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10 mai 2021

Chiens de race agressifs : facteurs démographiques, environnementaux et… comportementaux

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

La probabilité d'avoir un comportement agressif, après ajustement pour différentes variables (âge, sexe, facteurs environnementaux) n'est pas la même selon les races, indique une étude cas-témoin finlandaise auprès de 9 270 chiens dont les maîtres ont répondu à une enquête sur le comportement. Les barres d'erreurs indiquent les limites de l'intervalle de confiance à 95 %. (d'après Mikkola et coll., 2021). 
La probabilité d'avoir un comportement agressif, après ajustement pour différentes variables (âge, sexe, facteurs environnementaux) n'est pas la même selon les races, indique une étude cas-témoin finlandaise auprès de 9 270 chiens dont les maîtres ont répondu à une enquête sur le comportement. Les barres d'erreurs indiquent les limites de l'intervalle de confiance à 95 %. (d'après Mikkola et coll., 2021). 
 

« L'âge, la petite taille, le sexe [mâle], le fait que le chien soit le premier de son maître, qu'il n'y ait qu'un chien au foyer et qu'il soit craintif » sont autant de facteurs individuels de risque significativement associés au fait d'être souvent agressif vis-à-vis des humains, pour les chiens de race pure. C'est en substance le résultat obtenu par une équipe cas-témoin finlandaise, qui a travaillé à partir des réponses de plus de 13 000 maîtres à un questionnaire en ligne.

Sur-risque quintuplé pour le trio de tête

Ces résultats ne sont pas une surprise : ils confirment ceux obtenus dans d'autres études, qui indiquent que l'une des voies vers la réduction de l'agressivité canine est l'éducation des maîtres (avec une sélection génétique adaptée). Les races trouvées à risque sont loin de celles négativement médiatisées : les trois races présentant la probabilité la plus élevée d'agressivité sont le colley, le caniche nain et le schnauzer nain (voir l'illustration principale). Dans leur analyse statistique, les auteurs observent de la même façon que les écarts les plus importants entre races comparées 2 à 2 sont :

  • Le colley à poil court par rapport au Labrador retriever (le premier présentant un sur-risque d'être agressif envers l'humain x 5,44 - p=0,001) ;
  • Le caniche nain par rapport au Labrador retriever (x 5,13 - p=0,001) ;
  • Le Schnauzer miniature par rapport au Labrador retriever (x 5,08 - p=0,001) ;
  • Il y avait en tout 70 associations significatives lors des comparaisons 2 à 2, dont la liste détaillée est en libre accès.

13 000+ réponses

L'équipe de généticiens, biologistes et vétérinaires finlandais qui ont conduit cette étude ont retenu comme définition d'un comportement agressif vis-à-vis des humains « grognements fréquents, claquement des mâchoires ou morsure ou tentative de pincement ou morsure ». Leur questionnaire comprenait toutefois, plus largement, « sept comportements indésirables », de l'agression à la peur, la sensibilité aux bruits, l'anxiété de séparation, etc. Sur l'agressivité, les tentatives de pincements/morsures pouvaient être évaluées en jamais (note 1) à presque toujours (noté 5). De nombreux autres aspects étaient explorés, y compris l'activité physique, la taille de la famille, ou la présence d'au moins un autre chien au domicile. L'originalité de leur approche est de l'avoir laissé ouvert aux réponses sur trois ans (2015-2018), non sans en avoir fait l'annonce auprès des clubs de races et sur les réseaux sociaux. Ce qui leur a permis de collecter les réponses de 13 715 propriétaires de chiens.

Facteurs démographiques…

De cette base de données, ils ont extrait les données relatives à 1 791 chiens caractérisés comme à agressivité élevée par leur maître, et les ont comparés aux 7 479 chiens dénués d'agressivité selon leur maître. Ils précisent que des travaux antérieurs ont validé la qualité des résultats obtenus par ce type d'enquête. Un modèle de régression logistique à partir de variables explicatives fournit des associations significatives entre certains paramètres et le fait d'avoir une agressivité fréquente envers les humains.

  • La probabilité d'avoir un comportement agressif augmente de manière linéaire avec l'âge, de 0,1 avant 2 ans à 0,35 à 18 ans. Le lien avec la douleur est l'une des explications proposées par les auteurs (avec la baisse de vue). Pour les auteurs, l'agressivité du chien âgé devrait être un signe d'appel de consultation vétérinaire, et une motivation à une consultation annuelle ;
  • le fait d'être un mâle (sur-risque x 1,72 par rapport aux femelles, p<0,0001), bien que d'autres études ayant fourni des résultats différents, les auteurs recommandent de travailler sur cet aspect. Dans le cas présent, le sexe était pris en compte indépendamment du statut de stérilisation ;
  • le fait d'être un chien de petite race (x 1,49 par rapport aux grandes races et x 1,38 par rapport aux races moyennes, p<0,0001 et p=0,001, respectivement), alors qu'il n'y avait pas de sur-risque significatif entre races moyennes et grandes (selon le standard des races). Les auteurs soulignent qu'il est possible que les maîtres de chiens de petite race pourraient moins les éduquer, du fait du poids affectif différent, que ceux de plus grande race. Ils estiment aussi que « le colley à poil court, qui présente fréquemment d'autres anomalies comportementales, pourrait être éligible à un programme de sélection prenant plus en compte le comportement ».

… et environnementaux

Parmi les facteurs non-démographiques associés à un sur-risque d'agressivité envers les humains, figurent :

  • le fait d'être le seul chien au domicile (x 1,23, p=0,001), et ce après avoir tenu compte du format de la race. Pour les auteurs, cela pourrait correspondre à l'expression d'une communication intraspécifique dans les foyers à plusieurs chiens, le jeu limitant la frustration. Mais « il est aussi possible qu'un maître ayant un chien agressif ne souhaite pas en avoir un deuxième » en même temps…
  • le fait d'être le seul chien du/des maître(s) (x 1,21, p=0,0042), en lien possible avec « le fait que des maîtres plus expérimentés sont probablement plus au fait des aspects de socialisation de leur animal » ou « que cela les aide à identifier plus précocement un trouble du comportement et à consulter pour ce motif ». Voire que, « ayant eu des problèmes de comportement avec un premier chien, ils soient plus vigilants pour le choix d'un autre ».
  • le fait d'être craintif, modérément (x 1,93 et p=0,001) ou fortement (x 5,18, p<0,0001), avec cette fois une différence significative entre fortement et modérément craintifs (x 2,68 et p=0,001).

Bien que compris dans les données renseignées, l'âge au sevrage comme la durée quotidienne passée seul ne sont pas trouvés associés au sur-risque d'agressivité. L'association la plus forte, en lien avec le caractère craintif, ce qui n'est pas une découverte, mais renforce la gradation du phénomène.