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Elanco & Proplan

4 février 2022

Hémoabdomen non traumatique : le pronostic reste réservé même en l'absence d'hémangiosarcome

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Courbes de survie de Kaplan-Meier pour les chiens atteints de lésions bénignes à l'histologie mais prématurément décédés (groupe 2, tirets) et ceux présentant des lésions malignes d'issue défavorable (groupe 3, pointillés). Elles ne présentent pas de différence significative. Source Millar et al., JAVMA, 2022.
Courbes de survie de Kaplan-Meier pour les chiens atteints de lésions bénignes à l'histologie mais prématurément décédés (groupe 2, tirets) et ceux présentant des lésions malignes d'issue défavorable (groupe 3, pointillés). Elles ne présentent pas de différence significative. Source Millar et al., JAVMA, 2022.
 

Hors cause traumatique comme un accident de la voie publique, l'hémoabdomen chez le chien est 8 fois sur 10 la conséquence d'une tumeur maligne (généralement un hémangiosarcome, typiquement de la rate). Son traitement chirurgical (une splénectomie le plus fréquemment) éventuellement associée à une chimiothérapie reste de mauvais pronostic, avec une espérance de vie limitée.

Le diagnostic d'une cause bénigne serait alors une bonne nouvelle, car de bien meilleur pronostic à court et long terme. Hé bien pas toujours, selon les résultats d'une étude sur près de 200 cas, publiée en libre accès dans le supplément spécial chirurgie du JAVMA (en ligne le 15 janvier). La possibilité d'un décès prématuré reste alors à évoquer avec le propriétaire.

Histologie systématique pour tous les cas retenus

Pour cette étude, les dossiers de 197 chiens, présentés pour un hémoabdomen non traumatique et ayant subi une splénectomie ont été analysés rétrospectivement. Les chiens étaient âgés de 10,8 ans en médiane, pour un poids médian de 30 kg. Une masse ou un nodule splénique était présent. Des causes comme une torsion d'organe, un abcès de la rate ou une péritonite septique, étaient écartées.

Une histologie devait avoir été pratiquée afin d'établir le diagnostic étiologique, néoplasique ou non, malin ou bénin (un hématome par exemple). En effet, hormis les rares cas de torsion d'organe (estomac, rate ou foie) ou de coagulopathie diagnostiqués avant la chirurgie, la nature bénigne ou maligne de l'affection en cause est difficile à déterminer avant l'intervention, d'autant plus qu'effectuée dans un cadre d'urgence. Ensuite, même l'examen histologique est parfois difficile à interpréter.

Le devenir des chiens était également renseigné (ou obtenu par le questionnement des propriétaires), notamment le délai de survie après la chirurgie. Les cas avaient été recrutés entre 2005 et 2018, avec un délai de 14 mois après la fin de cette période pour recueillir les données de survie.

64 % d'hémangiosarcomes

La majorité des chiens a présenté une atteinte maligne à l'histologie : 144/197 soit 73 %. Il s'agissait d'un hémangiosarcome pour 126, ce qui représente 88 % de ces cas, et 64 % de l'ensemble des chiens de l'étude.

Les 54 autres chiens présentaient des lésions bénignes à l'histologie.

La plupart des chiens ont survécu à l'intervention chirurgicale (171/197 soit 87 %).

Mortalité liée ou non à la malignité

Pour analyser le risque de décès, celui-ci était classé comme lié à la malignité, ou non. Par exemple lors d'une hémorragie, une anémie, un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS), des métastases pulmonaires… dans le premier cas, d'une infection, une complication chirurgicale, une arythmie, une thrombo-embolie… dans le second.

Pour les cas d'atteinte bénigne telle que déterminée à l'histologie, un décès lié à la malignité était considéré comme une mort prématurée. C'est-à-dire une issue défavorable alors que le pronostic était plutôt favorable. Ces cas sont en effet d'intérêt particulier dans cette étude.

Les chiens recrutés ont donc été partagés en 4 groupes :

  1. Des lésions bénignes à l'histologie et une mort de cause indépendante, n=44 ;
  2. Des lésions bénignes mais une mort « prématurée » (inattendue dans ce contexte), n=9 ;
  3. Des lésions malignes à l'histologie et une mort en lien avec la malignité, n=123 ;
  4. Des lésions malignes mais une mort de cause indépendante (inattendue dans ce contexte, mais sans être négative), n=21.

17 % de morts inattendues

Ces observations montrent ainsi que 17 % (9/53) des chiens atteints d'une affection bénigne d'après les résultats histologiques sont victimes d'une mort prématurée. Ce qui n'est pas négligeable.

Pour 6 d'entre eux, un hémopéritoine ou un hémopéricarde a été rapporté. Il n'est pas possible d'écarter l'hypothèse d'un mauvais diagnostic histologique, compte tenu des difficultés, parfois, d'interpréter l'examen. La présence de métastases peut alors expliquer l'issue fatale.

Les durées de survie médianes sont les suivantes :

  • dans le groupe 1, 628 jours (1,7 ans) ;
  • dans le groupe 2, 49 jours ;
  • dans le groupe 3, 43 jours ;
  • dans le groupe 4, 656 jours (1,8 ans).

Sans surprise, l'espérance de vie est significativement plus courte lors d'atteinte maligne. En revanche, elle est équivalente dans les groupes 2 et 3 (voir figure en illustration principale).

Peu de paramètres pronostiques

Un autre objectif de l'étude était d'identifier les paramètres prédictifs de mortalité.

Pour chaque cas, la probabilité d'un hémangiosarcome était estimée au travers du score HeLP (Hemangiosarcoma Likelihood Prediction), établi à partir une série de données préopératoires, issues des examens sanguins et radiographiques effectués, ainsi que le poids du chien. Ce système (note entre 0 et 100) est utilisé pour évaluer le risque d'hémangiosarcome comme bas (0-40), moyen (41-55) ou élevé (>55) face à un cas d'hémoabdomen non traumatique. Près de la moitié des chiens ici (49 %) présentait un faible risque (score <40).

Les résultats montrent que pour les seuls chiens d'atteinte bénigne, le score HeLP est fiable. Les autres paramètres associés à un plus grand risque de mortalité sont une grande quantité de sang dans l'abdomen, une thrombopénie, la présence d'une masse ou d'un nodule hépatique observée à la chirurgie.