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14 mars 2023

Attraper la toxoplasmose pourrait stimuler l'esprit d'entreprise

par Pierre Mathevet

Temps de lecture  3 min

Le parasite Toxoplasma gondii pénètre dans le système nerveux de ses hôtes, avec des effets comportementaux étonnants de prime abord, comme une augmentation des prises de risque (cliché Wikimedia commons).
Le parasite Toxoplasma gondii pénètre dans le système nerveux de ses hôtes, avec des effets comportementaux étonnants de prime abord, comme une augmentation des prises de risque (cliché Wikimedia commons).
 

Le lien entre Toxoplasma gondii et des changements psychologiques et comportementaux a été démontré par des centaines et des centaines d'études, couvrant de très nombreuses espèces animales.

Toxoplasma gondii impacte la production des neurotransmetteurs

Ce parasite affecte le cerveau humain avec une prévalence estimée de 10 à 50 % de la population humaine suivant les régions du monde. Il a été démontré qu'il impactait la production et le métabolisme de certains neurotransmetteurs, tels que la dopamine et la sérotonine, et d'hormones comme la testostérone. Même les personnes présentant des infections subcliniques ou latentes, qui représentent la grande majorité des cas, deviennent plus extraverties et ont plus facilement des comportements qui indiquent une plus grande tolérance au risque. Chez les rongeurs par exemple, il a été prouvé que les individus contaminés deviennent moins craintifs quand ils sentent l'odeur d'un chat ou de l'urine féline, qui est normalement un fort signal de danger pour eux.

Cette moindre aversion au risque a été le point de départ des études de Daniel Lerner, professeur d'entreprenariat de l'IE Business School de Madrid (Espagne), qui a rapproché ce comportement de certaines qualités des entrepreneurs. Ses hypothèses l'ont conduit à mener différentes études sur le lien entre infection par Toxoplasma gondii et esprit d'entreprendre.

Une plus grande probabilité d'être entrepreneur

Les premières études sur des étudiants ou une cohorte de 200 entrepreneurs montraient un lien entre la positivité à ce parasite et une affinité pour l'entrepreneuriat et le management. Une étude plus récente et conduite sur un large panel de plus de 74 000 femmes danoises confirme ces premiers résultats.

Grâce à l'extraordinaire système de conservation des données au Danemark, les auteurs ont pu comparer des dossiers médicaux individualisés et anonymisés, comprenant aussi des informations sur les activités économiques des individus (emploi, création d'entreprise, etc.) sur une dizaine d'années. Parmi ces 74 291 femmes, plus de 7 000 étaient infestées par ce parasite. Ces dernières étaient en moyenne de 27 % davantage susceptibles d'avoir fondé plusieurs entreprises et de plus de 2 fois plus susceptibles d'avoir lancé leur business seules. Enfin, elles étaient de 29 % plus susceptibles que les femmes non infestées d'avoir créé une start-up. Difficile à ce stade de savoir si l'effet observé est plus important chez les femmes que chez les hommes, tel qu'identifié lors des premières études. Si les résultats vont bien toujours dans le même sens quel que soit le sexe des personnes étudiées, il est possible que l'ampleur de l'effet puisse différer.

Et pour quel résultat économique ?

Dans l'étude, les résultats économiques des entreprises fondées par des personnes infestées est supérieure de 8 % à celles des entreprises fondées par des personnes saines. Mais attention, la performance individuelle des cheffes d'entreprise était assez variable. Les entrepreneures infestées montraient pour certaines des succès impressionnants, mais pour d'autres de nombreux échecs. Les cheffes d'entreprises positives à Toxoplasma gondii étaient moins persévérantes que les fondatrices non infestées et elles étaient plus susceptibles d'avoir monté leur entreprise seules.

La positivité à T. gondii du dirigeant : un indicateur pour choisir ses investissements ?

Certainement pas. L'infestation par Toxoplasma gondii est avant tout une maladie parasitaire qui peut être grave, en particulier chez la femme pendant la grossesse, avec un risque de malformations congénitales.

L'auteur est catégorique : il existe clairement de bien meilleurs moyens discriminants pour décider de ses choix d'investissement dans des start-ups. Parier préférentiellement sur des chefs d'entreprise positifs à Toxoplasma gondii, sous réserve d'abord de connaître cette information, ne serait en aucun cas une attitude responsable pour des financiers. Priorité à la santé ! D'ailleurs, ces études ne parlent que de statistiques a posteriori.

Ces résultats illustrent que nos comportements sont influencés par d'innombrables facteurs, certains bien identifiés et d'autres encore totalement inconnus. Cela devrait nous pousser à ne pas jouer aux apprentis sorciers et à rester humbles vis-à-vis de la compréhension que nous avons de nos propres motivations, désirs et actions.