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Elanco & Proplan

25 août 2025

Nombre de cas humains d'échinococcose alvéolaire en France : en croissance, y compris sans signes cliniques

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Répartition géographique des patients atteints d'échinococcose alvéolaire, selon leur lieu de résidence au moment du diagnostic, en France, entre 1982 et 2021 (n=906). Knapp et coll., 2025.
Répartition géographique des patients atteints d'échinococcose alvéolaire, selon leur lieu de résidence au moment du diagnostic, en France, entre 1982 et 2021 (n=906). Knapp et coll., 2025.
 

De l'étude rétrospective des cas humains d'échinococcose alvéolaire identifiés en France sur 40 ans, les spécialistes de cette infection retiennent une augmentation du nombre de cas, du nombre de cas asymptomatiques et de la proportion de personnes au « système immunitaire affaibli ».

Le nombre de cas par an augmente

Entre 1982 et 2021, 906 cas humains d'échinococcose alvéolaire ont été diagnostiqués en France. Bien que la maladie ne soit pas à déclaration obligatoire, un centre national de référence des échinococcoses a été créé en 2012. Comme une partie des données a été collectée rétrospectivement, les auteurs ont divisé les 40 ans d'observation en trois périodes, pour pouvoir comparer incidence, prévalence et autres caractéristiques des patients :

  • de janvier 1982 à décembre 1999, avec une moyenne de 14,6 cas détectés par an et une incidence de 0,026 cas pour 100 000 habitants ;
  • puis de janvier 2000 à décembre 2010, avec 21,5 cas par an et une incidence de 0,035 cas p. 100 000 hab. ;
  •  et enfin de janvier 2011 à décembre 2021, avec 36,5 cas par an et une incidence de 0,061 cas p. 100 000 hab.

Les auteurs observent aussi que l'âge moyen au diagnostic augmente significativement (p=0,003), passant de 56,3 ans sur la première période à 59,9 ans sur la dernière.

Augmentation aussi hors des zones à risque

En termes de prévalence, les quatre départements où elle est la plus élevée sont, par ordre décroissant, le Doubs, la Haute-Savoie, les Vosges et la Haute-Saône. Toutefois, des cas ont été diagnostiqués dans 72 des départements métropolitains, couvrant la grande majorité de ce territoire (voir l'illustration principale). Il y a 22 départements à risque, localisés dans l'est et le centre du pays ; 85 % des 906 cas résident dans ces départements. Cependant, « la proportion de patients diagnostiqués dans d'autres départements que ceux à risque a augmenté de manière significative, passant de 7,6 % en 1982-1999 à 24,1 % en 2011-2021 (p < 0,001) ». Et 31 des 136 patients dans ce cas n'avaient jamais fréquenté un département à risque.

Augmentation des cas asymptomatiques

L'histoire clinique de près de 90 % des cas est connue. La moitié des cas (50,3 %) ne rapportent qu'un seul signe clinique lors des investigations qui ont conduit au diagnostic (et 56,4 % des cas ont présenté une douleur abdominale, loin devant l'ictère – 27,2 % - et l'hépatomégalie – 20,2 %). Près de la moitié des cas étaient asymptomatiques (découverte accidentelle ou dépistage, réalisé dans l'entourage d'un cas à sa découverte). « La proportion de patients asymptomatiques a augmenté de manière significative, passant de 19,1 % (n = 48) en 1982-1999 à 56,2 % (n = 209) en 2011-2021 (p < 0,001) ».

Des cas y compris urbains

Sans surprise, la majorité des patients (53,3 %) résidaient en zone rurale au moment du diagnostic, toutefois un peu moins du quart (22,7 %) habitaient en centre-ville. Les rapporteurs notent qu'il y a une augmentation de la représentation des banlieues et des centres-villes au fil du temps. En lien logique avec la résidence rurale, plus du quart des cas (26,9 %) pour lesquels l'activité professionnelle est connue étaient agriculteurs (ou retraités de l'agriculture). La proportion de cette activité parmi les patients décroit sur la période étudiée, mais les auteurs n'ont pas analysé s'il s'agit d'un recul lié à celui du nombre d'exploitants.

Expositions de loisir ou renards ?

Pour ce qui est de l'exposition non professionnelle, près de deux patients sur trois (62,6 %) avaient des loisirs à risque :

  • 82,4 % cueillaient des baies et des plantes sauvages,
  • 77,1 % faisaient du jardinage (y compris potager),
  • 38,1 % étaient en contact avec des renards,
  • 14,8 % chassaient,
  • 76,7 % possédaient des animaux de compagnie (chiens seuls : 22,9 % ; chats seuls : 15,7 %), les deux : 33,2 %),
  • Dans l'analyse statistique, « l'association entre la cueillette de baies, le jardinage et la possession d'un animal de compagnie a été observée chez 52,4 % des patients ».

Pour ce qui est de la pondération de ces facteurs de risque, les auteurs restent très prudents : « les potagers et les chiens et chats infectés contribuent probablement à la transmission », en lien avec la persistance des œufs de parasites dans le sol et l'étroitesse du contact avec les animaux de compagnie, malgré une prévalence d'infection très faible. Ils préviennent surtout que « l'augmentation du nombre de cas humains enregistrés au fil du temps pourrait être en partie due à la visibilité croissante du centre national de référence. Cependant, la prévalence croissante d'E. multilocularis chez les renards depuis la fin du XX siècle, ainsi que sa propagation à de nouvelles zones expliquent probablement la majeure partie de l'augmentation de l'incidence de l'échinococcose alvéolaire chez l'humain ».

Les auteurs terminent cependant sur une bonne nouvelle : du fait à la fois d'une détection plus précoce et d'une prise en charge thérapeutique plus importante, « la survie des patients a augmenté au cours des 40 années de [l'étude], avec une convergence en France de l'espérance de vie dans la population générale et de l'âge au décès des patients souffrant d'échinococcose alvéolaire ».