titre_lefil
logo_elanco

23 janvier 2015

Obésité et bien être : un subtil équilibre

par Agnès Faessel

L’obésité concerne entre 22 et 44 % des chiens et chats de compagnie dans les pays favorisés. Son évolution ne semble pas suivre le même chemin que l’« épidémie » désormais évoquée pour l’homme. Et si elle affecte la santé du sujet, sa gestion au nom du bien être animal se discute.

 
 

Les zoonoses ne sont pas les seules affections partagées par l’homme et l’animal. L’obésité peut l’être aussi.

Une revue bibliographique s’est intéressée au surpoids chez le chien et le chat, en discute sa considération vis-à-vis du bien-être animal et le met en perspective avec son contexte chez l’homme.

Les animaux échappent à l’effet fast food

L’obésité est une préoccupation grandissante dans les pays dits développés, autant chez l’homme que chez l’animal. D’après des études menées en Amérique du Nord, Europe et Australie, essentiellement chez le chien, 22 à 44 % des animaux de compagnie présentent un surpoids ou sont obèses. Les résultats varieraient d’une étude à l’autre, selon l’échantillon étudié et l’évaluateur (vétérinaire ou propriétaire), et peut-être la zone géographique. Mais contrairement à l’homme, chez qui il est mesuré que l’obésité est plus fréquente aux USA, et en augmentation, les données sont insuffisantes pour l’affirmer chez l’animal.

À l’inverse, une étude néozélandaise menée chez le chat en milieu urbain, et réitérée 15 ans plus tard, montre que la proportion d’obèses n’a pas augmenté. Le mode d’alimentation des animaux de compagnie, assez voisin aux Etats-Unis et ailleurs, pourrait l’expliquer. En effet, l’augmentation des cas d’obésité chez l’homme est attribuée en partie à la consommation grandissante de produits de restauration rapide. Les chiens et chats, eux, restent essentiellement nourris avec des aliments industriels, équilibrés.

Le chat d’appartement : un faux maigre

Si les données épidémiologiques sont encore parcellaires chez l’animal, les outils d’évaluation de l’embonpoint sont aussi jugés insuffisants. Les techniques modernes utilisées chez l’homme (impédancemétrie, par exemple) ne sont pas disponibles en médecine vétérinaire. Ainsi, l’évaluation repose généralement sur la note d’état corporel, établie sur une échelle de 1 à 5 à partir de critères assez subjectifs (observation et palpation du sujet).

Cette méthode morphométrique apparaît globalement fiable, répétable et reproductible. Ses résultats concordent avec ceux obtenues par d’autres, pour mesurer la proportion de masse graisseuse. Celle-ci est optimale lorsqu’elle représente 15 à 30 % du poids total du chien ou du chat (avec des variations selon la race, l’âge, le sexe et l’activité physique, mais aussi la technique de mesure).

Toutefois, une étude danoise a récemment montré que la méthode sous-estime la masse graisseuse chez les chats d’appartement stérilisés.

La note d'état corporel peut sous-estimer la masse graisseuse du chat d'appartement.

Ces félins, manquant d’exercice, seraient de « faux maigres », présentant une masse graisseuse trop élevée malgré un score d’état corporel correct. Et cet état pourrait les prédisposer à plusieurs maladies, comme le diabète.

 

Une longévité réduite de plusieurs années

Car le problème est bien là. Le surpoids est un facteur favorisant de multiples maladies :

  • métaboliques,
  • cardiorespiratoires,
  • ostéo-articulaires,
  • urinaires,
  • dermatologiques,
  • néoplasiques.

Il altère la fonction de reproduction et augmente le risque anesthésique. L’espérance de vie des animaux obèses est réduite.

Chez l’homme, s’ajoutent à la liste des troubles sociaux et psychologiques (dépression, perte de l’estime de soi), qu’on ne retrouve pas chez l’animal. Toutefois, dans une étude allemande, des chiens suivant un régime amaigrissant ont montré moins de signes de troubles émotionnels ou de douleur et davantage de vitalité.

Un surpoids, même léger, affecte l’état de santé et la longévité. Cela a été rapporté, notamment, chez le labrador. Les chiens en surpoids ont vécu en moyenne 11,2 ans, contre 13 ans dans le groupe moins nourri.

Un dilemme entre satiété et santé

Mais l’on ne peut affirmer pour autant que le maintien d’un état corporel optimal s’impose au nom du bien être animal. Car la satiété est aussi un critère de bien être. Chez le rat et le porc, un régime alimentaire restrictif, visant à optimiser la longévité et le risque de maladies, a entraîné des effets délétères : stress, agressivité, stéréotypies, associés à l’augmentation de la sensation de faim.

L’équilibre entre rassasiement et préservation de la santé ne serait pas si trivial. Même si, chez les animaux de compagnie, il est possible de moduler le niveau d’exercice physique et de distribuer un aliment hypocalorique qui n’altère pas la sensation de satiété. Et tout peut encore basculer selon la définition donnée au bien être : si le plaisir et l’absence de frustration pèsent dans la balance, un régime alimentaire plus « libéral » serait à préférer !

L’obésité du maître prédispose celle de son chien

L’obésité canine et féline prédispose à de nombreux troubles de santé. Et inversement, certaines maladies (métaboliques, articulaires) la favorise. Elle compte en outre nombre de facteurs de risque, bien connus : liées à la race, le sexe, la stérilisation, l’exercice physique. Le comportement et les caractéristiques du propriétaire entrent aussi en ligne de compte.

La revue souligne ainsi qu’en miroir de la prédisposition interhumaine (une personne a plus de risque de devenir obèse si elle compte des individus en surpoids parmi son entourage : frères et sœurs, mais aussi conjoint et amis), le risque de surpoids chez un chien détenu par un maître lui-même obèse est augmenté. Cela n’est pas observé chez le chat.

Chez l'homme, compter des obèses dans son entourage augmente le risque de surpoids.

Enfin, la relation à l’animal est discutée. Chez certaines personnes, l’alimentation est un moyen d’interagir avec l’animal et toute sollicitation de ce dernier est interprétée comme une demande de recevoir quelque chose à manger. Les auteurs souhaitent alors voir envisager l’obésité dans une perspective One Health, où sa compréhension servirait à l’animal, et inversement.

D’un point de vue pratique, l’intervention du vétérinaire, aujourd’hui, se cantonne à une démarche de sensibilisation des propriétaires, de suivi de l’embonpoint de l’animal dès son plus jeune âge, et d’accompagnement d’un régime amaigrissant le cas échéant.