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12 novembre 2018
Outre-Manche, 250 000+ lapins élevés par an pour la vente en ligne, dans des conditions de bien-être douteuses
D'où viennent nos lapins de compagnie, s'est interrogée une équipe de sociologues de l'université de Winchester et de vétérinaires de l'université de Nottingham (Royaume-Uni). Pas sûr que la réponse, détaillée dans un article scientifique de 20 pages publié début novembre, plaise aux jeunes maîtres de ces adorables boules de poils, dont la population est estimée à 1,5 million dans les foyers britanniques (3e animal de compagnie le plus populaire). Les chercheurs ont analysé 3 446 annonces de vente en ligne pour un lapin de compagnie dans le pays, et se sont enquis auprès d'éleveurs, mais aussi des administrations en charge de leur homologation, de l'état des lieux. Au bilan, « dans la filière de reproduction à destination du marché d'animaux de compagnie », que les auteurs qualifient « d'opaque », les lapins « sont exposés au risque de compromission du bien-être ».
Premier élément : l'ampleur de cette filière « très peu connue » est impressionnante car les auteurs estiment que pour la seule vente en ligne, « 254 804 lapins sont élevés chaque années » au Royaume-Uni. Ils ont réalisé cette estimation à partir des annonces publiées sur un mois (juillet 2018) sur le principal site d'annonces de vente en ligne d'animaux de compagnie (pas d'interrogation des réseaux sociaux), et des données issues de la surveillance par un autre auteur des annonces de 6 plateformes de 2014 à 2016. Ce qui, pour une valeur a minima de 40 livres sterling le lapin représente un volume de 465,2 millions d'euros pour la seule activité d'élevage… Et la part des particuliers (44 % des annonces) n'est pas incluse dans l'estimation.
Deuxième élément : c'est une filière de production « élusive ». Car seulement 1 % des « éleveurs autoproclamés » étaient officiellement enregistrés. Normalement, l'enregistrement (licence) est obligatoire si l'éleveur vend au public. Il implique un inspection préalable et un renouvellement annuel. Un autre volet de l'enquête, réalisé deux années de suite auprès des mêmes collectivités territoriales britanniques (40 sur les 407 du pays), montre aussi qu'aucune de ces collectivités n'avait reçu de demande de renouvellement en 2016, une seule en 2017, et qu'une inspection sur deux a donné lieu à un refus de licence. Au total, 7 éleveurs de lapins étaient déclarés sur ces 40 collectivités. Or le mois d'observation de la plateforme d'annonces en ligne a fourni « 646 éleveurs autoproclamés », dont il s'avère que 173 résidaient dans des collectivités territoriales incluses dans l'enquête concernées par les enquêtes… 94,5 % de ces 646 “éleveurs” étaient localisés en Angleterre, alors que l'enquête porte bien sur la totalité du Royaume-Uni.
Troisième élément : les auteurs ont réalisé une autre enquête en ligne (ils avaient ouvert une page facebook dédiée) pour soumettre aux éleveurs un formulaire anonyme. Seuls 33 ont répondu. Ils avaient en moyenne de 6 à 10 lapines (et jusque 4 mâles) et dans plus de la moitié des cas, les normes minimales de bien-être des lapins n'étaient pas respectées pour les reproducteurs (en particulier sur le logement). Les auteurs précisent toutefois qu'il n'y a pas de recommandations claires sur le bien-être des reproducteurs de lapins de compagnie. Il y a bien un guide des bonnes pratiques publié par le British Rabbit Council, mais il concerne les animaux de compagnie au foyer de leur maître, pas les élevages pour la production. Pour la surface optimale par reproducteur, ils se fondent donc sur les recommandations bien-être de la cuniculture. Ils précisent toutefois que les recommandations sur l'enrichissement des cages et l'alimentation semblent bien respectées. Ces éleveurs répondants vendent majoritairement au public (75,8 %), devant les petshops (18 %) et d'autres éleveurs (15 %). Seuls trois d'entre eux (9 %) signalent faire de la vente en ligne… Et une autre référence citée par les auteurs estime que la vente en ligne représente 6 % des lapins achetés annuellement outre-Manche. Ils estiment donc que leurs chiffrent « sont probablement des sous-estimations ».
Quatrième élément : la majorité des ventes concerne des lapins à museau aplati – équivalent « dans une plus ou moins grande mesure » aux races brachycépales de chiens et chats. Nain bélier (mini-lops en anglais), lapin nain de couleur (Netherlands dwarf en anglais) et les tête de lion– représentaient à eux seuls 62,8 % des annonces analysées sur juillet 2018 (voir le graphique ci-dessous).
Les auteurs soulignent « les sévères problèmes de bien-être associés à cet [hypertype] chez les lapins, associés à des pathologies dentaires », dominées par la malocclusion des incisives. Ils signalent aussi « les infections de l'oreille moyenne chez les lapins à oreilles tombantes », plusieurs de ces races étant apparentées aux béliers. Autre faille potentielle du bien-être : près des trois quarts (74 %) des annonces concernaient des lapereaux, de 16 semaines au plus. Le site fixait cependant un âge minimal à la vente de 8 semaines, mais à peine 6,6 % des lapins vendus étaient pucés, et à peine 16,7 % vaccinés, « malgré la recommandation vétérinaire de les faire vacciner à partir de 5 semaines d'âge ».
Une nouvelle réglementation sur la vente d'animaux de compagnie à partir d'élevages est entrée en vigueur outre-Manche le 1er octobre dernier (voir LeFil du 9 février 2018), qui impose en particulier l'enregistrement des éleveurs, y compris pour les ventes en ligne. En revanche, « elle ne fournit pas de recommandations minimales pour le bien-être des reproducteurs de lapins de compagnie ». Pour ces auteurs, leur étude « met en évidence des problèmes pertinents pour tout pays où les lapins sont des animaux de compagnie ».
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