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12 août 2022

Fractures des pattes : quelle technique de stabilisation chirurgicale

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Cicatrisation osseuse chez 63 chiens et chats présentant une ou des fractures des métatarses ou métacarpes
Répartition des cas traités par chirurgie fermée (fixateurs externes, groupe 1) ou ouverte (groupe 2). D'après Carbonell Rossello et al., BMC Vet. Res., 2022.
Cicatrisation osseuse chez 63 chiens et chats présentant une ou des fractures des métatarses ou métacarpes
Répartition des cas traités par chirurgie fermée (fixateurs externes, groupe 1) ou ouverte (groupe 2). D'après Carbonell Rossello et al., BMC Vet. Res., 2022.
 

Conséquence d'une chute ou d'un accident de la route, les fractures des métacarpes et métatarses représenteraient 5 à 12 % des fractures chez le chien, et 3 % chez le chat. Une étude hispano-britannique a comparé les résultats de deux types de prise en charge chirurgicale de ces fractures : ouverte ou fermée. Selon leurs observations, publiées en libre accès, la chirurgie ouverte apporte de meilleurs résultats, mais n'est pas sans risque de complications majeures.

Évaluation des bénéfices et risques

Généralement, les chirurgies « fermées » (stabilisation par fixateurs externes) sont mises en œuvre lors de fracture ouverte, pour limiter les traumas et réduire les risques de contamination. Mais la fixation est moins rigide que dans les techniques de chirurgie ouverte, ce qui peut altérer le résultat. Inversement, les chirurgies « ouvertes » (quel que soit le type d'implant, broches, plaques, etc.) sont associées à un plus grand risque de retard de cicatrisation et d'infection, mais la fixation est plus stable et améliore l'alignement des os. Les auteurs ont donc souhaité comparer les résultats et les risques de ces deux types de chirurgies (dont il existe pour chacune divers matériels et techniques).

Dans certains cas, un traitement conservateur (non chirurgical) est préféré (fracture non déplacée, sans atteinte des os centraux qui supportent davantage le poids, chez un chien de petit ou moyen format…). Mais il n'était pas évalué dans cette étude rétrospective pour laquelle tous les cas inclus ont été traités par chirurgie.

35 chiens et 28 chats

Ces cas ont été pris en charge au Queen Mother Hospital for Animals du Royal Veterinary College de Londres. Ils sont au nombre de 63 (35 chiens et 28 chats) et ont été répartis en deux groupes.

  • Groupe 1 – chirurgie fermée : n=32 (16 chiens et 16 chats) ;
  • Groupe 2 – chirurgie ouverte : n=31 (19 chiens et 12 chats).

Les quelques cas où les deux techniques ont été associées sont rattachés au groupe 2. Le suivi de l'animal, incluant des radiographies de contrôle, devait être disponible.

Les fractures étaient de divers type (touchant un ou plusieurs os, associées ou non à une lésion ligamentaire, à d'autres fractures, etc.). Lorsque renseignées, les deux principales causes sont un accident de la route (15 cas) et une chute ou un saut (16 cas). Une simple course peut aussi être à l'origine de la lésion (7 cas).

Différence de cicatrisation et de taux complications

L'évaluation de la cicatrisation est variable entre les groupes, avec une consolidation osseuse :

  • Satisfaisante pour 29 chiens du groupe 2 (chirurgie ouverte) et 20 du groupe 1 (fixateurs externes) ;
  • Retardée (mais finalement satisfaisante) ou avec un défaut de cicatrisation (non-union osseuse, avec éventuelle reprise chirurgicale) chez 2 chiens du groupe 2 et 12 du groupe 2 (la différence est statistiquement significative, voir figure en illustration principale).

Les complications sont appréciées selon leur gravité : mineures lorsqu'elles ne nécessitent pas de reprise chirurgicale (défaut de cicatrisation, infection, boiterie ou douleur persistante, etc.) et majeures dans le cas contraire (fracture iatrogène, problèmes d'implants comme une infection ou une migration). Les taux rapportés sont significativement différents entre les groupes :

  • Aucune complication chez 3 animaux du groupe 1 (9,4 %) et 12 du groupe 2 (38,7 %) ;
  • Complications mineures chez 27 animaux du groupe 1 (84,4 %) et 12 du groupe 2 (38,7 %) ;
  • Complications majeures chez 2 animaux du groupe 1 (6,3 %) et 7 du groupe 2 (22,7 %).

Défaut d'alignement plus fréquent avec les fixateurs

La différence est surtout significative s'agissant des complications mineures. Et celles-ci varient aussi selon leur nature.

Ainsi, dans le groupe 1 (fixateurs externes), ces complications sont surtout des retards et défaut de cicatrisation (non-union, mauvais alignement), des infections, une déformation des membres, une boiterie persistante, une amyotrophie. Dans le groupe 2 (chirurgie ouverte), ce sont plus souvent des problèmes liés aux pansements ou une perte d'amplitude des mouvements articulaires au niveau du carpe ou du tarse.

Il est à noter que contrairement aux fractures des os longs, des défauts comme une non-union ou un mauvais alignement osseux sont considérés comme des complications sans gravité car leur répercussion fonctionnelle reste mineure et compensée par l'intégrité des autres os de la structure métacarpienne ou métatarsienne. En particulier, un défaut d'alignement des os à l'issue de la cicatrisation est significativement plus fréquent dans le groupe 1 (ce qui n'est pas une surprise compte-tenu des limites de la technique) : 11 cas (34,4 %) versus 2 (6,4 %).

Les auteurs concluent que les chirurgies ouvertes, bien que plus traumatisantes, apportent de meilleurs résultats en termes de rapidité et de qualité de la consolidation osseuse (meilleur alignement des os) que les chirurgies fermées. Ces dernières peuvent toutefois être mise en œuvre dans le traitement de fractures plus graves, ce qui complique la comparaison.

Le taux de complication est également significativement inférieur lors de chirurgie ouvertes. Mais le risque de complications majeures est à prendre en considération dans le choix de la technique. Et de nombreux autres paramètres entrent aussi en ligne de compte :

  • Relatifs à la fracture et sa gravité (avec déplacement ou non, ouverte, infectée, touchant un ou plusieurs os, et ceux les plus sollicités lors de la mise en charge ou non, associée à des lésions des tissus environnants, etc.) ;
  • Relatifs à l'animal (son format, son tempérament) ;
  • Relatifs au propriétaire (attentes et moyens).

Dans tous les cas, le taux de complication observé justifie un suivi postopératoire attentif.