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17 mai 2016

Médicaments falsifiés. Au secours Internet !

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Les cyberpharmacies autorisées en Europe
Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas permettent la vente en ligne de médicaments (humains) sur ordonnance par des plateformes non adossées à une officine physique. Source Iracm.

Les ventes de faux médicaments (humains) explosent sur Internet avec dix fois plus de saisies en 2015 qu’en 2011. Pour lutter contre ces trafics, Bruxelles obligera à une traçabilité individuelle de chaque boîte vendue par les pharmacies physiques ou virtuelles. Pourtant, aucun médicament contrefait n’a été détecté dans les officines françaises.

 
Les cyberpharmacies autorisées en Europe
Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas permettent la vente en ligne de médicaments (humains) sur ordonnance par des plateformes non adossées à une officine physique. Source Iracm.
 

Le Web permettra-t-il de combattre les ventes en ligne de faux médicaments ? C’est le pari de Bruxelles. Un nouveau règlement européen obligera à la traçabilité individuelle des boîtes vendues au détail des médicaments (humains).

Au moment de la vente au détail d’une boîte, le pharmacien procédera à une vérification électronique de son numéro unique sur une base de données centralisée, grâce à un code-barres Datamatrix unique pour chaque boîte, et non plus pour chaque lot. Une autre boîte avec le même numéro — le même code-barres — ne pourra plus être vendue, ni une boîte dont le numéro n’a pas été enregistré dans ce répertoire européen par le fabricant. Cette usine à gaz est programmée pour entrer en service dans toute l’Europe le même jour : le 9 février… 2019.

Un code-barres aléatoire pour chaque boîte

Le numéro unique (jusqu’à 20 chiffres en sus du numéro de lot) est attribué à chaque boîte par le fabricant par un algorithme de randomisation, de manière à ce qu’il soit imprévisible. Les numéros uniques sont donc enregistrés et « activés » dans un « répertoire » centralisé au niveau européen. Les grossistes pourront vérifier ces numéros uniques si nécessaire, ou lorsqu’ils ont un doute sur la provenance de ces stocks, le retour d’un client ou lors d’importations parallèles par exemple.

Lors de la délivrance, ce numéro, qui figure dans un code-barres (type Datamatrix), est ainsi désactivé du répertoire centralisé.

Ce dispositif de traçabilité individuelle à la boîte devrait s’appliquer à la quasi-totalité des médicaments (humains) sur prescription, mais pas à ceux sans prescription. Les médicaments homéopathiques sont exclus du dispositif. Un délai de trois ans est heureusement prévu pour mettre en place tous les outils de cette traçabilité obligatoire.

« Aucun cas de contrefaçon dans les officines »

Un million de comprimés falsifiés et plus d’une tonne de faux médicaments ont été saisis en France en 2015. C’est près de deux fois plus que l’année précédente (593 900 médicaments saisis) et dix fois plus que quatre ans auparavant (109 700). Mais « aucun cas de contrefaçon n’a été constaté dans le circuit légal du médicament en France, contrairement à d’autres pays européens voisins » se réjouit, Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre des pharmaciens.

Saisies à Roissy

Il est vrai que la plupart des médicaments saisis en France l’ont été sur l’aéroport de Roissy (88 %). Ils proviennent surtout d’Asie (77 %). Et, dans 67 % des cas, il ne s’agit pas des contrefaçons des médicaments autorisés vendus en pharmacie, mais de médicaments illégaux car « sans AMM ». Néanmoins, un quart des comprimés saisis sont des contrefaçons qui imitent les vrais médicaments.

L’année précédente avait été marquée par la saisie de 9 tonnes de plantes médicinales interdites, 700 000 gélules de plantes et 900 litres d’huiles essentielles.

Poursuites engagées contre les sites illégaux

Les faux médicaments ne sont évidemment pas vendus en officines, car ils ne rentrent pas dans le circuit légal de l’approvisionnement des grossistes. La grande majorité des faux médicaments sont présentés sur des sites illégaux de ventes en ligne. Les douanes ont identifié 81 sites illégaux en 2015, auxquels il convient d’y ajouter 92 sites repérés la même année par d’autres services chargés de la cybercriminalité comme l’Office central de lutte contre les atteintes à la santé publique (Oclaesp).

Chaque année depuis 2008, entre 100 et 200 sites illégaux de vente en ligne de faux médicaments sont ainsi repérés. Des poursuites sont toujours engagées pour aboutir à leur fermeture, y compris contre les sites hébergés à l’étranger. Il est plus facile d’arriver à fermer les 49 sites en « .fr » repérés en 2015 et à faire annuler leurs noms de domaine, tout comme ceux en « .eu » en collaborant avec les autorités européennes. Mais cela est beaucoup moins évident et rapide pour les sites en « .com » qui sont hébergés à l’étranger.

Exercice illégal de la pharmacie

Quand ils opèrent sur le sol national, les responsables de ces trafics sont interpellés et poursuivis pour « exercice illégal de la pharmacie via internet » et, parfois, « fabrication, vente et détention de médicaments falsifiés ». En 2015, seulement six individus ont fait l’objet de poursuites…

Interpol contre la cybercriminalité pharmaceutique

Ces actions nationales s’inscrivent dans le cadre d’une opération internationale d’Interpol, baptisée Pangea. Chaque année, pendant une semaine, les autorités de 115 pays coordonnent leurs actions pour lutter de manière simultanée contre les médicaments falsifiés et la cybercriminalité pharmaceutique.

À en croire les statistiques, cette opération a de plus en plus de succès (voir le tableau ci-dessous), mais ne réussit pas vraiment à empêcher l’explosion des trafics sur les sites de ventes en ligne. L’an dernier, 20 millions de faux médicaments ont été saisis, dix fois plus qu’il y a cinq ans. Depuis 2011, Entre 10 000 et 20 000 sites Web sont fermés chaque année à la suite de cette opération. Et une centaine d’individus sont arrêtés tous les ans. En France, l’agence du médicament humain (ANSM) participe à cette opération d’Interpol avec les douanes et l’Office central de lutte contre les atteintes à la santé publique (Oclaesp). Pour 2016, la neuvième opération depuis 2008, Pangea IX, devrait se dérouler d’ici à la fin juin.

Le Royaume-Uni, au premier rang de la fraude

En Europe, c’est sans doute depuis le Royaume-Uni que les ventes en ligne de médicaments sont les plus développées. Avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni est le seul en Europe à permettre des ventes en ligne de tous les médicaments sans être adossés à une officine physique. Mais au Royaume-Uni, les faux médicaments explosent beaucoup plus qu’ailleurs en Europe. 6,2 millions de médicaments ont été saisis en 2015 pour un montant de 20 millions d’euros. L’opération a permis de fermer 1380 sites illégaux dont 339 opéraient depuis le territoire britannique. Un record en Europe.

Résultats des opérations Pangea d’Interpol contre les faux médicaments

Source Ircam.