titre_lefil
logo_elanco

29 août 2018

Vers un transplant sous-cutané de cellules pancréatiques, pour une rémission temporaire du diabète de type 1 chez le chien ?

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Morphologie des cellules d'îlot pancréatique dans une matrice à base d'oligomères de collagène de type I après 2 semaines de culture, en microscopie optique avec immunomarquage de l'insuline (vert), du glucagon (rose) et des noyaux (bleus). Cliché : université de Purdue, USA, 2018.
Morphologie des cellules d'îlot pancréatique dans une matrice à base d'oligomères de collagène de type I après 2 semaines de culture, en microscopie optique avec immunomarquage de l'insuline (vert), du glucagon (rose) et des noyaux (bleus). Cliché : université de Purdue, USA, 2018.
 

Une injection tous les (quelques) mois pour traiter le diabète de type 1, à la place des injections quotidiennes d'insuline… C'est la perspective que dessine le service de communication de l'université de Purdue (USA), à partir de résultats publiés cet été sur… souris. Le chien est annoncé comme le prochain modèle, dans un communiqué de presse un peu vendeur. Pour autant, l'approche, par son originalité et la qualité des résultats obtenus, pourrait se révéler payante… Au moins chez le chien, même si l'objectif des chercheurs est évidemment la prise en charge du diabète de type I chez l'Homme.

Collagène de type I

Le dispositif n'est pas nouveau dans son principe : (micro)-encapsuler des îlots de cellules ß du pancréas dans un biomatériau qui les protège du système immunitaire de l'hôte, tout en permettant la vascularisation du greffon. La nature du biomatériau utilisé par les chercheurs de l'université de Purdue est originale car il s'agit d'un des composants de la matrice extracellulaire dans laquelle sont naturellement enchâssés les îlots ß du pancréas : le collagène fibrillaire (de type I). Les travaux de développement in vitro de ces tissus avaient déjà montré que les motifs portés par les fibres de collagène de type I « favorisent la survie des cellules des îlots, leur différentiation et leur fonction » de sécrétion. Et le fait d'être encapsulé dans une matrice tridimensionnelle (par opposition aux deux dimensions de la culture de tissus) « maintient la polarité et l'organisation des cellules, prolongeant leur fonctionnement ».

Micro-encapsulées

Là où d'autres équipes ont tenté de mettre au point des matrices à base de monomères de collagène, celle de Purdue s'est orientée vers des assemblages (oligomères), « qui conservent des liens intermoléculaires, permettant aux fibrilles de se réassembler rapidement en cas de désagrégation [par exemple sous l'action de protéases des cellules] et fournissant un échafaudage fibrillaire » dans lequel les cellules peuvent s'insérer. Ces matrices ont aussi une meilleure résistance mécanique. Après avoir construit des matrices de différentes densités en oligomères, les auteurs ont « micro-encapsulé » dans celles présentant une densité optimale des cellules d'îlots ß du pancréas prélevées sur des souris de laboratoire. Un premier volet a permis aux auteurs de déterminer qu'il faut 3 g de cellules d'îlots ß du pancréas par microcapsule pour fournir une densité cellulaire équivalente à celle d'îlots fonctionnels, au terme de 2 semaines de culture dans cette matrice (voir l'image principale).

Diabète disparu après 24h

Ensuite, la préparation a été transplantée sous la peau de souris dont le diabète avait été induit chimiquement. En bref, le collagène se solidifie une fois dans le compartiment sous-cutané, et le transplant sécrète l'insuline dès le lendemain de l'injection. Une néovascularisation locale s'établit, qui permet aux cellules transplantées de faire leur travail sans avoir à rejoindre le foie ni le pancréas. Le principe est donc « minimalement invasif », et le diabète est endigué. La publication détaille les résultats des essais en modèle souris. Ils observent une activité physiologique du transplant pendant :

  • deux semaines (durée de l'étude) lorsque les souris receveuses étaient immunodéprimées, sans signe de rejet de greffe ;
  • deux semaines (durée de l'étude) lorsque les souris receveuses (diabète induit) étaient d'une même lignée que les donneuses. Pendant cette durée, toutes les souris ont eu des courbes de glycémie normales et la formation de tissu conjonctif autour du transplant ;
  • 90 jours (durée de l'étude) lorsque les receveuses (diabétiques) étaient de même lignée (syngénique). Pendant cette durée, toutes les souris ont eu des courbes de glycémie normales et « intégration [du transplant] dans le tissu conjonctif environnant, sans inflammation chronique ni de réponse type corps étranger » ;
  • 40 jours (sur les 60 jours de l'étude) lorsque les souris receveuses (diabétiques) étaient d'une lignée génétique différente (allogénique) et la matrice avait une concentration plus élevée en collagène ; là encore sans signe de rejet (voir le cliché ci-dessous).

Histologie (hémalun-éosine) des îlots encapsulés dans l'espace sous-cutané sous le muscle (panniculus carnosus). Cliché : université de Purdue, USA, 2018.

 

Vers le chien ?

Dans tous ces cas, la courbe de glycémie était revenue à la normale chez tous les animaux 24 h après la transplantation. Jusqu'à présent, les transplantations de cellules de l'îlot ß du pancréas sont réalisées chez l'Homme à titre exceptionnel par injection dans la veine porte hépatique, technique trop invasive pour un traitement ambulatoire, et qui expose les cellules transplantées aux macrophages résidents, imposant de disposer de multiples donneurs et d'immunodéprimer le receveur. Dans la stratégie développée par cette équipe, la localisation sous-cutanée permet également d'intervenir pour retirer le transplant en cas de rejet. Le communiqué de l'université de Purdue précise que cette « nouvelle thérapeutique est en essai clinique chez le chien », ce qui est un peu précipité. Les chercheurs confirment qu'un tel essai est à l'étude, avec des îlot ß du pancréas d'origine porcine, mais que l'essai « reste encore à lancer ».