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16 avril 2019

Le tramadol n'a pas d'effet analgésique chez le chinchilla

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Dans cette étude, l'injection de tramadol est associée à une réduction significative de l'appétit et de l'émission de fèces, sans effet antinociceptif significatif (cliché Pixabay).
Dans cette étude, l'injection de tramadol est associée à une réduction significative de l'appétit et de l'émission de fèces, sans effet antinociceptif significatif (cliché Pixabay).
 

Quel que soit le dosage testé, le tramadol par voie sous-cutanée chez le chinchilla n'a pas présenté d'effet analgésique significatif. A partir de 20 mg/kg (et au-dessus), une réduction de la prise alimentaire et de l'émission de fèces a été observée, dose-dépendante et transitoire.

L'étude qui présente ces résultats est publiée (en libre accès) dans le Journal of Exotic Pet Medicine, par des vétérinaires universitaires américains (Université du Wisconsin à Madison).

Mesure du temps de réaction à un stimulus douloureux

Ses auteurs constatent en effet que le tramadol est souvent utilisé comme analgésique chez les petits mammifères, mais que des études sur son efficacité et sa sécurité d'emploi n'ont été menées que chez le rat, la souris et le lapin (sans effet probant chez ce dernier). Il est habituellement recommandé à la dose de 5 à 40 mg/kg, par voie orale ou parentérale.

Cette étude expérimentale avait donc pour objectif d'évaluer l'effet antinociceptif et la tolérance du tramadol chez le chinchilla, en soumettant l'animal à un stimulus douloureux (test plantaire : plaque chaude appliquée sur une patte arrière). La molécule était administrée par voie sous-cutanée à différents dosages. Et l'expérimentateur mesurait le temps que mettait le sujet à retirer sa patte de la source de chaleur, à 0, 2, 4 et 8 heures après traitement.

17 chinchillas adultes (âgés de 1 à 2 ans) ont été inclus. Ils étaient en bon état de santé et ont bénéficié d'une période d'acclimatation d'au moins 15 jours à leur nouvel environnement (bonnes conditions de vie, en cages individuelles) avant de débuter l'étude.

Les écarts n'atteignent pas le seuil de significativité

L'efficacité du tramadol (préparé en solution injectable dosée à 50 mg/ml) a été testée à des doses de 10, 20 et 40 mg/kg. Une étude pilote préalable a effectivement montré l'apparition de troubles neurologiques (tremblements, fasciculations musculaires) à partir de 60 mg/kg (signes débutant 5 minutes après l'administration et régressant spontanément en 30 à 45 minutes).

Les chinchillas du groupe contrôle recevaient 0,4 ml/kg de solution saline, par injection sous-cutanée également. Et pendant 2 semaines avant le début de l'expérimentation, des tests plantaires avaient été réalisés afin de déterminer le temps de retrait de référence (sans traitement).

Les résultats sont donc assez décevants : « le tramadol n'entraîne pas d'effet significatif sur le délai avant le retrait de la patte, à aucune des doses testées, par comparaison au groupe contrôle et aux valeurs de références ».  Une augmentation presque significative est seulement observée avec le dosage le plus élevé (40 mg/kg), 1 et 2 heures après administration (voir figure ci-dessous).

Délai moyen de réaction à un stimulus nociceptif thermique (retrait de la patte) chez 17 chinchillas traités par le tramadol par voie sous-cutanée à la dose de 10, 20 ou 40 mg/kg (TRM 10, TRM 20, TRM 40) ou recevant une solution saline (groupe contrôle).

En ordonnée : variation du délai (en seconde) par comparaison au temps de référence. En abscisse : temps après administration (en heures). Source : Evenson and Mans. Journal of Exotic Pet Medicine, 2019.

 

Les auteurs de l'étude concluent ainsi sur l'absence d'effet antinociceptif du tramadol dans leur modèle. Il reste toutefois possible, selon eux, que celui-ci surestime la dose nécessaire pour procurer une analgésie contre d'autres douleurs (chirurgicales notamment).

Des effets digestifs dès 20 mg/kg

En termes d'innocuité, le risque d'effets indésirables pour une espèce de rongeurs comme le chinchilla est surtout digestif : diminution de la motilité du tractus gastro-intestinal et stase digestive. Dans d'autres espèces, l'administration de tramadol a également été parfois associée à une agitation, des tremblements, une mydriase.

Cette nouvelle étude montre comme attendu que le tramadol est associé à des effets digestifs. Le poids, la prise alimentaire et l'émission de fèces étaient enregistrés le jour précédant le traitement, puis suivis pendant 6 jours. Quelques différences significatives ont alors été notés, à savoir une diminution de l'appétit et du transit intestinal, pour les dosages à 20 et 40 mg/kg, relativement modérés et passagers (pendant 24 à 48h). Aucun autre effet secondaire, nerveux notamment, n'est survenu.

Ces effets digestifs – observés chez des sujets en bon état de santé –, associés à l'absence d'effet analgésique de la molécule dans le modèle utilisé, « ne font pas du tramadol un candidat prometteur pour de nouvelles études chez le chinchilla », expliquent les auteurs. D'autant plus que d'autres morphiniques ont présenté une efficacité dans cette espèce (suivant le même modèle d'expérimentation).