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9 octobre 2019

Le végétarien européen “autodéclaré” moyen n'est plus une végétarienne

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Part des personnes se déclarant végétarien, végétalien ou végan dans l'ensemble de la population de chaque pays (source : enquête CREDOC pour FranceAgriMer et l'OCHA).
Part des personnes se déclarant végétarien, végétalien ou végan dans l'ensemble de la population de chaque pays (source : enquête CREDOC pour FranceAgriMer et l'OCHA).
 

Le portrait-robot du « végétarien autodéclaré » a changé, selon une enquête en ligne réalisée en 2018 sur un échantillon représentatif d'adultes français, espagnols, allemands et britanniques. Plusieurs études, y compris en France, avaient jusque-là montré que « les femmes, les jeunes et les diplômés de l'enseignement supérieur ont plus de chances d'être végétariens, toutes choses égales par ailleurs. C'est également le cas des personnes n'ayant jamais travaillé, vivant seul(es) sans enfants et aux revenus bas », rappellent les auteurs du rapport de la présente enquête, publiée début octobre par FranceAgriMer.

Décalage

Dans celle-ci, les données des réponses fournies pour les 4 pays étant compilées car – au final – la proportion de végétariens et végans et faible, il n'y a « pas de surreprésentation des femmes parmi les végétariens auto-déclarés ». L'enquête portait aussi sur la déclaration de la fréquence de consommation de différents aliments. Et dans ce registre, les femmes sont pourtant « plus nombreuses que les hommes à [déclarer] ne pas consommer de produits d'origine animale : 4 % des femmes (contre 2 % des hommes) ne mangent jamais de viande, 3 % des femmes et seulement 1 % des hommes ne mangent jamais de viande ni de poisson, et 14 % des femmes, contre 10 % des hommes, mangent peu ou pas de viande ». Ce décalage entre l'identité et les pratiques de consommation auto déclarés a « déjà été constaté dans plusieurs travaux scientifiques sur la population végétarienne », indiquent les rapporteurs (références à l'appui). L'une des hypothèses avancées pour « ce type d'incohérence est (…) la possibilité que les répondants assimilent le végétarisme à la ‘réticence' plutôt qu'au ‘refus' de manger de la viande' ».

Plus de < 35 ans

Dans l'enquête de 2018, les femmes sont également « surreprésentées parmi les flexitariens auto-déclarés (25 % vs 19% chez les hommes) ou encore parmi les végétariens potentiels (34 % des femmes et 25 % des hommes) ». Les flexitariens sont ici définis comme les personnes mangeant de la viande et ne souhaitant pas y renoncer, mais souhaitant en réduire leur consommation. Les végétariens potentiels sont les répondants indiquant ne pas être végétariens mais n'excluant pas de le devenir. Pour deux des autres critères (classe d'âge et type d'emploi), le reste du portrait-robot est respecté. Ainsi, « le végétarien/végan auto-déclaré est jeune, cadre et urbain ». Plus précisément :

  • les deux seules tranches d'âge où la proportion de végétariens/végans auto déclarés dépasse 10 % sont les 18-24 ans (12 % dans l'ensemble des 4 pays) et les 25-34 ans (11 %, mais pas en Espagne). Dans les autres classes d'âge, cette proportion recule progressivement de 6 à 2 % chez es 36-45 ans et les plus de 65 ans, respectivement ;
  • il y a aussi trois « catégories socioprofessionnelles » où cette proportion se rapproche des 10 % ; ce sont les “cadre, profession libérale, profession intellectuelle supérieure” et les “autres inactifs” (élèves, étudiants…), tous à 9 %, tandis que chez les “agriculteur exploitant, artisan, commerçant, chef d'entreprise”, le chiffre est tout de même à 8 %.

En revanche, le niveau de diplôme n'est plus prédictif du statut végétarien. Il le reste « pour le flexitarisme (25 % des diplômés du bac ou plus, contre 18 % de ceux n'ont pas de bac) et le végétarisme potentiel (33 % des diplômés du bac ou plus pourraient devenir végétarien, contre 23 % de ceux sans bac) ».

