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Elanco & Proplan

2 septembre 2022

France : 211 morsures de serpents exotiques en 20 ans ; aucun décès

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Nombre et incidence des morsures de reptiles exotiques en France métropolitaine. Le nombre de cas figure dans chaque région. La couleur correspond à l'incidence, qui est exprimée entre parenthèses en cas p. 100.000 habitants (Le Roux et coll., 2022).
Nombre et incidence des morsures de reptiles exotiques en France métropolitaine. Le nombre de cas figure dans chaque région. La couleur correspond à l'incidence, qui est exprimée entre parenthèses en cas p. 100.000 habitants (Le Roux et coll., 2022).
 

Le nombre de morsures par des serpents exotiques en France n'a jamais atteint les 20 par an en France sur les deux dernières décennies – sur la période, il y en a eu 10,4 par an en moyenne. Près de la moitié sont liées à des serpents venimeux, et aucun décès n'est à déplorer – à la différence du Royaume-Uni où un décès a été attribué à une envenimation, en lien avec un phénomène d'hypersensibilité, dans l'étude rétrospective récente qui portait sur les 12 dernières années.

NAC dans 85 % des cas

Les auteurs ont réalisé une étude observationnelle rétrospective auprès de l'ensemble des centres antipoisons, sur la période 2000-2020. Toutes les morsures de reptiles ont été extraites des données de chaque centre, avant d'en éliminer celles liées aux vipères autochtones. Les varanidés et les iguanidés ont été conservés, mais seul le monstre de Gila (Heloderma sp.) a été considéré comme venimeux (en plus des Élapidés et des Vipéridés). La note de sévérité était liée au code clinique de chaque cas (allant de 0 : absence de signes cliniques à 4 : décès). Dans leur très grande majorité (86 %), les morsures sont survenues dans un cadre privé… C'est-à-dire en lien avec un NAC. Toutes les régions française ont été concernées à un moment ou l'autre au cours de ces 20 années, avec toutefois deux régions à incidence particulièrement élevée : PACA et Hauts-de-France et dans une moindre mesure le Grand-Est (voir l'illustration principale). Les auteurs citent un rapport du WWF expliquant que « les installations de certains vendeurs ont une localisation stratégique pour être accessibles aux résidents de pays voisins ».

Dès 4 mois

À l'échelle des morsures d'animaux, cela ne représente que 3,8 p. mille des morsures déclarées. En 2020, le nombre de reptiles NAC en France était estimé à 1,09 million, à mettre en rapport avec les 17 morsures de cette année-là. De même, il y a annuellement de 200 à 300 morsures par des vipères autochtones. Dans le cas présent, deux tiers (64 %) des personnes mordues sont des hommes. Si la moyenne d'âge à la morsure était de 29 ans, le patient le plus jeune avait… 4 mois (et le plus âgé 67 ans). Les mineurs représentent une part non négligeable de ces morsures (un quart, voir le graphique ci-dessous). Heureusement, « l'âge moyen des patients mordus par une espèce venimeuse était plus élevé que celui des patients mordus par une espèce réputée non venimeuse (39,5 ± 16,6 ans, contre 26,7 ± 13,7 ans, p < 0,001) ». Six patients ont admis être alcoolisés au moment de la morsure, dont un « ivre et sous l'emprise de drogues ».

Répartition des classes d'âges des patients mordus par un reptile en France entre 2000 et 2020 (LeFil, d'après Le Roux et coll.).

 

Un vétérinaire à domicile

Sept morsures étaient liées à des “lézards”, mais une seule à un Heloderma (note clinique de 2 : œdème et douleur locaux, vomissements et diarrhée). Les 211 autres étaient liées à des serpents. Les 8 morsures sévères (note clinique de 3) étaient liées à des serpents solénoglyphes. Près de la moitié de la totalité des morsures (94/211) étaient asymptomatiques (note 0). Les morsures s'étant produites dans un contexte professionnel correspondaient à un éleveur de serpents, « un vétérinaire qui soignait un Bitis nasicornis à domicile ». Il est possible de faire plus ample connaissance sans danger avec la vipère rhinocéros ici. « Sept cas sont survenus dans des animaleries, deux dans une ferme d'élevage et dix dans un vivarium ; tous ces cas concernaient des professionnels de la vente ou de l'élevage de reptiles ». À noter que les morsures de constricteurs ne sont pas toujours anodines : une morsure de Pythonidé (sur 69 recensées) et une morsure de Boïdé (sur 43) ont entraîné des signes de sévérité 2. Les trois morsures de Colubridés (sur les 48 recensées) qui avaient ce même niveau de sévérité étaient liées à un thrasops à gorge jaune (Thrasops flavigularis, première envenimation humaine décrite pour cette espèce) et à deux serpents des blés (Pantherophis guttatus).

IRA, amputations, douleur

Tous les patients mordus par un serpent venimeux ont été hospitalisés ; un peu plus du tiers (36 %) ont reçu un sérum antivenimeux. Dans 87 % des cas, c'est le membre supérieur qui a été mordu. Un seul cas a présenté « des morsures multiples, aussi sur le membre inférieur ». Sept des neuf cas mordus à la tête l'ont été pas un Boïdé, « y compris l'enfant de 4 mois » ! Il y a aussi eu un cas d'exposition oculaire en lien avec un cobra cracheur (Naja mossambica), provoquant une « kératite sans uvéite ». Une seule des morsures par un Vipériné a eu des répercussions générales (lié à Proatheris superciliaris) avec un syndrome hématotoxique rapidement suivi d'une insuffisance rénale aiguë associée à une nécrose des artères rénales, à l'origine d'une douleur abdominale aiguë et d'une crise hypertensive (et d'une CIVD). Les signes cliniques liés à 5 morsures de Crotalinés étaient également sévères, dont un avec amputation de l'avant-bras (morsure d'un fer de lance, Bothrops asper). Tous les cas de morsure par un crotalinés étaient suivis de douleur (à l'exception d'une causée par un serpent dont les glandes à venin avaient été retirées avant l'achat). Une morsure de Naja naja s'est aussi soldée par une amputation (d'un pouce), du fait de la nécrose. Au final, « le taux de mortalité de ce type d'envenimation est extrêmement faible dans les pays occidentaux, même en l'absence d'antivenin, probablement en raison des moyens de réanimation symptomatique disponibles ».