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28 juillet 2022

Morsures de serpents exotiques : outre-Manche, 300 personnes en 12 ans, surtout des propriétaires masculins ; un décès

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Bien que comptabilisées, les morsures les plus nombreuses survenues au domicile de Britanniques ne proviennent pas de serpents venimeux ou à crochets antérieurs. Mais ceux-ci provoquent alors des envenimations ou réactions anaphylactiques sévères, selon une étude rétrospective sur 12 ans (cliché DR).
Bien que comptabilisées, les morsures les plus nombreuses survenues au domicile de Britanniques ne proviennent pas de serpents venimeux ou à crochets antérieurs. Mais ceux-ci provoquent alors des envenimations ou réactions anaphylactiques sévères, selon une étude rétrospective sur 12 ans (cliché DR).
 

Toutes les espèces mordeuses ont été comptabilisées, y compris les non venimeuses. Un bilan de toutes les morsures par des serpents exotiques enregistré par le centre national antipoisons britannique, a passé en revue toutes les morsures lui ayant été déclarées entre 2009 et 2020. Sur les 331 cas signalés au cours de ces 12 ans, ils n'ont recensé qu'un décès – loin des chiffres publiés par l'Inde, par exemple, qui estime à 58 000 le nombre de décès annuels par envenimation ophidienne.

En hausse

Deux études antérieures avaient réalisé un travail comparable, toujours pour le Royaume-Uni :

  • l'une avait identifié 32 morsures sur la période 1970-1977 ;
  • l'autre recensait 19 morsures par an en moyenne, de 2004 à 2010.
  • Avec environ 30 morsures par an sur 2009-2020, la fréquence de celles-ci est donc en nette augmentation, comme la fréquence des serpents exotiques NAC parmi les foyers britanniques (les serpents y sont le reptile le plus représenté, et il est estimé que 1 % des foyers britanniques possèdent un serpent).

Le centre antipoisons national britannique entretient une base de données sur l'ensemble de ces envenimations, permettant de fournir une conduite à tenir aux médecins face à de tels patients ; ce service est disponible en permanence. Tous les entretiens y sont enregistrés, ce qui a permis aux auteurs de réaliser cette étude rétrospective.

Enfants de moins de 5 ans

Sur les 12 années concernées, 321 morsures par des serpents exotiques (la vipère péliade est exclue) ont été recensées, avec 300 personnes concernées. Ainsi, 9 personnes ont été mordues deux fois, et une trois fois. Dans 81 % des cas, cela s'est produit au domicile de la personne possédant l'animal (le reste du temps en animalerie ou zoo). Toutefois, les auteurs signalent deux faits préoccupants :

  • dans 13 cas, il s'agissait d'enfants de moins de 5 ans (dont 9 par des Colubridés) et dans 72 cas de mineurs (dont 10 par des Pythonidés et 9 par des Boïdés) ;
  • pour 17 personnes, la morsure s'est produite « dans un lieu public, à l'occasion de la manipulation d'animaux dans un petshop, un zoo ou une école »

Heureusement, dans la grande majorité des cas (86,6 %), la morsure n'a pas eu de conséquences pour la personnes concernée (57,3 % par des Colubridés qui ont provoqué des signes légers dans 17 cas, 17,8 % par des Pythonidés et 10,6 % par des Boïdés).

Élapidés et vipéridés

Du côté des formes graves, les auteurs relèvent 14 envenimations sévères (12 personnes, dont une ayant présenté des séquelles permanentes) et un décès. Pour 17 morsures il y a eu administration d'un sérum antivenin (11 cas pour des Vipéridés et 6 pour des Élapidés). Au total, 25 personnes ont été mordues par des Vipéridés (30 morsures, 20 espèces), dont 16 à leur domicile (donc par un serpent ‘de compagnie'). Douze personnes ont été mordues par un Élapidé (14 morsures, par 10 espèces), dont 7 à leur domicile. C'est dans ce groupe (cobras, najas, etc.) que s'est produit le décès, et que figure le patient présentant des séquelles pérennes. L'essentiel de ces morsures se produit sur la main, le poignet ou l'avant-bras, ce qui signe « une manipulation délibérée de l'animal ».

Amateurs comme professionnels

Les 12 cas sévères sont détaillés dans l'article et ci-dessous. Ils concernent exclusivement des hommes, et à la fois des amateurs et des personnes mordues dans le cadre de leur exercice professionnel. Pour les auteurs, « les personnes qui ont un intérêt particulier pour l'élevage de serpents venimeux doivent accepter le risque d'être mordues, potentiellement à plus d'une reprise, comme l'un des dangers d'un tel [hobby]. Elles doivent aussi être conscientes du risque de devenir hypersensible au venin ».

