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25 février 2015

De la fin des quotas à 2020 : esquisse de l’évolution de la production de viande bovine

par Vincent Dedet

Evolution du cheptel de vaches allaitantes en France métropolitaine, estimée de 2014 à 2020. Source : GEB-Idèle, d’après SSP

Le groupe d’étude gros bovins de l’institut de l’élevage a produit plusieurs documents de prospective sur la production de viande en France après la fin des quotas laitiers. Il se projette même en 2020. Vitellerie et cheptel allaitant sont malmenés.

 
Evolution du cheptel de vaches allaitantes en France métropolitaine, estimée de 2014 à 2020. Source : GEB-Idèle, d’après SSP
 

La fin des quotas laitiers est pour demain — ou presque : ils disparaitront au 31 mars prochain, en France comme dans toute l’Union Européenne. Beaucoup a été écrit sur les conséquences de ce retour à une production laitière non encadrée. Les analyses portant sur l’impact de cette mesure sur la production de viande bovine sont plus frustes. FranceAgriMer vient de publier, le 20 février, un document synthétisant plusieurs études, pour l’essentiel conduites par l’institut de l’élevage (Idèle), sur ces perspectives.

Plus d'un bovin adulte sur deux abattus est laitier

Les exploitations laitières contiennent aussi 15 % du troupeau allaitant national. Autant dire que le futur de la production de viande ne peut s’aborder sans examiner les dynamiques à l’œuvre dans le cheptel laitier. Les experts de l’Idèle notent que, depuis ces deux dernières années, l’effectif des vaches laitières a augmenté, alors qu’il était en réduction continue depuis 2008. Il a gagné +2,5 % en 2013 et autant 2014. C’est toutefois nettement plus faible que la « recapitalisation » observée en Europe du Nord. En France, en 2013, l’étude souligne que les races laitières contribuaient pour un tiers (34 %) du volume de viande de gros bovins produite en France. Toutefois, du fait des exploitations mixtes (40 % des exploitations laitières ont au moins un atelier allaitant) et de la différence de gabarit des animaux laitiers et allaitants, plus de la moitié (53 %) des gros bovins abattus en France étaient issus d’élevages laitiers.

Indéniable potentiel laitier

Après 2015, l’évolution sera différente selon les régions, du fait des options disponibles pour les exploitants : l’Est sera propice au développement de la production de viande, et le Massif Central au maintien des structures mixtes. Le Grand Ouest, du haut de son « indéniable potentiel laitier », a un futur moins lisible, les experts balançant entre « une probable re-spécialisation » des ateliers et « des facteurs propices à la mixité lait viande ». Lorsqu’ils passent aux jeunes bovins (JB), les économistes sont plus tranchés : « les jeunes bovins sont en première ligne face aux vaches laitières », pour les mêmes raisons que précédemment : un JB sur deux est engraissé dans le Grand Ouest. Les « petits ateliers (< 20 JB/an) sont menacés dans les exploitations laitières en croissance rapide ». Les ateliers « plus grands (20 à 50 JB/an) dans des exploitations sociétaires peuvent se maintenir ». Il y a en outre une « opportunité de développement voire de création d’ateliers par des éleveurs laitiers en croisière ou fin de carrière ».

Disparition programmée

Pour les bœufs et les vaches allaitantes présents dans les élevages laitiers, la clé est liée à la contrainte herbagère. En Basse-Normandie et en Lorraine, où la surface toujours en herbe est importante au regard de la SAU, ces effectifs sont prévus en croissance. En revanche, dans le Massif Central, il sera en recul « sous l’effet des cessations d’activité et de la spécialisation vers des systèmes naisseurs ». Ces effectifs devraient se maintenir en Pays-de-la-Loire, mais être « en fort recul en Bretagne ». Dans ce dernier cas, c’est surtout par la disparition quasi-programmée des petits troupeaux de moins de 20 vaches allaitantes parce que l’atelier laitier va s’intensifier. Deux perspectives de développement dans l’Ouest : les troupeaux déjà grands (plus de 50 vaches allaitantes) sont peu nombreux mais solides et vont croître, et la possible cessation de l’activité laitière par « des éleveurs laitiers âgés et sans successeur ».

Sursaut en 2015

À court terme, et sur 2015, l’Idèle prévoit un sursaut de la production de viande (+4 %), essentiellement lié à une augmentation des réformes : pour les vaches laitières « au moins jusqu’au 31 mars, et au-delà si la conjoncture laitière se dégrade plus fortement » ; pour les allaitantes parce que la prime couplée à la vache allaitante (PMTVA) a tardé en 2014 et que « les réserves fourragères étant bonnes, les éleveurs ont conservé un maximum de femelles dans leurs troupeaux ». Ses économistes prévoient aussi que « les exportations de broutards devraient continuer à s’effriter en 2015 (-1 %) ». L’une des raisons avancées est que « la crise du secteur de l’engraissement en Italie n’est pas résolue. En outre, la distribution italienne est à la recherche de viande issue d’animaux nés dans le pays, ce qui pousse les engraisseurs à mettre en place des veaux croisés ou des broutards sardes et siciliens, moins performants, mais mieux valorisés au kg de viande finie ».

Deux perdants

A plus long terme, l’Idèle se projette en 2020, et estime qu’il y aura alors deux grands perdants : la production de veau de boucherie, et le cheptel allaitant… Le gagnant est le cheptel laitier : non seulement il devrait augmenter de 3 % entre 2013 et 2020 à 3,82 millions de vaches, mais il devrait aussi gagner en moyenne 800 kg de productivité (+12 % par rapport à 2013) avec une moyenne annuelle par vache de 7 435 kg. Ce qui correspond à une augmentation de 16 % de la production entre 2013 et 2020 – dont 6 % ont déjà été effectués en 2014. 

 

Evolution du cheptel de vaches laitières en France métropolitaine, estimée de 2014 à 2020 (source : GEB-Idèle, d’après SSP).

 

L’essor attendu du sexage va avoir pour effet de modifier le sexe ratio des veaux : en 2020, il ne devrait plus y avoir que 44 veaux mâles pour 100 naissances. Ce qui, conjugué à la hausse probable des coûts de production, au vieillissement des éleveurs et à l’érosion lente de la consommation intérieure de viande de veau, devrait faire reculer la production de veaux de boucherie de 12 % entre 2013 et 2020. Quant aux exploitations allaitantes, leur agrandissement attendu ne devrait pas suffire à compenser les arrêts – en exploitation mixte ou pas. L’Idèle attend un recul de l’effectif de vaches allaitantes de 150 000 têtes en 2020 par rapport à 2013 (-3 %), soit un effectif de 3,9 millions de têtes. Enfin, les exportations de broutard perdraient 900 000 têtes, du fait du recul du marché italien, non compensé par les progressions sur l’Espagne et les autres destinations (pourtour méditerranéen…).