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Elanco & Proplan

28 mai 2025

Pancréatite aiguë du chien : les chances de survie sont bonnes mais difficiles à évaluer

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Répartition et comparaison des scores finaux des chiens survivants ou non après le diagnostic de pancréatite aiguë, pour les 5 outils testés. La ligne horizontale de chaque boîte indique le score médian et le cercle indique le score moyen. Les différences sont significatives pour le score APPLE et l'index MCAI (d'après Cridge et al., JVIM, 2025).
Répartition et comparaison des scores finaux des chiens survivants ou non après le diagnostic de pancréatite aiguë, pour les 5 outils testés. La ligne horizontale de chaque boîte indique le score médian et le cercle indique le score moyen. Les différences sont significatives pour le score APPLE et l'index MCAI (d'après Cridge et al., JVIM, 2025).
 

La présentation clinique d'une pancréatite aiguë est variable ; et le chien présente généralement des signes aspécifiques, notamment une douleur abdominale et des vomissements. L'évolution clinique est variable elle aussi. Difficile, dans ce contexte, d'établir un pronostic.

Plusieurs outils ont été développés pour prédire la gravité de ces pancréatites. Et au travers d'une étude rétrospective multicentrique, des cliniciens américains en ont évalué la véracité. Avec des résultats finalement décevants. Pour l'usage de ces outils, mais pas pour les chiens !

Un pronostic de survie favorable

Les 504 cas de pancréatite aiguë inclus avaient été pris en charge dans 4 structures vétérinaires de diverses régions des États-Unis (3 hôpitaux universitaires et 1 centre de référé), de 2018 à 2023. Ces chiens étaient généralement âgés (10 ans en médiane) et également répartis en mâles et femelles. Le poids médian est de 9 kg.

L'analyse des dossiers médicaux montre que près d'un chien sur 4 (n=197) a été hospitalisé 5 jours ou davantage, ce qui est considéré comme un paramètre pronostique défavorable. La durée d'hospitalisation médiane est de 4 jours.

Le taux de survie est élevé. Seuls 44 chiens (soit 8,7 %) sont morts ou ont été euthanasiés. Ce pourcentage est à relativiser : les chiens étaient pris en charge dans des structures disposant d'un équipement et d'un personnel optimisés (école vétérinaire ou centre de référés).

Cinq systèmes d'évaluation évalués

Les 5 outils évalués sont les suivants.

  • Le score organique (organ score, OS) se base sur des paramètres sanguins : leucogramme, gaz du sang, glycémie, corps cétoniques (hydroxybutyrate), marqueurs hépatiques et rénaux. Il évalue ainsi les dysfonctionnements organiques secondaires à la pancréatite. Le seuil de 4 a été proposé, à partir duquel le risque de mortalité est élevé. Ce score est ancien (1998) et le diagnostic des cas inclus à l'époque pour son évaluation repose sur des critères jugés aujourd'hui insuffisamment sensibles et spécifiques (augmentation de l'amylase ou de l'activité de la lipase sérique).
  • L'index de gravité clinique (clinical severity index, CSI) est un peu plus récent (2008). Il résulte également d'une somme d'indicateurs d'altérations organiques. Initialement trouvé fiable pour prédire l'évolution d'un cas, des études ultérieures ne l'ont pas confirmé.
  • Le score APPLE (acute patient physiologic and laboratory evaluation) a été développé en 2010. Il n'est pas spécifique des pancréatites, mais un score > 30 indique un risque de mortalité élevé dans les cas d'urgence nécessitant des soins intensifs (avec une sensibilité de 81,2 % et une spécificité de 89,4 %), et certains praticiens l'utilisent pour les cas de pancréatite aiguë.
  • Dédié aux pancréatites aiguës du chien, le système CAPS (canine acute pancreatitis severity) a été développé en 2019 en France : le risque de mortalité à court terme est élevé à partir du seuil de 11 (avec une sensibilité de 86 % et une spécificité de 92 %). Mais des études ultérieures n'ont pas conforté ces performances.
  • Encore plus récemment enfin (2021), l'index de modification de l'activité (modified canine activity index, MCAI) est adapté pour les pancréatites aiguës de l'index CIBDAI concernant les inflammations intestinales. Il se base sur les signes cliniques (et est ainsi nommé aussi modified CLINICAL activity index), ce qui le distingue de ceux évaluant les troubles organiques (OS, CSI et CAPS). Il est corrélé à l'évolution des cas selon une étude sur un petit groupe de chiens, mais n'a pas encore été validé sur une plus grande cohorte.