  • Un amateur s'est fait mordre à la main par un cobra à monocle (Naja kaouthia), et a fait un choc anaphylactique (il avait été préalablement sensibilité). Après un séjour en soins intensifs, il s'est remis sans séquelles, mais s'est fait mordre 14 mois plus tard par un crotale nain (Sisturus miliarius barbouri), là encore remis sans séquelles.
  • Un autre amateur s'est fait mordre à un doigt par un cobra cracheur du Mozambique (Naja mossambica), et a été amputé d'une partie du doigt. Là encore, 14 mois plus tard, il se présente, mordu par un cobra indien (Naja naja), imposant une hospitalisation en soins intensifs, suivi d'une insuffisance rénale aigue sur trois semaines, et un rash cutané imposant un débridage chirurgical. Le patient a guéri après trois semaines, et de nombreuses administrations d'antivenin.
  • Cet autre amateur a été mordu à trois reprises, d'abord par un mocassin à tête cuivrée (Agkistrodon contortrix), puis 3 mois plus tard par un trimérésure (Trimeresurus venustus) et 15 mois après par un crotale nain. Hospitalisé 2 jours dans ce dernier cas, il a guéri après l'administration de sérum antivenimeux.
  • Un herpétologue a d'abord été mordu par un mamba vert (Dendroaspis angusticeps), puis 27 mois plus tard par un cobra royal (Ophiophagus hannah), n'ayant induit qu'un gonflement local. Toutefois, mordu deux semaines plus tard par un autre cobra royal, le patient est décédé, probablement d'un choc anaphylactique.
  • Un amateur de serpents a d'abord été mordu à un doigt par une vipère sauteuse (Atropoides nummifer), sans grandes conséquences. Mais 8 mois plus tard, mordu à l'annulaire par un hybride de deux espèces de crotales, il a été hospitalisé pendant 8 jours, avec prise en charge continue de la douleur par de la morphine et administration d'antivenin.
  • Un zoologiste mordu par un grage commun (Bothrops atrox) à Trinidad et pris en charge sur place s'est présenté 72 h plus tard à l'hôpital en Grande-Bretagne avec le bras gonflé… Il lui a été prescrit des antibiotiques pour gérer la surinfection…
  • Un amateur a été mordu à la main par une vipère heurtante (Bitis arietans), et a été hospitalisé rapidement. Le gonflement est monté jusqu'à l'épaule, et l'administration de l'antivenin a été suivie de signes généraux imposant un séjour prolongé ; la morsure a aussi imposé un débridage de la zone ; il a guéri sans séquelles.
  • Un zoologiste mordu par un mocassin du Mexique (Agkistrodon bilineatus) et présenté des ampoules emplies de sang et un gonflement de tout le bras. Il a été traité avec un antivenin, mais 5 jours plus tard hospitalisé pour une anaphylaxie retardée. Il a guéri après une journée d'hospitalisation.
  • Un employé de petshop est mordu par une vipère cornue (Bitis nasicornis) lors du nourrissage de l'animal et a été hospitalisé 6 jours (bras enflé et réaction au sérum). Il a été hospitalisé quelques jours huit jours plus tard pour une réaction retardée… Mais 10 mois plus tard, il a été mordu à l'avant-bras par un cobra indien ; l'administration d'antivenin a été suivie d'un « débridage limité de la plaie ».
  • Un herpétologue a été mordu par une vipère ammodyte (Vipera ammodytes meridionalis) et a guéri sans séquelles ni antivenin. Mais 4 ans plus tard, immédiatement après la morsure par un crotale de Basse-Californie (Crotalus enyo), il a présenté un choc anaphylactique malgré l'auto-administration d'adrénaline. Hospitalisé en choc prononcé, son état ne s'est amélioré qu'avec l'usage d'inotropes. « Le détail de son évolution clinique n'est pas connu, mais il a survécu ».
  • Un employé de centre de présentation de reptiles a été mordu par un crotale du Texas (Crotalus atrox) alors qu'il en nettoyait l'enclos. Il a présenté un gonflement du bras jusqu'à l'épaule et une thrombocytopénie imposant des injections répétées d'antivenin. Deux ans plus tard, mordu par un cobra des forêts (Naja melanoleuca), imposant une hospitalisation en soins intensifs, plus de 20 doses d'antivenin et un séjour de 2 semaines à l'hôpital. Les auteurs supposent une réaction allergique au venin.
  • Le dernier cas décrit est celui d'un amateur mordu par un crotale des prairies (Crotalus viridis) et présentant des signes locaux imposant une observation de 48 h. Dix-huit mois plus tard, il a été mordu par un crotale du Texas. Hospitalisé trois jours et ayant reçu 10 doses d'antivenin, il s'est remis sans séquelles.