1er juin 2023

La dosage de la cotinine chez les chiennes gestantes comme outil de sensibilisation des fumeurs à l'exposition de leur entourage… La même équipe italienne qui avait publié ce début d'année la validation du dosage de la cotinine par un kit Elisa d'humaine poursuit ses études sur le sujet, avec un travail pilote sur l'évaluation de l'exposition des chiennes gestantes au tabagisme de leur(s) maître(s) – et donc de leur chiot.

Chiennes à césarienne

L'objectif était d'associer le dosage de cotinine chez la chienne comme chez son/ses chiot/s né/s par césarienne à l'hôpital de la faculté vétérinaire de Milan. Il a été proposé aux maîtres de chiennes admises pour césarienne de participer à cette étude pilote. Le niveau de tabagisme des maîtres et leur consentement ont été recueillis juste avant l'intervention : 6 chiennes exposées et 6 autres non exposées ont été incluses dans l'étude (1,5 à 12 ans d'âge). S'y ajoutaient 6 chiennes en bonne santé, non gestantes mais exposées. Le niveau de tabagisme était qualitatif : + (jusque 5 cigarettes par jour dans le domicile, n=4) ou ++ (plus de 5 cigarettes par jour, n=2). Pour chaque chienne, ont été prélevés des poils et du sang (analyse sur sérum) et pour les chiennes subissant une césarienne, du liquide amniotique (20 ml au moment de l'extraction de chaque chiot) et des poils (face ventrale de la queue) ont été prélevés sur les chiots (de 2 à 8 chiots par portée, 5,1 en moyenne).

En aveugle

Le kit Elisa utilisé est le même que celui déjà validé antérieurement sur le poil et le sérum de chiens. Il n'avait pas encore été utilisé pour du liquide amniotique (les analyses ont été réalisées sur les sérums et le liquide amniotique non dilués). La personne qui a réalisé les analyses était en aveugle pour le groupe d'origine des prélèvements. Il y a eu deux chiots mort-nés et un avec malformation congénitale dans chaque groupe. Les concentrations en cotinine étaient au-dessus du seuil de détection pour tous les échantillons (y compris ceux des chiennes non exposées) et pour toutes les matrices.

Corrélation élevée

Comme dans l'étude de validation, « les concentrations de cotinine dans le sérum et les poils étaient plus élevées chez les chiennes gestantes que chez les chiennes non gestantes », mais cette fois (probablement en lien avec le faible effectif) sans signification statistique. Tout de même, le niveau était 7 fois plus élevé dans les poils et 8 fois plus élevée dans le liquide amniotique chez les chiots nés de mères exposées. Les auteurs observent aussi que :

• la concentration en cotinine du sérum maternel était fortement positivement corrélée à celle des poils de la mère et du nouveau-né et à celle du liquide amniotique (p < 0,0001 – voir l'illustration principale) ;
• « les chiennes gestantes exposées à la fumée de cigarette et leur portée présentaient des concentrations en cotinine significativement plus élevées que les chiennes gestantes non exposées, ainsi que leur portée, dans tous les échantillons biologiques (p = 0,004) » ;
• l'intensité de l'exposition, telle qu'évaluée dans l'étude (mode déclaratif et qualitatif) n'a pas influencé la concentration en cotinine mesurée, quelle que soit la matrice utilisée ;
• enfin, la concentration en cotinine n'était corrélée ni à l'âge de la chienne au moment de la gestation, ni à son poids corporel, ni à la taille de la portée.

Passage transplacentaire

Il est déjà connu à partir d'études animales et en humaine que la cotinine (principal métabolite de la nicotine) traverse le placenta. En médecine humaine, la concentration en cotinine du liquide amniotique est étroitement corrélée au niveau d'exposition tabagique de la mère. La présente publication est la première à démontrer que le passage transplacentaire de la cotinine se fait aussi chez la chienne gestante, mais à la différence de chez la femme, la concentration en cotinine dans ce fluide est inférieure à celle du sérum. Pour les auteurs, c'est lié à la différence de placentation entre les deux espèces, et ils suggèrent que le placenta épithéliochorial de la chienne serait une barrière plus efficace que la placentation hémochoriale humaine. Mais par rapport aux concentrations rapportées en humaine chez des nouveau-nés issus de mères exposées au tabagisme, celles mesurées chez ces chiots étaient plus élevées. « Il pourrait donc y avoir un métabolisme différent de la nicotine chez le chien et chez l'humain ». Enfin, le fait que les chiennes gestantes présentent une concentration en cotinine supérieure (dans les poils et le sérum) aux chiennes non gestantes, même si cela n'atteint pas le seuil de significativité statistique, « il pourrait y avoir une réceptivité différentielle liée à l'état de gestation chez la chienne ».

Au bilan, « il est encore trop tôt pour parler des effets du tabagisme passif sur la santé des chiots nouveau-nés, mais la comorbidité des malformations et la mortalité néonatale chez les races brachycéphales ne peuvent être exclues car leur nez court réduit leur capacité à filtrer la fumée de cigarette », préviennent les auteurs, bien qu'aucune race brachycéphale n'ait figuré parmi la faible population de la présente étude. Une façon d'introduire la prochaine ? Enfin, ils estiment que ces travaux devraient permettre de poursuivre la sensibilisation des maîtres sur le sujet du tabagisme passif de leurs animaux de compagnie.