant et après usage lorsqu'il est concomitant à la manipulation d'un animal, et en se lavant les mains avant et après.