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Elanco & Proplan

3 juin 2025

Insuffisance rénale périopératoire : les signes cliniques débutent jusqu'à 14 jours après l'intervention

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Seules 2 des 12 races représentées dans cette petite cohorte compte plus d'un représentant : le golden retriever et le labrador (cliché Pixabay).
Seules 2 des 12 races représentées dans cette petite cohorte compte plus d'un représentant : le golden retriever et le labrador (cliché Pixabay).
 

Le délai d'apparition des signes cliniques lors d'insuffisance rénale aiguë (IRA) secondaire à une chirurgie sous anesthésie générale fait que la prévalence de cette complication est probablement sous-évaluée. De même que la mortalité associée. Et en effet, les résultats d'une étude bibliographique montrent que ce délai peut atteindre 2 semaines après le réveil du chien.

Des cas qui passent sous les radars

Cette revue de la littérature, axée sur cette complication grave de l'anesthésie chez le chien, n'a recensé que 31 cas (rapportés dans 9 publications scientifiques de revues à comité de lecture). Ce n'est pas étonnant selon son auteur : le suivi de la récupération des chiens opérés est souvent court, et les éventuels cas d'IRA non mortels ne sont évidemment pas inclus dans les études évaluant les causes de mortalité secondaire à l'anesthésie. De plus, la cause de l'IRA est multifactorielle, favorisée par l'administration de médicaments néphrotoxiques comme les produits de contraste ou certains antibiotiques, ou par l'hypovolémie secondaire à une hémorragie… Enfin, lorsque les signes d'IRA sont tardifs, faire le lien avec l'anesthésie générale antérieure peut être manqué. La sélection recherchait aussi des cas pour lesquels le délai d'apparition des signes cliniques était précisé, ce qui a pu en limiter le nombre.

En médecine humaine, l'IRA est une complication périopératoire bien documentée, et une atteinte asymptomatique est associée à un risque augmenté de complications ultérieures, d'installation d'une insuffisance rénale chronique, et de mortalité.

L'objectif premier de cette revue était d'évaluer le délai d'apparition des signes cliniques de l'IRA chez le chien, afin d'améliorer le suivi postopératoire en pratique quotidienne, mais aussi d'orienter d'éventuels nouveaux travaux de recherche pour en déterminer la prévalence et la gravité.

Des signes cliniques évocateurs mais parfois tardifs

Les cas ou séries de cas publiés montrent que les signes les plus fréquents sont les suivants :

  • De l'anorexie (n=23, 74 %),
  • Une léthargie ou une dépression (n=21, 68 %),
  • Une polyuro-polydispsie (n=17, 55 %),
  • Des vomissements (n=12, 39 %).

D'autres signes, comme une diarrhée ou une déshydratation, sont moins fréquents.

Ces signes sont relativement caractéristiques lors d'IRA, mais ils restent aspécifiques, pouvant par exemple évoquer des complications digestives, ce qui peut retarder le diagnostic.

Le délai d'apparition est de 2 jours en médiane après la chirurgie. La majorité (58 %, n=18) survient dans les 2 à 4 jours. Mais des cas plus précoces sont décrits (dès le lendemain de l'intervention, mais pas avant ici), ainsi que d'autres plus tardifs : jusqu'à 14 jours, donc.

L'hypercréatininémie était systématique lorsque mesurée (chez 30 des 31 chiens).

Sur le plan urinaire, une oligurie n'a été rapportée dans aucun des 31 cas, mais la mesure des quantités d'urines émises n'avait pas été effectuée pour pouvoir la mettre en évidence, et elle peut être jugée sans pertinence clinique dans un contexte d'anorexie ou de déshydratation. L'analyse d'urine (22 cas) a très souvent révélé une isosthénurie (18/22), attestant le dysfonctionnement rénal. Le RPCU était très augmenté dans 6 cas sur 10.

Une complication souvent grave voire fatale

Le taux de mortalité s'élève à 16 % (5 cas). Le décès du chien ou son euthanasie en lien avec l'IRA est survenu 7 jours en médiane après la chirurgie. Mais ici encore, le délai peut être plus court (3 jours), et surtout plus long (60 jours).

Les cas considérés comme complication rénale majeure de l'anesthésie sont comptabilisés en additionnant les décès (5), les cas de dialyse rénale (1) et ceux de persistance d'une insuffisance rénale après la prise en charge de l'IRA (5), ce qui s'élève ainsi à 9 ici, soit 29 %.

Les chiennes plus à risque ?

L'objectif de l'analyse était aussi d'identifier des facteurs de risque.

  • Parmi les 31 cas recensés, 5 étaient des chiens mâles et 21 des femelles (le sexe n'était pas renseigné pour les 5 derniers). Les chiennes sont donc largement surreprésentées, et potentiellement plus à risque.
  • Dans plus de 4 cas sur 10 (13 soit 42 %) toutefois, l'intervention chirurgicale était une stérilisation de chienne (dont 3 par laparoscopie). Et en écartant ces cas, le sexe femelle n'est plus un facteur de risque significatif, une prédisposition sexuelle reste donc à confirmer. En médecine humaine, les patients masculins sont plus à risque, ainsi que les chirurgies abdominales (et une ovariectomie en est une).
  • Le poids du chien était renseigné dans 26 cas, montrant une large majorité de chiens de grand format (pesant > 20 kg pour 24/26). Les deux races les plus représentées sont le labrador (n=4) et le golden retriever (n=3), mais elles sont populaires. Les 10 autres races ne comptaient qu'un seul chien. Mais la cohorte est trop petite pour pouvoir parler de prédisposition raciale. Par ailleurs, les chiens de grand format nécessitent souvent des temps opératoires plus longs, et des doses anesthésiques plus élevées, ce qui peut ainsi augmenter le risque d'IRA.
  • L'âge du chien (6 mois à 13 ans dans la population étudiée) n'est pas identifié comme un facteur de risque.

D'autres facteurs de risque ont été évalués, relatifs à la procédure chirurgicale, aux complications (une hypotension transitoire est signalée dans 2 cas), au protocole anesthésique ou analgésique (administration d'AINS notamment, dans 19 cas ici), mais la diversité des traitements et le manque de données comparables d'une publication à l'autre n'ont pas permis d'en identifier. L'impact d'une maladie rénale préexistante n'a pas été caractérisé.

Un suivi plus long et plus ciblé

Mieux connaître les signes cliniques de l'IRA postopératoires et leur délai d'apparition permet de mieux savoir quoi surveiller durant le suivi des chiens. Cela permet aussi de sensibiliser le propriétaire aux anomalies à détecter et signaler une fois le chien revenu à domicile, afin de favoriser une suspicion précoce d'IRA, de la confirmer et de la traiter au besoin.

L'auteur propose un suivi attentif d'au moins 4 jours, et idéalement de 15 jours. L'absence de diminution évidente de la quantité d'urines émises ne devrait pas faire écarter l'hypothèse d'une IRA. Un bilan sanguin incluant créatinine et urée et la mesure de la densité urinaire seraient alors à systématiser pour rechercher une IRA en cas d'anorexie, de léthargie, de vomissements dans les deux semaines suivant une chirurgie sous anesthésie générale.