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13 février 2020

Le bilan biologique établit des références individuelles qui éviteront le diagnostic par excès

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Période « mature » puis « sénior » sont des termes à préférer à « gériatrique » pour désigner l'animal âgé, afin de ne pas froisser son propriétaire (cliché Pixabay).
Période « mature » puis « sénior » sont des termes à préférer à « gériatrique » pour désigner l'animal âgé, afin de ne pas froisser son propriétaire (cliché Pixabay).
 

Des arguments médicaux – et pas seulement marketing ! – soutiennent l'intérêt des bilans biologiques effectués chez des animaux en bonne santé. Lors du dernier congrès national de l'Afvac à Lyon (en décembre 2019), une session était en effet consacrée plus largement aux bilans de santé chez les animaux de compagnie. Et la première intervention, de Benoît Rannou (laboratoire de biologie médicale Azurvet-Lab) et Cindy Chervier (Centre hospitalier vétérinaire Massilia), a illustré les avantages de recourir en routine aux bilans sanguins et urinaires, cas cliniques à l'appui.

Démarche récente

Selon notre confrère, les bilans biologiques systématiques sont une démarche relativement récente en France, et sont souvent ciblés, en lien avec une maladie (face à une polyuro-polydipsie, par exemple) ou une période de vie (à l'instar du bilan gériatrique, voir ci-après). Chez l'animal en apparente bonne santé, en dehors d'un contexte particulier tel que le bilan pré-anesthésique (qui a fait l'objet d'une autre conférence), ils ne sont pas « traditionnels ». Pourtant, ces bilans « préventifs » présentent deux intérêts principaux.

En premier lieu, ils favorisent une détection précoce des maladies chroniques. En effet, les analyses révèlent des anomalies avant l'apparition des premiers signes cliniques. C'est le cas en particulier des hépatites chroniques ou des maladies rénales chroniques (MRC).

Et parfois, les résultats de ces analyses demeurent dans les limites de la normalité, mais leur répétition dans le temps montre une tendance à la hausse (ou à la baisse) d'un ou deux paramètres, évocatrice d'un trouble, par exemple une hyperthyroïdie ou une MRC débutante. Une prise en charge très précoce de ces maladies chronique améliore le pronostic.

Références individuelles

Le second intérêt est de disposer de valeurs de référence individuelles. Les normes varient en effet selon la race mais aussi selon l'individu, son âge, son statut physiologique… Connaître les valeurs habituelles d'un animal en particulier permet à nouveau de détecter précocement une anomalie (une anémie par exemple) ou, au contraire, de ne pas s'alarmer face à valeurs supposées anormales pour l'espèce. Les bilans préventifs favorisent ainsi une médecine plus personnalisée.

Ensuite, lorsqu'une maladie est diagnostiquée, les bilans biologiques réguliers permettent évidemment un suivi précis.

D'inévitables faux-positifs

En pratique, toutefois, que faire d'un résultat anormal ? L'anomalie ne fait pas la maladie. Et son interprétation doit tenir compte du mode de détermination des « normes » proposées pour chaque paramètre de l'analyseur utilisé. Celles-ci sont en effet établies pour couvrir les valeurs mesurées chez 95 % des animaux en bon état de santé. Une proportion de ces derniers présentera ainsi un résultat faussement anormal (ce qui rejoint les propos précédents). Élargir les bilans effectués augmente mathématiquement ce risque de faux-positifs.

À ce jour, il reste aussi à établir des recommandations sur la nature des bilans à effectuer (paramètres à inclure : ajouter la T4, par exemple, chez le chat senior), et sur leur fréquence. Un bilan annuel apparaît adapté, éventuellement plus fréquent lorsque l'animal est plus âgé.

Des animaux « matures » puis « séniors »

Le bilan gériatrique, justement, a également fait l'objet d'une conférence, par Claude Muller (Clinique St Bernard à Lomme). Très complet, il a pour objectif d'aider l'animal à vieillir en bonne santé. La présence d'anomalies amène à les hiérarchiser, puis à établir le diagnostic par d'autres examens complémentaires. Ce bilan peut déboucher sur l'engagement du propriétaire dans un contrat de suivi de santé (et ainsi valoriser ce service).

Selon notre consœur, la prise en charge du chien ou du chat âgé est effectivement une véritable attente du propriétaire, même si la prise de conscience du vieillissement de son animal est souvent tardive. Attention d'ailleurs à la terminologie : mieux vaut bannir le terme « gériatrie », et préférer parler de période « mature » (qui correspond à l'âge de 45-50 ans chez l'Homme), puis « sénior ».

Examen clinique ultra complet

Le bilan de l'animal âgé s'appuie essentiellement sur un examen clinique approfondi, comprenant un examen orthopédique, neurologique, ophtalmologique (incluant un fond d'œil), de l'appareil génital (recherche de nodules mammaires, palpation des testicules, toucher rectal), une palpation abdominale soignée… Le suivi du poids est essentiel, particulièrement chez le chat. Dans cette espèce, l'évaluation cardiorespiratoire est également importante (la mesure de la pression artérielle est indispensable), et la mesure de la fréquence respiratoire, de préférence au repos, peut s'effectuer à domicile par le propriétaire.

Un questionnaire comportemental permet aussi de détecter les changements tels qu'une moindre adaptation au stress, évocateur du « syndrome de fragilité » décrit en humaine (et réversible).

Suite aux résultats de l'examen cliniques se déroulent les éventuels examens complémentaires : analyses urinaires – sur des urines du jour –, à systématiser, analyses sanguines – sur un animal à jeun –, radiographie thoracique. Les images radiographiques s'interprètent toutefois avec prudence, en tenant compte des modifications physiologiques liées à l'âge. Une analyse coproscopique – sur 3 prélèvements consécutifs – s'envisage en cas de troubles digestifs modérés, de dysorexie, de perte de poids ou de masse musculaire.

Prévoir 45 minutes

Lorsque des résultats de ces investigations sont positifs, leur impact clinique est évalué. Et les analyses pourront être réitérées dans le cadre du suivi.

Le bilan sénior s'inscrit dans la suite logique des visites de santé annuelles. Mais il demande d'y passer du temps, « 45 minutes », et dans conditions favorables à l'évaluation du comportement de l'animal (en étant pleinement disponible). Les conclusions sont expliquées au propriétaire, éventuellement lors d'une visite ultérieure.