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22 avril 2024

Complications fatales des césariennes : le lourd tribut des brachycéphales

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Une série de cas de décès à la suite de césarienne, effectuée chez les patients d'un hôpital universitaire britannique, montre la forte proportion de chiennes brachycéphales (cliché : jjsawrey, wikimedia).
Une série de cas de décès à la suite de césarienne, effectuée chez les patients d'un hôpital universitaire britannique, montre la forte proportion de chiennes brachycéphales (cliché : jjsawrey, wikimedia).
 

La série est (heureusement) limitée : des praticiens britanniques viennent de décrire 17 cas pour lesquels une césarienne réalisée dans un hôpital universitaire a été suivie du décès de la chienne. Ils en retiennent que plus de deux tiers de ces cas concernent une race brachycéphale.

Décès dans les 7 jours post-intervention

Les auteurs, de l'université de Liverpool (Royaume-Uni), rappellent qu'une estimation récente (2020) évalue à 3,1 % le taux de décès suite à une césarienne de chienne. Ces cas font toutefois rarement l'objet d'une autopsie, et ils ont souhaité évaluer les causes de tels décès, « pour tenter d'aider les praticiens à identifier des animaux à risque et pouvant bénéficier de mesures préventives supplémentaires ». Ils ont donc recherché parmi les données électroniques de l'hôpital universitaire, des chiennes opérées et suivies, dont le décès est survenu dans les 7 jours suivant l'intervention. Il fallait aussi qu'une autopsie ait été réalisée.

Surtout des brachycéphales

Sur la période courant entre mi-2015 et mi-2023, les auteurs ont obtenu 17 cas : 71 % des chiennes concernées étaient de race brachycéphale. Plus précisément : Bouledogue français (35 %, n=6), bouledogue anglais (18 %, n=3), Boston Terrier (12 %, n=2) et une croisée bouledogue. Les auteurs ont comparé la représentation de ces races à celle figurant parmi les 381 femelles de plus de 6 mois autopsiées sur cette période. Il y avait 75 chiennes brachycéphales parmi cet effectif, dont 12 étaient mortes dans les 7 jours suivant la césarienne. Seules 5 des chiennes non brachycéphales avaient été soumises avec des antécédents récents de césarienne : le sur-risque est x 11,7 pour les chiennes brachycéphales (p<0,001). La sur-représentation des brachycéphales n'a probablement pas que des causes médicales (voir ci-dessous), mais tient aussi au fait que ces races sont populaires outre-Manche.

Boston terriers les plus à risque

Les 17 chiennes de l'étude avaient 1,5 à 5,7 ans au décès (moyenne à 2,8 ans). Deux cas correspondaient à une césarienne programmée (deux bouledogues), mais pour 7 autres, le dossier ne précisait pas s'il s'agissait d'une intervention programmée ou d'urgence (les autres cas étaient des urgences). Les auteurs calculent ainsi que le sur-risque d'arriver en autopsie après une césarienne (ils préviennent qu'en toute rigueur statistique, il ne s'agit pas du sur-risque de décéder des suites d'une césarienne), par rapport aux chiennes non brachycéphales, est :

  • x 9,7 pour les bouledogues français (p<0,001),
  • x 4,8 pour le bouledogue anglais (p=0,021),
  • x 14,5 pour le Boston terrier (p=0,003, mais vu le faible effectif de cette race, l'intervalle de confiance est très élevé).

Avant tout le choc septique

Bien que la définition des cas comprenne un décès dans les 7 jours suivant l'intervention, aucun cas ne correspondait à un tel délai : 35 % des chiennes sont décédées au cours de l'anesthésie et les 65 % restants entre 4 et 48 h après l'intervention. Dans tous les cas sauf un, la césarienne était conservative ; seul un cas (sur Boston terrier) avait aussi subi une ovario-hystérectomie. Pour les causes du décès établies par l'autopsie :

  • le choc septique arrive en tête (7 cas), associé à Streptococcus canis (5 cas) et/ou à E. coli (4 cas) ;
  • le syndrome brachycéphale (BOAS) est directement associé à 4 cas (insuffisance respiratoire avec œdème pulmonaire modéré à sévère), sans réelle surprise puisque les brachycéphales présentant ce syndrome ont un risque accru d'accident anesthésique. Trois de ces cas sont décédés pendant l'intervention ;
  • un choc hémorragique est retrouvé pour 3 cas (deux avec hémorragie intra-utérine et un avec des hémorragies multisystémiques) ;
  • un cas de dilatation torsion et deux cas sans cause clairement identifiée complètent cette liste.

Au bilan, les auteurs estiment que, « au moins dans certains cas, la préservation de l'utérus a pu servir de source d'infection bactérienne ou d'hémorragie, ce qui a entraîné la mort de la patiente ». Ils soulignent aussi que les propriétaires de races brachycéphale demandent souvent une telle intervention, afin de pouvoir continuer à vendre des chiots à l'avenir. Mais ces résultats montrent aussi qu'une telle césarienne « peut constituer un facteur de risque, en particulier dans les cas de dystocie prolongée ou de chiots morts et dans les cas où l'intégrité de la paroi utérine est préoccupante. Pour de tels cas, une ovario-hystérectomie ultérieure peut être recommandée », si elle n'est pas effectuée lors de l'intervention. Les auteurs ne commentent pas le fait que seule une minorité des césariennes sur chiennes brachycéphales avaient été programmées, malgré les risques connus pour ces races.