Difficiles à compter

Les rapporteurs de l'étude de 2018 le soulignent : ils ont du mal à compter les végétariens avec leurs outils de mesure (ceux des sondages). « Les [répondants] qui se déclarent végétariens, végétaliens ou végans représentent 5,6 % des personnes interrogées en moyenne pondérée dans les quatre pays. Leur part est la plus élevée au Royaume-Uni (8 %) et la plus faible en Espagne (2,8 %). La France et l'Allemagne ont des taux moyens et très proches l'un de l'autre (respectivement 5,2 et 5,6 %) » (voir le graphique principal). Les végans représentent la minorité de ces répondants, sauf en Espagne, où ils dépassent les végétariens (1,6 et 1,0 % respectivement). Les auteurs préviennent toutefois que, malgré l'échantillonnage représentatif, « il a été constaté une surreprésentation de populations très diplômées et urbaines dans l'échantillon espagnol ». Cela pourrait aussi être lié au fait que les deux mouvements sont récents en Espagne, la médiatisation profitant alors au véganisme. Pour compléter l'enquête, les auteurs confrontent les résultats de l'auto-déclaration des répondants à ceux des questions sur la fréquence de consommation des différents aliments d'origine animale. Dans ce cas, la proportion de répondants végétariens/lien/végans est nettement plus réduite (voir le graphique ci-dessous). Pourtant, « plus de la moitié des répondants disent connaître au moins un végétarien dans leur entourage », avec 40 % des répondants français et 70 % des Britanniques. Les rapporteurs évoquent même un « tabou [possible] en France concernant la non-consommation de viande ».

Part des personnes déclarant ne jamais consommer de différents produits animaux (source : enquête CREDOC pour FranceAgriMer et l'OCHA).

Progression envisagée

Quant à savoir si le végétarisme progresse, les rapporteurs signalent que « malgré une médiatisation croissante du concept du végétarisme et l'existence de facteurs favorables à sa popularisation dans la société (…), il est impossible pour le moment de mesurer la progression du phénomène dans la population, notamment à l'échelle européenne. Car son caractère encore marginal nécessite un déploiement d'enquêtes d'ampleur pour capter et analyser en détail cette partie de la population. Néanmoins plusieurs paramètres (motivations, valeurs, effets d'âge) laissent à penser que sa progression semble s'affirmer ». Cette prudence appuyée repose aussi sur l'apparition des flexitariens (individus qui cherchent à consommer le moins de viande possible, sans pour autant l'exclure complètement), qui sont nettement plus nombreux que les végétariens auto déclarés : 20 % en France, 26 % en Allemagne, 23 % en Espagne et 19 % outre-Manche. Pour tenter de trancher, le CREDOC a comparé les résultats de deux éditions (1998 et 2018) de son enquête ‘Tendances de consommation' ; « la part des Français qui se déclarent végétariens a progressé sur cette période, de 0,7 à 3, 2% ». Malheureusement, « la part de ceux qui déclar[ai]ent ne jamais consommer de produits carnés reste très marginale (1 %) et ne progresse pas sur 20 ans ». Les rapporteurs ne peuvent donc pas détecter d'évolution chiffrée.

Conditions d'élevage

Enfin, parmi les motivations citées par les flexitariens pour réduire leur consommation de viande, « les conditions d'élevage » arrivent en seconde position (40 %) derrière « pour être en bonne santé » (53 %). Toutefois, seuls 10 % des répondants placent les conditions d'élevage comme leur motivation première (18 % en Allemagne), contre 40 % pour la santé. Et seuls 7% placent en tête des raisons d'éviter la viande « l'impact de l'élevage sur l'environnement », mais 11 % des personnes à diplômés de l'enseignement supérieur. L'importance de l'exposition médiatique apparaît aussi au travers de la préoccupation principale recouverte par ces “conditions d'élevage” (voir le graphique ci-dessous). Ainsi, « 84 % des Français, 84 % des Allemands, 74 % des Espagnols et 39 % des Britanniques déclarent avoir entendu parler des débats sur les conditions d'élevage des animaux. En Allemagne et en Espagne, la question qui préoccupe le plus sont les conditions d'élevage (66% des Allemands et 55% des Espagnols, voir le graphique ci-dessous), alors qu'au Royaume-Uni et en France cette préoccupation, certes présente, est moins citée que les conditions d'abattage ».

Les préoccupations principales en matière de production animale, par pays (base ensemble des répondants, source : enquête CREDOC pour FranceAgriMer et l'OCHA).

Réalisée entre le 30 juillet et le 10 août, cette étude « à visée essentiellement exploratoire », repose sur des échantillons représentatifs de la population adulte (plus de 18 ans) de chacun des quatre pays : 1 009 personnes en France, 865 en Espagne, 820 en Allemagne et 826 au Royaume-Uni. Elle a été réalisée en ligne (15 minutes), « par le cabinet CREDOC pour FranceAgriMer et l'observatoire CNIEL des Habitudes Alimentaires (l'OCHA) », selon la méthode des quotas.