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15 septembre 2023

Surrénalectomie pour tumeur : cinq facteurs de risque de décès significatifs

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Courbe de survie de Kaplan-Meier de chiens opérés d'une surrénalectomie unilatérale pour tumeur, toutes causes de décès confondues : la durée médiane de survie était de 3,96 ans, dans l'étude portant sur le plus important effectif de cas à être publiée (Piegols et coll., 2023).
Courbe de survie de Kaplan-Meier de chiens opérés d'une surrénalectomie unilatérale pour tumeur, toutes causes de décès confondues : la durée médiane de survie était de 3,96 ans, dans l'étude portant sur le plus important effectif de cas à être publiée (Piegols et coll., 2023).
 

« Malgré une littérature de plus en plus abondante sur les surrénalectomies chez le chien, il n'existe pas de consensus sur la prise en charge péri-opératoire permettant de réduire le risque chirurgical », préviennent une quinzaine d'auteurs de facultés vétérinaires nord-américaines. Ils soulignent que différentes études rétrospectives portant sur les risques péri-opératoires de cette intervention rapportent des taux de décès de 1,5 à 26 %, mais avec des sous-populations ayant des taux de survie différents, et surtout des études portant sur des effectifs limités.

Étude multi-institutions

Aussi ont-ils agrégé rétrospectivement les cas de surrénalectomie de leurs institutions respectives (au nombre de 9), obtenant au final une série de 302 cas, la plus importante à être publiée. Les critères d'inclusion étaient que les patients soient atteints de tumeur surrénalienne primaire confirmée à l'histologique, et qu'ils aient été traités par surrénalectomie unilatérale entre le 1er janvier 2004 et le 1er janvier 2019. Bien sûr, le dossier médical de l'animal devait être complet, tant pour la période précédant l'intervention que sur le devenir de l'animal au moins 30 jours après l'intervention. Et les données relatives à la tumeur (imagerie mais aussi étendue de la vascularisation observée pendant la chirurgie) devaient également être détaillées. Les 302 chiens inclus étaient âgés de 2,5 à 15,5 ans au moment de l'intervention (âge médian de 11,1 an) et pesaient de 2,7 à 64,5 kg (médiane à 20,6 kg).

12 % de décès per- ou post opératoire

L'objectif principal de l'étude était d'évaluer les variables liées à la tumeur et à la chirurgie pour déterminer leur association éventuelle avec la mortalité per- ou post-opératoire. L'ensemble des données était catégorisé entre liées à un cas étant décédé pendant ou après la chirurgie (n=39, soit 12 % - dont 6 décédés le jour de l'intervention) ou ayant survécu (n=263). Les causes de décès renseignées étaient « pneumonie par aspiration, coagulopathies, hypotension, troubles respiratoires, pancréatite, thrombo-embolie pulmonaire, dysfonctionnement de plusieurs organes, lésions rénales aiguës, arythmies et hémorragies » (25 % des chiens ont présenté des complications post-opératoires). Au-delà de l'hospitalisation, la durée de survie médiane des chiens était de près de 4 ans (3,96 ans, voir l'illustration principale), ce qui « peut être utile dans la gestion des cas et des attentes des propriétaires ».

Durée de l'intervention et type de traitement

Les variables retenues au terme de l'analyse univariée sont « la taille du chien, la latéralité de la tumeur, la longueur maximale de l'axe de la tumeur, les traitement médical pré-chirurgical autre que la phénoxybenzamine, la durée de l'intervention chirurgicale, la réalisation d'une intervention chirurgicale supplémentaire, une urétéro-néphrectomie, une pancréatite post-opératoire et le recours à l'aspiration post-opératoire ». Ces variables ont été utilisées dans l'analyse multivariée (limitation des biais) des facteurs de risque de décès dans les deux semaines suivant l'intervention, qui n'en identifie que deux de significatifs :

  • la durée de l'intervention chirurgicale (sur-risque de 1 %, p = 0,002),
  • et le fait d'avoir reçu un traitement médical pré-chirurgical autre qu'avec la phénoxybenzamine (sur-risque de 68 %, p = 0,024).

Ces traitements pouvaient être, selon les comorbidités de chaque cas « rilostane, glucocorticoïdes, minéralocorticoïdes, inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, tocéranib, amlodipine, antagonistes ß-adrénergiques, acide aminocaproïque, telmisartan, prazosine ou anticoagulant prophylactique ». Mais, préviennent les auteurs, cette association peut malgré tout représenter un biais puisque les cas considérés comme les plus compliqués ou à risque sont ceux recevant l'un ou l'autre de ces traitements.

Utéronéphrectomie, pancréatite et fausse route

Pour les facteurs de décès liés au type de tumeur, les auteurs ont également retenu les mêmes 9 variables que pour la survie per- et post-opératoire, obtenant trois facteurs de risque en analyse multivariée :

  • la réalisation d'une utéronéphrectomie pendant l'intervention (sur-risque de décès x 2,57 par rapport aux chiens n'ayant pas subi cette exérèse-là et p<0,021),
  • la présence d'une pancréatite en post-opératoire (sur-risque x 2 et p=0,025),
  • et pneumonie par aspiration (x3,3 et p<0,001).

Les auteurs préviennent toutefois que l'étude rétrospective s'étend sur 15 ans et que la qualité et la pertinence des soins ont pu évoluer sur cette période, pouvant induire un biais dans ces résultats.

Phénoxybenamine et phéochromatocytomes

L'objectif secondaire de l'étude était d'évaluer l'effet du prétraitement par la phénoxybenzamine sur la survie jusqu'à la sortie d'hospitalisation des chiens atteints de phéochromocytomes. « Sur la base de l'expérience clinique des auteurs et de la littérature récente, il a été supposé qu'il n'y aurait pas de différence de survie entre les chiens prétraités avec [cette molécule] et ceux qui ne l'ont pas été ». Il y a eu 107 chiens avec phéochromatocytome confirmé à l'histologie, dont 84 % ont survécu à l'intervention et ses suites. Confirmant l'hypothèse des auteurs, l'étude montre qu'il n'y a pas de différence significative pour la survie entre les cas ayant reçu de la phénoxybenzamine (15 % de décès) et ceux n'en ayant pas reçu (18 % de décès, p=0,730) avant l'intervention. Ils estiment qu'un pré-traitement systématique « devrait être remis en cause », et qu'un essai prospectif devrait permettre de trancher sur ce sujet. Ils précisent aussi que la durée des traitements des cas n'était pas prise en compte, mais rappellent qu'il n'y a pas encore de consensus sur cette durée avant la surrénalectomie.