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22 mars 2024

Délégation d'actes aux ASV : le calendrier se débloque enfin

par Agnès Faessel

Temps de lecture  6 min

Poser un cathéter intraveineux fait partie des actes de médecine vétérinaire qui seront réalisables par l'ASV, sous réserve de la validation de ses compétences pour le faire (cliché Pixabay).
Poser un cathéter intraveineux fait partie des actes de médecine vétérinaire qui seront réalisables par l'ASV, sous réserve de la validation de ses compétences pour le faire (cliché Pixabay).
 

Sans cesse repoussé, le projet de loi d'orientation agricole (« loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture ») a été déposé au Conseil d'État, et son examen par le conseil des ministres est imminent – le 29 mars –, selon la presse et plusieurs lobbies, ayant divulgué ces informations en fin de semaine dernière. Le projet de loi, non public à ce stade, est même parfois accessible en ligne. La Dépêche Vétérinaire, porte-voix du SNVEL, le signale aussi dans son numéro de vendredi dernier.

Cette loi traduit essentiellement la nouvelle politique agricole française, dans le but de « consolider la souveraineté alimentaire française et européenne ». Mais son article 7 concerne directement les vétérinaires : il rend possible la délégation d'actes de médecine et chirurgie vétérinaires aux auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV), ainsi qu'aux élèves des écoles vétérinaires.

Préserver le maillage vétérinaire

La délégation d'actes vétérinaires aux ASV, sujet à débats de longue date, est progressivement devenu un souhait de la profession vétérinaire depuis quelques années. À l'occasion du congrès national de l'Afvac fin 2022, dans une session dédiée au sujet, les principales organisations professionnelles vétérinaires françaises (Afvac, SNGTV, Avef) avaient présenté les résultats des enquêtes menées auprès de leurs adhérents, montrant une certaine évolution des attentes des praticiens en faveur d'une telle délégation, surtout de la part des praticiens pour animaux de compagnie, sous réserve d'un encadrement des conditions de sa réalisation.

Au-delà d'une légalisation cadrée de pratiques sauvages, parfois très courantes, ce projet de délégation s'inscrit surtout dans le cadre de la pénurie de main d'œuvre vétérinaire, souhaitant participer à la « préservation du maillage vétérinaire du territoire national ». L'objectif est « d'optimiser le travail des vétérinaires », qui pourront ainsi se recentrer sur des actes à plus forte valeur ajoutée.

Une liste fermée d'actes délégables

Le calendrier prévoit une première lecture du projet de loi au Parlement à partir de mi-mai en commission. Quel que soit le délai avant adoption et promulgation (ce qui va prendre de longs mois), une série de textes réglementaires suivront pour son application (décrets puis arrêtés, après encore plusieurs mois), eux-mêmes suivis par une étape de mise en œuvre des dispositifs… La concrétisation des mesures législatives prendra donc encore beaucoup de temps !

Concernant l'article 7 et la délégation des actes vétérinaires, il s'agira notamment de préciser et encadrer les conditions de formation, les compétences requises et les actes pouvant être pratiqués.

En effet, dans le projet de loi, il est spécifié que les actes pouvant être délégués sont ceux « figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ».

Un projet de liste a été élaboré en concertation avec les parties prenantes, en particulier l'Ordre des vétérinaires, le SNVEL et les organisations professionnelles (présenté par le SNVEL à ses Universités de printemps en mai 2023, voir La Dépêche Vétérinaire n°1665). Il comprend 4 catégories d'actes :

  • Le recueil de prélèvements à des fins d'analyse, par exemple une prise de sang ou un écouvillonnage buccal ;
  • L'assistance à l'anesthésie et aux soins intensifs, par exemple l'intubation/extubation de l'animal ;
  • Des soins, notamment le détartrage ou le retrait des points de suture ;
  • Des actes courants, comme l'injection de médicaments, la pose d'un cathéter intraveineux ou d'une sonde urinaire.

La plupart des soins sont réalisables dans toutes les espèces, avec toutefois quelques restrictions pour les équidés.

Des compétences certifiées

Le diplôme d'ASV actuel ne devrait pas suffir à être autorisé à réaliser ces actes. En effet, le projet de loi prévoit que les ASV délégataires justifient de « compétences certifiées par le Conseil national de l'Ordre ». Ainsi, une formation devrait au préalable être suivie et validée.

Les textes d'application viendront préciser le contenu de ces formations et les modalités de leur validation. Elles seront probablement ajoutées à la formation initiale des ASV. Mais des dispositions devraient également prévoir et encadrer la reconnaissance des compétences déjà acquises par l'expérience, pour les ASV déjà en poste depuis plusieurs années. Les ASV délégataires seront inscrits sur une liste tenue par l'Ordre des vétérinaires.

Autre point, et non des moindres, il conviendra sans doute assez naturellement d'associer une rémunération à ces nouvelles tâches.

Pas d'ASV libéraux

Contrairement à la médecine humaine, où le métier d'infirmière peut être pratiqué comme profession libérale, les ASV demeurent des salariés de vétérinaires ou sociétés de vétérinaires.

Leur travail s'effectue sous la responsabilité du vétérinaire, lequel doit être présent dans l'établissement. En pratique, un service d'urgence, par exemple, ne pourra pas être tenu par de seuls ASV, prenant en charge les premiers soins des animaux avant l'arrivée du vétérinaire d'astreinte. Impossible non plus de pratiquer ces actes si le vétérinaire est en visite à l'extérieur.

En outre, comme expliqué par les représentants de l'Ordre au congrès Afvac en 2022, le vétérinaire conserve la liberté de sa délégation d'actes. Ce sera à chaque vétérinaire de décider, ou non, de déléguer certains actes à certains ASV.

La délégation d'actes concerne aussi les étudiants vétérinaires

Le projet de délégation d'actes ne se limite pas aux ASV. Elle s'étend aux étudiants des écoles vétérinaires, dès lors qu'ils ont acquis les compétences requises dans leur cursus, c'est-à-dire avant de pouvoir être assistant vétérinaire (ce qui est possible en dernière année).

Pour eux aussi, des textes d'application viendront préciser le niveau d'études à avoir atteint, et la liste des actes réalisables. Et de la même manière, ces actes seront délégués sous la responsabilité du vétérinaire employeur, qui devra être présent dans l'établissement.

Évidemment, ces étudiants ne pourront pas sécher les cours pour travailler.

Délégation « toutes espèces »

Cette délégation d'actes vétérinaires aux ASV (et étudiants) concerne toutes les espèces, pas les seuls animaux de compagnie.

Pour mémoire, la réalisation de certains actes vétérinaires – qui sont par défaut le monopole des vétérinaires, sous peine d'exercice illégal –, est déjà possible de longue date par plusieurs catégories de professionnels non vétérinaires de l'élevage ou du secteur équin (les maréchaux-ferrants en particulier).

Les éleveurs professionnels d'animaux de production peuvent réaliser (seulement sur leurs propres bêtes) des injections, des prélèvements, des castrations, etc. De leur côté, les inséminateurs, les ostéopathes animaliers, les techniciens aviaires ou porcins… sont autorisés à réaliser certains actes vétérinaires, en autonomie.