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Elanco & Proplan

29 juillet 2024

Don de sang chez un chat : une fluidothérapie n'apparaît pas indispensable

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Sans bénéfice de santé, une fluidothérapie apparaît superflue chez le chat prélevé sans sédation préalable (cliché Pixabay).
Sans bénéfice de santé, une fluidothérapie apparaît superflue chez le chat prélevé sans sédation préalable (cliché Pixabay).
 

Il n'existe pas à proprement parler de consensus scientifique sur la réalisation des dons de sang chez les chats, les techniques décrites étant généralement issues de l'expérience pratique. Face à ce manque de recommandations robustes sur la marche à suivre, des cliniciens britanniques (du Royal Veterinary College de Hatfield) se sont penchés sur l'intérêt d'une fluidothérapie post-don.

Un tel traitement n'est pas recommandé chez le chien ou chez l'homme. Mais chez le chat, les volumes prélevés sont plus importants relativement au plus petit volume total de sang circulant, avec de potentiels effets cardiovasculaires significatifs. Il a donc été proposé d'administrer systématiquement un soluté cristalloïde isotonique par voie intraveineuse aux chats donneurs, à raison du double du volume de sang collecté en perfusion lente sur 2 heures. Mais l'intérêt de ce traitement n'est pas établi, ce qui a motivé son évaluation au travers d'une étude comparative ; ses résultats sont publiés en libre accès dans le JSAP.

Une centaine de chats donneurs inclus

Pour leur étude, les chercheurs ont recruté des chats participant à un programme de don de sang dans leur établissement. Ces chats répondaient aux prérequis du programme (être en bonne santé, âgé de 1 à 10 ans, peser au moins 3,5 kg, ne pas avoir reçu de transfusion ni être sous traitement, être à jour de ses vaccinations, facile à manipuler, etc.). Il devait en outre être possible de mesurer la pression artérielle systémique sans stress manifeste du chat. Et le propriétaire devait bien sûr consentir à l'entrer dans l'étude.

Le prélèvement était effectué sur animal vigil, non sédaté, dans les conditions habituelles du programme, avec un maximum de 12 ml/kg de sang collecté. Un topique anesthésique (crème de lidocaïne et prilocaïne) était appliqué sur le site de ponction (veine jugulaire) en amont du prélèvement.

Puis les chats étaient répartis de manière aléatoire en deux groupes :

  • Ceux du groupe traité (n=46) recevaient une fluidothérapie immédiatement après le don (lactate de sodium, deux fois le volume de sang prélevé, en perfusion IV sur 2 heures) ;
  • Ceux du groupe non traité (n=51) n'en recevaient pas.

Tous ont été gardés deux heures en hospitalisation et une mesure de la pression artérielle systolique (PAS) a été effectuée juste après le don (T0), puis 1 heure et 2 heures après (T60, T120), par technique Doppler selon les recommandations de l'Acvim.

Pas d'hypotension notable

En moyenne, un volume de 49,6 ml de sang a été prélevé chez les chats du groupe traité, et 47,9 ml chez ceux de l'autre groupe, soit 9,9 et 9,7 ml/kg, respectivement, sans différence significative. Cela correspond aux volumes usuellement conseillés (10 à 12 ml/kg, soit 20 % au maximum du volume sanguin total) sur animal non sédaté.

Et aucun effet significatif sur la PAS n'a été identifié à chacun des moments de mesure, les valeurs médianes étant les suivantes :

  • à T0, 121 mmHg dans le groupe traité et 120 dans le groupe non traité ;
  • à T60, 122 mmHg et 124 mmHg, respectivement ;
  • et à T120, 128 et 127 mmHg.

La collecte de sang, dans ces proportions et sur animal non sédaté, ne semble pas avoir d'effet hémodynamique délétère significatif qu'une fluidothérapie permettrait de minimiser. Toutefois, cette étude serait à reproduire sur animal sédaté. En effet, une sédation du chat est souvent requise avant la collecte. Et chez le chien, il a été rapporté qu'une collecte de sang sur animal sédaté entraîne des effets hémodynamiques plus marqués.

Des complications mineures et pas plus fréquentes

Les chats ont été rendus à leurs propriétaires. Et ceux-ci ont été recontactés le jour suivant, afin d'être questionnés sur la santé et le comportement de leur chat depuis son retour à domicile, en particulier sur l'apparition d'anomalies au niveau du site de ponction (hématome ou décoloration par exemple) et sur l'activité générale ou un changement de comportement de l'animal.

Au total, 81 réponses ont été récoltées. Parmi les 44 chats du groupe traité, 17 soit 38,6 % ont présenté des anomalies. Et parmi les 37 du groupe non traité, 14 soit 37,8 % en ont présenté. Ces anomalies sont mineures, essentiellement un hématome au point de ponction, chez 12 et 9 chats respectivement, et une légère léthargie transitoire (moins de 24 heures), chez 5 et 7 chats, soit des proportions équivalentes dans les deux groupes.

Les auteurs en concluent que les complications post-don sont relativement fréquentes mais mineures, et sans impact de la fluidothérapie administrée.

Ils en concluent surtout qu'une telle fluidothérapie n'apparaît pas nécessaire en routine sur animal non sédaté. Or, se passer de cette fluidothérapie présente de multiples bénéfices, en termes de temps, pour l'équipe vétérinaire comme pour le propriétaire, de stress pour l'animal, ainsi que de coût.