9 avril 2024

Réputé vif et docile, et facile à élever, le cochon d'Inde est de longue date l'un des animaux de compagnie les plus populaires, notamment dans les foyers avec enfants. Malgré cela, ces animaux développent bien souvent des anomalies et troubles de santé secondaires à de mauvaises conditions de vie, à l'instar d'un manque d'activité favorisant l'usure naturelle des griffes.

Ce constat découle des résultats d'une nouvelle étude britannique réalisée dans le cadre du programme VetCompass, qui a analysé les données des dossiers médicaux de plus de 50 000 cochons d'Inde, et publiée en libre accès dans la revue numérique PloS ONE.

Des mâles plus lourds mais des femelles plus âgées

Durant l'année 2019, 51 622 cochons d'Inde (il ne faut plus dire « cobayes »… pour ne pas faire référence à l'expérimentation animale) ont été suivis dans les quelque 1000 cliniques vétérinaires généralistes adhérentes au programme. L'analyse rétrospective de leurs dossiers médicaux a d'abord porté sur les données démographiques.

Ainsi, en termes de race, les caractéristiques de cette population d'animaux de compagnie sont très approximatives : dans seulement 3 % des dossiers, une race spécifique est précisée. Et 22 races différentes sont alors répertoriées, l'abyssinien (rosette) étant le plus fréquent (661 individus soit 1,28 % de l'effectif).

La répartition entre mâles et femelles montre une légère sur-représentation des premiers : 52,7 % versus 47,3 %.

Ces animaux sont rarement stérilisés : seuls 2,08 % le sont, plus souvent des mâles (plus faciles à opérer), mais sans en différencier le motif (convenance ou raison médicale). Il est possible que ces animaux vivent le plus souvent sans congénères (malgré leur caractère sociable), ou avec des congénères du même sexe, rendant une stérilisation moins impérative pour éviter leur reproduction.

Le poids à l'âge adulte (plus de 6 mois) est variable, entre 400 g et 2,66 kg, avec une médiane à 1 kg environ. Comme dans nombre d'espèces, les mâles sont plus lourds que les femelles (1,1 kg versus 1,0 kg).

Enfin, ces animaux sont âgés de 0 à 11 ans, avec une médiane à 2,21 ans. Les femelles sont plus âgées que les mâles (2,33 versus 2,14 ans en médiane).

Un environnement ou des soins inadaptés

Les chercheurs ont ensuite effectué une sélection aléatoire de 3 785 sujets (soit 7,33 % de l'effectif initial), pour identifier les affections les plus fréquentes dans l'espèce.

Au moins une anomalie ou maladie était enregistrée pour 87 % des cas, une proportion qui n'est pas étonnante compte tenu qu'il s'agit d'animaux vus en consultation, et que la médecine préventive est peu développée dans cette espèce (comme pour les hamsters) : ils ne sont pas vaccinés, identifiés ni déparasités en routine. Et les trois les plus fréquentes sont ainsi :

• Des griffes trop longues, avec une prévalence 26,55 % ;
• Une dermatophytose, dont la prévalence atteint 6,02 % ;
• Des ulcères de la cornée, prévalents à 4,99 %.

Suivent ensuite l'anorexie, les abcès, les conjonctivites, les affections ovariennes (chez les femelles, d'où l'importance de la palpation abdominale pour détecter des kystes ovariens), avec des prévalences entre 4 et 5 %, puis les troubles respiratoires hauts, les acarioses, les plaies de morsure (prévalence entre 3 et 4 %)…

Une obésité est renseignée chez 2,14 % des animaux, mais elle est probablement sous-évaluée car ne représentant pas le motif de consultation, et les vétérinaires ne le mentionnent pas nécessairement dans le dossier médical.

Ces troubles sont donc bien souvent secondaires à des conditions de logement, d'alimentation ou à des soins inadaptés aux besoins de l'espèce, en particulier la coupe des griffes et le défaut de leur usure naturelle (comme souvent aussi chez le lapin), les troubles oculaires (qui peuvent être provoquées par un foin ou autre substrat inadapté), les plaies de morsure. Autant de points qui mériteraient des conseils vétérinaires.

En groupant les maladies (par systèmes), les résultats montrent que les affections podales (griffes comprises), dermatologiques et oculaires sont, par ordre décroissant, les plus fréquentes, devant les maladies respiratoires (appareil respiratoire haut), les masses, les traumatismes, les maladies parasitaires… Les troubles dentaires sont moins fréquents qu'attendus, de l'avis des auteurs. Mais une anorexie, fréquente, est potentiellement le signe d'un trouble dentaire sous-jacent.

Des prédispositions sexuelles

Des différences significatives sont également observées par sexe.

• Les femelles sont prédisposées à 3 affections : les ulcères de la cornée, les corps étrangers et les masses abdominales. En termes de groupes de maladies, elles sont plus touchées par les masses, les maladies urinaires, les tumeurs et les corps étrangers.
• Les mâles, eux, se battent plus souvent (ils sont plus agressifs et territoriaux), avec des plaies plus fréquentes (de morsures en particulier), et sont prédisposés à l'anorexie, aux troubles dentaires, aux défauts d'usure des incisives. Ils sont globalement plus sujets aux traumatismes, aux maladies pulmonaires, dentaires et aux troubles de l'appétit.

Rechercher la teigne chez le jeune

Selon l'âge enfin, la teigne – d'importance zoonotique – est plus fréquente chez les jeunes animaux, probablement contractée avant l'achat en animalerie, et une perte de poids chez les plus âgés, probablement secondaire, à des maladies métaboliques ou cancéreuses par exemple. Les maladies tumorales touchent effectivement les cochons d'Inde à un âge plus avancé, les traumatismes à un âge inférieur.

Ces variations sont des informations d'intérêt pour le vétérinaire, afin d'orienter son examen selon l'âge et le sexe du sujet.

Quelques années d'espérance de vie

L'espérance de vie des cochons d'Inde est de 4 à 9 ans selon les études. Ici, dans cette population d'animaux vus en consultation (donc le plus souvent malades), l'âge au décès est de 4 ans en médiane, l'individu mort le plus tard ayant vécu 10 ans (sur les 757 décès recensés en 2019 parmi les 3 785 étudiés, dont près des trois quarts par euthanasie).

Les femelles meurent plus âgées que les mâles (4,58 ans en médiane contre 3,74).

La cause du décès était renseignée dans 131 cas (mener des investigations poussées n'est pas toujours proposé ni accepté par les propriétaires). Les plus fréquentes sont :

• une anorexie (environ 14 % des cas),
• un collapsus (environ 10 %),
• une complication de l'anesthésie (3,4 %),
• une distension abdominale, une dyspnée ou une baisse de la qualité de vie (3 % chacune).

Le risque anesthésique pourrait expliquer en partie le faible taux de stérilisation (de convenance) dans cette espèce.

À l'échelle systémique, la mortalité est surtout associée aux troubles de l'appétit, aux pneumopathies (souvent secondaires, encore, à un environnement de vie inadapté), à un collapsus (plus de 10 % des cas chacun).

Les femelles meurent significativement plus souvent que les mâles d'une maladie tumorale. Une hématurie est également fréquente chez les femelles âgées qui décèdent, signe de cystite ou d'urolithiases, que les auteurs proposent donc de détecter assez systématiquement dans cette population.