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15 mai 2015
Importations de médicaments espagnols : les tribunaux français interrogent la Cour européenne
La légalité du décret de 2005 qui interdit les importations de médicaments vétérinaires espagnols par les détenteurs des animaux est contestée sur un vice de procédure.
C’est l’un des points les plus sensibles de la pharmacie vétérinaire. Est-il ou non permis à un éleveur, à un propriétaire d’animaux de compagnie, voire à un vétérinaire ou à un pharmacien, d’acheter moins cher en Europe les mêmes médicaments que ceux qui sont disponibles en France ? La question est désormais posée devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Depuis dix ans, le décret « importations » du 29 mai 2005 interdit ce type d’importations compétitives en direct par les vétérinaires, comme, évidemment, par les éleveurs. La seule tolérance était pour le propriétaire d’un chien malade qui, lors de ces voyages, pouvait entrer en France, avec son animal et… ses médicaments. Les importations compétitives ou parallèles sont possibles, mais sous réserve qu’elles soient réalisées par un établissement pharmaceutique (une centrale par exemple) et qu’elles soient autorisées au « cas par cas » par l’Agence nationale du médicament vétérinaire.
Si l’interdiction d’importation par un particulier ou un ayant droit est claire, la jurisprudence ne l’est pas. Cent cinq éleveurs bretons ont pu bénéficier d’un non-lieu à Lorient en 2003 (affaire Albaïtaritza). Mais c’était deux ans avant le décret du 29 mai 2005 qui interdit explicitement ces importations directes.
Plus récemment, le 21 mars 2013, le tribunal de Niort a relaxé des éleveurs du Poitou-Charentes qui avaient fait 31 voyages depuis le 19 août 2005 et jusqu’en 2009. Ils avaient acheté à la venta Peïo situé à la frontière espagnole des médicaments vétérinaires moins chers qu’en France pour un total de 35 000 euros. Le tribunal de Niort avait alors été convaincu de l’illégalité du décret « importations ».
Six mois plus, le 13 septembre 2013, la cour d’appel de Poitiers condamne les mêmes éleveurs sur la base du décret « importations » dont, selon elle, la légalité ne peut pas être contestée.
Mais, curieusement, le 19 décembre 2014, la cour de cassation « casse » la condamnation prononcée à Poitiers. Elle renvoie toute l’affaire devant la cour d’appel de Bordeaux. Et elle encourage la cour d’appel à se tourner vers la cour de justice de l’Union européenne pour trancher la question de la légalité du décret « importations ».
La réponse à la question de la légalité du décret « importations » du 29 mai 2005 conduit donc les tribunaux soit à condamner les éleveurs-importateurs (si le décret est jugé incontestable), soit, à l’inverse, à les relaxer si l’on considère que ce décret comme « illégal ».
Les éleveurs poursuivis ne contestent d’ailleurs pas que leurs achats à la frontière espagnole soient en infraction avec le code des douanes et celui de la santé publique. Mais, leurs avocats contestent, sur un vice de procédure par rapport au droit européen, la légalité de ces dispositions issues du décret « importations ».
Car le ministère de la santé, à l’origine de la rédaction de ce décret, ne l’a pas notifié à la Commission européenne dans sa version finale avant publication. Le décret publié diffère donc légèrement de la version sur laquelle la Commission européenne s’est prononcée.
Plusieurs affaires d’importations illégales de médicaments espagnoles, notamment à Pau et à Bordeaux, sont suspendues dans l’attente de la réponse de la Cour de justice européenne sur ces questions dites « préjudicielles ».
En France, le Conseil d’état s’est déjà prononcé en 2006 sur la légalité du décret contesté par rapport au droit européen. La plus haute juridiction administrative avait alors estimé que la Commission européenne avait bien été informée du projet de décret. Et que, selon elle, cette exception d’illégalité, ne pouvait pas être retenue pour annuler ce décret.
L’équilibre est difficile entre les articles 28 et 30 du traité européen.
La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sur le médicament humain a toujours placé la prescription comme frontière entre les articles 28 et 30. Pour les médicaments humains non soumis à prescription, la libre circulation ne permet pas, par exemple, à un état membre de s’opposer dans son droit national à des ventes à distance sur internet, y compris en provenance d’un autre état membre (arrêt Doc Morris de 2003 par exemple). Alors que, pour les médicaments dits sur prescription, les états membres peuvent protéger davantage la santé de leurs ressortissants que le prévoit le droit européen. Ils peuvent interdire, s’ils le jugent nécessaire pour leur santé, la vente à distance (internet) ou la publicité grand public.
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