Ces outils ont été évalués et comparés pour leur capacité prédictive du risque de mortalité à court terme et d'une durée d'hospitalisation prolongée du chien (5 jours ou plus), indicateurs d'une plus grande gravité de l'affection. Les auteurs anticipaient que le MCAI serait le plus performant, ce qui n'a été validé que partiellement.

Des performances inégales

Pour chaque chien et chaque outil, les scores ont été établis d'après les données initiales (à la première évaluation).

En comparant les scores finaux des chiens morts ou ayant survécu, une différence significative n'est observée que pour 2 outils : le sore APPLE et l'index MCAI (voir figure en illustration principale).

En comparant les scores des chiens ayant été hospitalisés moins ou plus de 5 jours, les différences sont significatives pour tous les outils à l'exception de l'index CSI (voir figure ci-dessous).

Répartition et comparaison des scores finaux des chiens hospitalisés moins ou plus de 5 jours après le diagnostic de pancréatite aiguë, pour les 5 outils testés. La ligne horizontale de chaque boîte indique le score médian et le cercle le score moyen. Les différences sont significatives pour tous les outils sauf l'index CSI (d'après Cridge et al., JVIM, 2025).

 

Les analyses ont permis aussi de déterminer ici les seuils optimaux prédictifs de la mortalité et d'une hospitalisation prolongée :

  • Pour l'OS, ce sont les scores de 4 pour un risque accru de mortalité et de 3 pour un risque accru d'hospitalisation ≥ 5 jours ;
  • Pour le CSI, ce sont les seuils de 2 pour les deux paramètres ;
  • Pour le CAPS, les scores sont de 12 également pour les deux ;
  • Pour l'APPLE, ils sont de 25 et 29, respectivement ;
  • Pour le MCAI, enfin, ils sont de 5 et 4.

Mais les performances en termes de sensibilité et spécificité sont variables.

Les auteurs ont ensuite évalué le niveau de concordance de chaque outil envers les paramètres pronostiques, indépendamment de ces valeurs-seuils, afin d'apprécier leurs capacités prédictives générales et de les comparer entre eux. Le score APPLE apparaît alors le plus concordant vis-à-vis de la durée d'hospitalisation, suivi, dans l'ordre, du MCAI, de l'OS, du CAPS et du CSI.

Au vu du faible nombre de chiens n'ayant pas survécu à la pancréatite (et c'est heureux !), la concordance vis-à-vis de la mortalité n'a pas été calculée.

Une utilité pour conforter le bon pronostic de survie

Les auteurs relèvent que certains de ces outils utilisent des données qui ne sont pas facilement disponibles en pratique vétérinaire courante, par exemple le statut acido-basique du chien (pour le calcul du score OS), les données ECG (pour le CSI), la fonction de coagulation (pour le CAPS). Dans ce cadre, l'index MCAI est jugé le plus accessible, et le plus facile à calculer au chevet de l'animal.

La durée d'hospitalisation est un critère intéressant en termes de gravité de l'affection et de coût des soins. Mais le risque de mortalité demeure le plus important pour le propriétaire. En s'appuyant sur les seuils proposés, et les performances associées (valeurs prédictives positives et négatives), il ressort qu'un score inférieur au seuil est bien associé à un bon pronostic de survie (faible risque de décès). En revanche, les chances de survie demeurent relativement élevées pour les chiens dont le score dépasse le seuil. Il convient donc de ne pas condamner trop vite ces cas.