13 juin 2025
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L'élevage bovin français est le premier utilisateur de plastiques agricoles, a révélé une expertise collective de l'Inrae et du Cnrs publiée fin mai. Il est donc à l'origine d'une pollution des sols – avant tout agricoles, par les microplastiques. Or ces particules, issues de la dégradation des matériaux des plastiques par l'action des UV, des agents chimiques de l'air, du sol, de l'eau, etc. sont « nocives et persistantes [et] menacent la santé humaine, animale, et les écosystèmes », notait déjà une synthèse sur les idées reçues sur le plastique, publiée par l'Inrae en 2023.
La principale conclusion de cette expertise collective, qui a réuni des chercheurs européens pendant deux ans et demi, va au-delà des seuls sols agricoles et du rôle de l'agriculture dans cette pollution. Elle estime que « la contamination massive par les microplastiques de tous les sols, et en particulier les sols agricoles, dépass[e] probablement en tonnage celle des océans. Tous les organismes vivants sont contaminés par les microplastiques, y compris les humains, avec des effets néfastes pour la santé ». Plus précisément : « tous les types de sols, même désertiques, sont contaminés par des microplastiques à des taux allant de 100 à 10 000 particules de microplastiques par kg de sol dans le 1er mètre de profondeur. Les sols agricoles en particulier sont touchés », avec un ordre de grandeur de 1 000 microplastiques par kg de sol, soit 244 kg/ha (en France).
Plusieurs documents issus de cette nouvelle expertise collective sont disponibles – dont l'étude en elle-même, rassemblant l'ensemble des éléments collectés en 134 pages en anglais (elle couvre plus de 4 500 publications scientifiques) et le replay du colloque de restitution. Parmi ses points saillants, le chiffrage selon lequel la France consomme environ 5,51 millions de tonnes de plastiques par an, et « 20 % des plastiques consommés en France en 2023 seraient destinés aux secteurs agricole et alimentaire, en très grande majorité pour les emballages alimentaires » (ces derniers représentent 91 % de ce total). Ainsi, « les plastiques structurent aujourd'hui techniquement et culturellement l'agriculture et l'alimentation », constatent les experts.
Mais la surprise est surtout du côté des acteurs de l'élevage puisque, « parmi les plastiques agricoles, 73 % sont utilisés dans les systèmes d'élevage », pour l'essentiel pour la conservation des fourrages (enrubannage, bâches d'ensilage, ficelle/filets de lieuse…). C'est l'élevage des ruminants, et celui de bovins avant tout, qui est le plus concerné. Selon les estimations et à partir de données des industriels, du fait « du manque de données précises et fines », le secteur agricole utiliserait 300 000 t de plastique par an. De ce point de vue, la France se démarque en Europe : cette proportion des plastiques agricoles utilisés par l'élevage est plus faible ailleurs, en moyenne de 55 % dans les autres pays. Parmi les autres sources agricoles de plastiques dans les sols, sont cités : « le paillage, l'épandage de compost et de lisier, l'irrigation ». Les dépôts atmosphériques n'ont pas pu être quantifiés.
Autre point saillant : « la composition et la structure des plastiques se sont complexifiées, notamment avec l'ajout d'additifs et de couches multiples, pour combiner plusieurs propriétés rendant ainsi leur recyclage plus difficile ». Cela concerne les plastiques alimentaires, mais aussi les films d'enrubannage, « qui ont été complexifiés pour résister aux contraintes environnementales dans la durée ». Or cette complexité de la composition obère les possibilités de recyclage de ces plastiques. « Dans les faits seules les bouteilles plastiques sont recyclées pour produire le même objet ». Les autres produits – du fait des additifs et de la réglementation sur les plastiques au contact des aliments, ne sont pas recyclés dans cette voie (qui représente 91 % des usages, justement). Et il y a beaucoup d'additifs (plus de 10 000 substances recensées) dont seule une minorité a été évaluée pour sa toxicité. Enfin, « les plastiques contiennent des substances résiduelles liées à leur fabrication, ainsi que des contaminants, qui s'accumulent au contact de l'environnement durant leur cycle de vie, appelés NIAS (substances ajoutées de manière non intentionnelle). Ainsi, du fait également du secret industriel, la composition finale des plastiques reste souvent inconnue des utilisateurs ». Cela rend l'évaluation du devenir de ces composés dans l'environnement et de leur potentiel impact sanitaire encore plus lacunaire.
Les experts rappellent que des plastiques biosourcés – fabriqués à partir de biomasse (dont l'acide polylactique, issu du maïs) existent, même s'ils représentent une minorité des volumes utilisés (1,5 % de la production française et européenne de plastiques en 2023). Leur formulation est tout aussi complexe que les plastiques conventionnels et « mobilise souvent l'ajout d'additifs ou de polymères pétrosourcés pour atteindre des propriétés similaires » à ces derniers. Or « la majorité des plastiques pétrosourcés ne sont pas biodégradables, tout comme certains plastiques biosourcés ». Car « la présence de polymères pétrosourcés et d'additifs au sein d'un plastique biosourcé complique son traitement ». Quant aux plastiques biodégradables, ils « restent faiblement biodégradés en conditions réelles (sols, compost domestique) et nécessitent un meilleur étiquetage pour adapter leur traitement selon leurs capacités réelles de biodégradation ».
En productions végétales, cette contamination des sols perturbe leurs services écosystémiques : elle interfère avec la germination et induit une baisse du rendement de la photosynthèse. Ainsi, « une estimation de 2025 indique qu'à l'échelle de l'Europe, les microplastiques du sol sont responsables d'une perte de production 10 à 40 millions de tonnes de blé par an ». Chez les animaux d'élevage, ils « impactent également la qualité de la production (croissance, production de lait) ». Et chez les humains, les « impacts sont avérés ». Car « selon les études précliniques, les micro- et nanoplastiques induisent des pathologies du système reproducteur, des inflammations (côlon) et des fibroses (foie, rein, poumon, cœur). Ces dernières ont également permis d'établir des seuils de toxicité dès 20 µg/kg de masse corporelle et par jour pour plusieurs pathologies et organes cibles, et des effets neurologiques dès 6,5 ng/kg de masse corporelle et par jour ».
Le rapport de l'expertise collective n'émet pas de recommandations (ce n'est pas son objet). Mais il souligne que « la nécessité d'une réduction de la production de plastiques est un constat partagé par la communauté scientifique » ; c'est une stratégie préventive (le recyclage étant une action curative). Et lors de la conférence de presse de présentation de ce rapport d'expertise, la question a été posée : « une chaîne de valeur agricole et alimentaire soutenable avec ces plastiques est-elle seulement même possible ? ».
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