titre_lefil
Elanco & Proplan

6 mai 2024

Suisse : le pic des tumeurs malignes est à 11 ans, le Viszla a le taux d'incidence le plus élevé et les chiens nordiques sont les plus à risque

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Taux d'incidence des dix groupes de tumeurs les plus fréquents chez les 20 races de chiens suisses les plus répandues. Dhein et coll., 2024.
Taux d'incidence des dix groupes de tumeurs les plus fréquents chez les 20 races de chiens suisses les plus répandues. Dhein et coll., 2024.
 

À défaut de registre de cancers – ce qui serait utile pour le suivi de la première cause de mortalité canine – il est possible de collecter les données diagnostiques. C'est ce qui vient d'être réalisé pour la Suisse, dans une analyse complète (28 p.) décrivant l'incidence des néoplasies canines, mais aussi la répartition par type de cancer et selon les races. À ce triste jeu, c'est le cocker spaniel (8 cas p. 1 000 chiens) qui devance les Retrievers (Labrador et Golden sont ensemble sur la seconde marche de ce podium), de peu.

55 000 cas de cancers

Les données électroniques du diagnostic de tumeur ont été obtenues auprès de quatre laboratoires d'analyses suisses pour la période 2008 – 2020. Cela a représenté 57 776 tumeurs canines, dont au final les auteurs ont retenu 54 986 (correspondant à 42 743 chiens). Épidémiologistes, anatomopathologistes et cliniciens de la faculté vétérinaire Vetsuisse ont ainsi analysé ces données, dans ce qui est, à leur dire, l'étude sur l'épidémiologie des cancers la plus fournie jamais publiée. Il s'agit d'une étude de cohorte ouverte rétrospective. Les données d'histologie et de cytologie ont été prises en compte (et les doublons éliminés un à un), à partir du codage des comptes-rendus. Seules les tumeurs primitives ont été prises en compte, et les tumeurs bénignes ont été comptabilisées. Les auteurs ont aussi recueilli auprès du fichier national d'identification les données de population canine dans le pays, ne retenant que le nombre d'animaux vivants sur la période de l'étude. Ils décrivent à la fois le taux d'incidence des différentes néoplasies, mais aussi calculent le ratio de taux d'incidence (IRR) des tumeurs malignes, par régression binomiale négative.

Une majorité de tumeurs… bénignes

Pour un chien donné, il y a eu de 1 à 15 tumeurs différentes… Dans l'ensemble, les tumeurs bénignes étaient les plus fréquentes (53,1 %), devant les tumeurs malignes (43,8 %), le diagnostic histologique ou cytologique ne pouvant trancher entre ces deux cas de figure pour le restant des cas. Sans surprise non plus, les tumeurs les plus fréquentes sont ainsi les lipomes (14,5 % du total, bénins). Ils sont suivis des mastocytomes (10,0 %). Le taux d'incidence des différentes tumeurs est calculé par rapport au nombre total d'années pendant lesquelles les chiens ont été exposés au risque de développer une tumeur au cours de la période d'étude : ce sont les années-chiens à risque (DYAR). Ce taux d'incidence s'exprime donc pour 100 000 DYAR. Par exemple les 54 986 tumeurs représentent 340 513 DYAR et le taux d'incidence des tumeurs chez les femelles devient 850 cas par 100 000 DYAR et celui des mâles 679 (pour l'ensemble des chiens il est de 775). Car les chiennes sont plus représentées dans la population étudiée (55,5 %) que les chiens, qu'elles soient (28,3 %) ou non stérilisées (27,2 %).

Races prédisposées

Il y a des tumeurs à tous les âges (voir la figure ci-dessous), de moins d'un an à 19 ans, avec une médiane à 9 ans et un pic à 10 ans (13,4 % des tumeurs). L'âge au pic des tumeurs bénignes est à 10 ans, mais celui des tumeurs malignes est à 11 ans. Au total, 348 races sont représentées dans la population étudiée. À noter que les races ‘designer' (Labradoodle, etc.) sont intégrées à la catégorie « croisés », la plus représentée dans l'échantillon (23,2 %), devant le Labrador retriever (6,7 %) et le golden retriever (4,4 %). Pour analyser la réceptivité des races aux différentes tumeurs, les auteurs n'ont pris en compte que celles représentées par au moins 200 sujets dans la population étudiée. Ils observent ainsi que la race dans laquelle le taux d'incidence des tumeurs est le plus élevé est le berger polonais des plaines (3 303 cas p. 100 000 DYAR, mais avec trois fois plus de tumeurs bénignes que malignes), devant le Viszla (3 154, deux tiers de tumeurs bénignes) et le flatcoat (3 024, 60 % de tumeurs bénignes). Suivent le schnauzer géant et le doberman. À noter que le schnauzer géant est la seule race pour laquelle le taux d'incidence des tumeurs bénignes est inférieur à celui des tumeurs malignes (48 %). D'ailleurs le Schnauzer géant est aussi la race présentant le taux d'incidence le plus élevé pour les tumeurs malignes (1 466 p. 100 000 DYAR), devant le boxer (1 442), sur les 20 races les plus affectées. Seul le berger polonais des plaines est une race nouvelle venue dans ce trio de tête (c'est une race devenue populaire récemment).

Nombre de chiens enregistrés dans la base suisse d'identification Amicus, nombre d'échantillons soumis pour analyse et nombre de tumeurs diagnostiquées en fonction de l'âge de 2008 à 2020 (tumeurs bénignes incluses). Dhein et coll., 2024.

 

Chiens nordiques plus à risque de malignité

Les 10 groupes de tumeurs les plus fréquents (tumeurs bénignes incluses) présentés par les 20 races les plus populaires en Suisse ont été rassemblés dans une figure (voir l'illustration principale). Les auteurs calculent aussi les ratios de taux d'incidence des tumeurs malignes, confirmant que :

  • les chiens de 8 à 11 ans présentent 18,2 fois plus de risque de développer une telle néoplasie que les chiens de 0 à 3 ans ;
  • les mâles présentent 26 % de risque de moins que les femelles de développer une néoplasie maligne (en lien évidemment avec les tumeurs mammaires) ;
  • par rapport aux sujets croisés, les races présentant le risque le plus élevé de développer une tumeur maligne sont le groupe de chiens de chasse nordiques (chien d'élan norvégien, etc.) avec un sur-risque x 8,1, devant le groupe des lévriers à poils durs (Irish wolfhound, lévrier afghan, barzoï…) avec un sur-risque x 6,9 et les chiens de berger (x 3,8), toujours par rapport aux croisés ;
  • les races les moins à risque sont le chihuahua (58 % de moins) et les toys (-32 %).

Bien que les calculs de ces taux d'incidence soient robustes, il s'agit, préviennent les auteurs, de sous-estimations car il existe des cas de cancers canins diagnostiqués dans d'autres laboratoires, qui n'ont pas été inclus dans leur étude.