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23 juin 2021

L'importation de chiots d'Europe centrale fait aussi traverser les frontières à Brucella canis

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Colonies de Brucella canis (souche BKT 41247/11, en milieu sélectif de Farrell). Cliché : Karl-Erik Johansson (BVF, SLU), Berit Juvall (SVA) et Lennart Melin (SVA).
Colonies de Brucella canis (souche BKT 41247/11, en milieu sélectif de Farrell). Cliché : Karl-Erik Johansson (BVF, SLU), Berit Juvall (SVA) et Lennart Melin (SVA).
 

Bien que la prévalence de l'infection ne soit pas connue dans les pays où elle est enzootique, l'importation de chiots d'Europe centrale, et en particulier de Roumanie, a fait l'objet de deux publications le mois dernier. Outre-Manche, c'est d'emblée un appel à la vigilance des praticiens face à ce risque infectieux. Quant aux infectiologues néerlandais, ils ne peuvent que constater que l'infection, absente de leur pays avant 2016, y est à présent régulièrement diagnostiquée.

Vague d'adoptions

En Grande-Bretagne, la British Veterinary Association a « renouvelé [son] appel à la vigilance » le 13 mai dernier, à la suite de « plusieurs nouveaux cas d'infection à Brucella canis sur des chiots importés de Roumanie ». Le chef des services vétérinaires est même cité, indiquant que « l'augmentation récente des cas semble coïncider avec le gain de popularité du ‘sauvetage de chiens de Roumanie' » et leur importation. Le ministère britannique de l'Agriculture estime qu'environ 19 000 chiots étaient importés de Roumanie en 2019, ce chiffre étant passé à près de 30 000 en 2020, poussé par la vague d'adoptions engendrées par le premier confinement.

Exposition involontaire

Cela correspond « à une augmentation d'un risque auquel les vétérinaires, les ASV et les personnels de laboratoire sont involontairement exposés ». Il signale également « au moins de cas n'ayant pas la présentation clinique classique » de la brucellose : dans un cas il s'agissait d'une « infection vertébrale et dans l'autre d'une arthrite ». Ce sont les prélèvements réalisés sur les lésions et envoyés au laboratoire qui ont permis l'identification de B. canis. Le dépistage de cette infection n'est pas imposé à l'entrée au Royaume-Uni, et les tests sérologiques n'ont qu'une spécificité partielle, selon une revue de synthèse sur l'infection parue au printemps dernier. En attendant qu'il le devienne (le chef des services vétérinaires indique l'envisager), il est recommandé aux praticiens et à leurs équipes « d'avoir une vigilance accrue » sur des chiots de cette provenance.

Roumanie, Bulgarie, Croatie

L'article publié fin juin par les bactériologistes vétérinaire néerlandais de la faculté d'Utrecht et de l'Autorité de sécurité sanitaire des aliments (NVWA) retrace comment, en deux ans et à partir de 2016, la bactérie est devenue un client régulier de leurs services. Le premier cas identifié comme tel, en novembre 2016, était un chien importé de… Roumanie ; il présentait une spondylodiscite. Quinze « autres cas suspects ont été déclarés aux autorités sur les 25 mois suivants », car la brucellose est une maladie à déclaration obligatoire quelle que soit l'espèce animale, aux Pays-Bas. Sept de ces cas avaient été suspectés sur la base des signes cliniques (affections de l'appareil reproducteur, lymphadénites ou spondylodoscite). Les tests sérologiques ont trouvé 10 positifs parmi ces 16 chiens suspects, et les autorités ont lancé un traçage des chiots importés pour rechercher les congénères de portées de ces sujets : ils ont ainsi identifié 8 autres chiots également séropositifs (et 18 cas au total). Tous ces animaux avaient été importés. Les trois pays d'origine étaient la Bulgarie (n=10), la Roumanie (n=7) et la Croatie (n=1). Les deux premiers sont des pays fortement représentés pour les origines de chiots aux Pays-Bas : environ 3 400 chiots par an de Roumanie et 700/an de Bulgarie, avant la Covid-19…

Spondylodiscite

Dans leur grande majorité (14/18), ces cas présentaient une « affection musculosquelettique, avec des signes cliniques tels que boiterie, douleurs cervicales ou dorsales. Une spondylodiscite a été diagnostiquée chez 11 d'entre eux ». Pour les 13 sujets pour lesquels la chronologie était disponible, les signes cliniques sont apparus dans les 3 mois après l'importation. Un chien présentait des troubles du comportement. Trois chiots, tous issus d'une même portée, étaient asymptomatiques et ont été découverts à l'occasion des investigations de traçabilité. Trois chiens ont dû être euthanasiés « du fait de la dégradation de leur état général ».

Excrétion urinaire

B. canis est un germe zoonotique, bien que peu de cas humains soient décrits. L'excrétion urinaire du germe est décrite, et a été explorée pour cette série de cas : « elle est identifiée chez 4 des 13 chiens stérilisés (31 %) et chez 1 des 3 sujets entiers (33 %), indiquant que l'excrétion par des chiens stérilisés se produit et devrait être prise en compte » dans les précautions au regard de l'exposition professionnelle (et des maîtres). Comme le chef des services vétérinaires britanniques, ces auteurs concluent que « les chiens devraient être testés avant leurs mouvements internationaux, pour éviter la diffusion de la brucellose canine » des pays d'enzootie (et de naissage) vers ceux a priori indemnes (et de destination des chiots).