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Elanco & Proplan

8 décembre 2021

Ces frustrantes méningo-encéphalites canines sans étiologie connue…

par Vincent Dedet

Temps de lecture  3 min

Images  transversales (3 T) de résonance magnétique d'un carlin (3 ans, mâle) atteint de méningo-encéphalite nécrosante (Flegel, 2017).
Images  transversales (3 T) de résonance magnétique d'un carlin (3 ans, mâle) atteint de méningo-encéphalite nécrosante (Flegel, 2017).
 

Quand ça veut pas, ça veut pas… Un agent viral est suspecté dans des cas de méningo-encéphalites atypiques, mais rien ne vient… Presque rien : il y a 6 ans, en région lyonnaise, deux cas d'encéphalite atypique (avec signes digestifs) avaient donné lieu à la découverte d'un Vésivirus dans le SNC de l'un des chiens. Puis en 2018, des cliniciens de l'université du Colorado (USA) avaient recherché dans le LCR et l'encéphale de 22 chiens atteints la présence de génomes viraux. Rien… Les cliniciens de la faculté vétérinaire de Hanovre (Allemagne) ont décidé de s'atteler à rechercher une étiologie à ces « méningo-encéphalomyélites d'origine inconnue » (MUO en anglais) pour l'Europe. Les chances étaient contre eux au départ : en plus de l'étude américaine, cinq études avaient déjà recherché des virus en PCR sur de tels cas, entre 2007 et 2012, en vain.

NGS pour MUO

Comme pour l'étude française d'il y a 6 ans, ils ont utilisé le séquençage intégral du génome présent dans des prélèvements de LCR de six chiens à méningo-encéphalite. Ce séquençage à haut débit (Next Generation Sequencing, NGS) permet de rechercher aussi bien des génomes à ADN qu'à ARN. En amplifiant des parties de génomes présentes dans un prélèvement, il permet de réaliser des découvertes : certaines séquences peuvent être partiellement apparentées à un virus connu, et permettre la reconstitution (par méthode bio-informatique) du génome putatif d'un virus jusque-là inconnu. Des études comparables sur des cas d'encéphalite en médecine humaine ont permis de détecter de nouveaux virus et la sensibilité et la spécificité du NGS sur LCR est estimée à 95 et 96 %, respectivement. Ici, l'outil de séquençage est le même que dans l'étude américaine de 2018, et l'analyse bio-informatique est plus performante.

Petits chiens

Six cas avérés de méningo-encéphalite ont été inclus dans l'étude : il s'agissait de patients hospitalisés à l'hôpital vétérinaire de la faculté et qui avaient fait l'objet d'un examen clinique par un spécialiste en neurologie (ou un résident). Le diagnostic de MUO a été établi à partir de l'imagerie IRM (lésions focales à multifocales, voir l'illustration principale) et des facteurs de risque connus (plus fréquent chez les femelles et les races de petit et moyen format). Dans le cas présent, il y avait 3 Yorkshire, un Biewer Yorkshire, un Airedale terrier et un petit épagneul de Münster, âgés de 2 à 9 ans (3 mâles et 3 femelles). Tous étaient négatifs pour les agents infectieux potentiellement incriminés dans un tableau neurologique dans le nord de l'Allemagne (Carré, Toxoplasma, Neospora). Seuls 4 des 6 cas présentaient des anomalies du LCR : présence de cellules (jusqu'à 28 p. 3 µl) ou de protéines (jusqu'à 127 mg/ml), indiquant un processus inflammatoire de l'encéphale.

Chou blanc

Les prélèvements de LCR ont été décongelés pour extraction des acides nucléiques et séquençage NGS. Mais une fois l'analyse bio-informatique des séquences réalisées, les auteurs ont été dépités : il y avait bien quelques séquences pouvant être attribuées à des virus connus, mais aucune de virus connu pour infecter des mammifères. Il s'agit de séquences pouvant être rattachées à des phages (virus infectant des bactéries), un virus d'insecte, un de la tomate et un autre de la carotte… Mais « dans un prélèvement aussi “propre” que le LCR, la technique NGS a tendance à amplifier des quantités infimes d'acides nucléiques contaminants ». Autant dire que les auteurs ont fait chou blanc. Le diagnostic des MUO reste donc « un diagnostic d'exclusion », à confirmer par l'histologie, et son étiologie du ressort des hypothèses. Les auteurs les rappellent :

  • Présence d'un agent infectieux déclencheur de l'inflammation du SNC, mais qui n'est plus présent lors des signes cliniques aigus ou présent en trop faible quantité pour être détecté par le NGS ;
  • Affection multifactorielle avec un facteur de déclenchement encore inconnu (pas forcément infectieux) ou sans facteur déclenchant, et une prédisposition génétique (raciale).

Ils en appellent à une approche multidisciplinaire de ces cas… Mais après autant de recherches infructueuses, il est peu probable que d'autres équipes se penchent sur l'étiologie des MUO.