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Elanco & Proplan

11 mars 2016

Les eurodéputés restreignent au pas de charge les antibiotiques et la vente en ligne

par Eric Vandaële

Temps de lecture  5 min

Le futur règlement européen ouvre le chantier des « ordonnances numériques » stockées dans une base de données nationale accessible à toutes les pharmacies (et cyberpharmacies), aux vétérinaires et aux autorités compétentes.

Les 9 et 10 mars, les eurodéputés ont amendé, sans vraiment le discuter, le projet de règlement européen sur le médicament vétérinaire. S’il est publié en 2016, ce règlement sera applicable en France, sans transposition, deux ans plus tard en 2018.

 
Le futur règlement européen ouvre le chantier des « ordonnances numériques » stockées dans une base de données nationale accessible à toutes les pharmacies (et cyberpharmacies), aux vétérinaires et aux autorités compétentes.
 

Les 9 et 10 mars derniers, les eurodéputés ont examiné en séance plénière et au pas de charge le projet de refonte totale de la législation européenne sur le médicament vétérinaire.

Le 9 mars, deux petites heures, entre 19 et 21 heures — heure de Strasbourg —, ont été consacrés au débat sur la pharmacie vétérinaire en séance plénière. Car le temps des eurodéputés est compté. Les temps de parole sont limités à une ou deux minutes par orateur sur l’ensemble de ce projet de règlement. Les députés des groupes minoritaires sont même restreints à 30 secondes de parole sur l’ensemble du projet de règlement.

Autant vous dire qu’aucune disposition du projet n’a été discutée par aucun des eurodéputés, même pas par le rapporteur du texte, la française Françoise Grossetête. Pourtant, ce projet de règlement de 101 pages comporte tout de même 150 articles. Et 323 amendements ont été déposés en vue d’être adoptés, si ce n’est discutés, durant cette session.

Plus vite… « les eurodéputés prennent le train ou l’avion »

Le lendemain à midi, c’est l’heure du vote sur ce projet de règlement européen avec une dizaine d’autres textes. Contrairement au parlement français, les votes des eurodéputés ne sont en effet pas associés au débat.

Le président de séance accélère la cadence des votes. Pas plus de 2 à 3 secondes par amendement. Car les eurodéputés quittent Strasbourg à 16 heures et l’ordre de jour appelle un débat sur la crise porcine en début d’après-midi. « Des députés ont réservé leur train ou leur avion » répond-il à ses collègues qui se plaignent de ce rythme infernal et se perdent entre les votes « pour » ou « contre » selon les numéros des amendements appelés. Les 323 amendements sont ainsi passés en revue en quelques minutes.

La surprise finale vient de la rapporteuse Françoise Grossetête. Elle demande un report du vote global sur le texte amendé qui semblait pourtant faire consensus. Car ce report permet de la mandater à négocier en « trilogue » avec le Conseil et la Commission européenne. Elle reviendra donc dans quelques mois devant ses collègues avec un texte final négocié avec les deux autres institutions. Il est alors probable que ce texte négocié en « trilogue » sera adopté en un seul vote, sans attendre une seconde lecture.

En trois mots… Antibiotiques, résistance et internet.

Quelles que soient la nationalité et l’appartenance politique des orateurs, trois mots reviennent le plus souvent dans leur bouche sur ce règlement : « antibiotique », « antibiorésistance » et « Internet ».

Analyse des ventes tous les 6 mois

Sur les antibiotiques, ce règlement donne une base juridique au suivi obligatoire des ventes et des usages. Les eurodéputés ont même précisé que ce suivi devrait être semestriel et réalisé par exploitation. Il inclut le coût des antibiotiques et est ventilé par espèce et par maladie [art 54]. Chaque semestre, l’éleveur devrait recevoir d’une autorité nationale, et non de son vétérinaire, le bilan de ses usages [art. 112]. Si ce bilan faire apparaître une consommation excessive d’antibiotiques par rapport à la moyenne des autres élevages du même type, l’éleveur devra consulter son vétérinaire pour en déterminer les causes et réduire ces usages.

Pas de promotion financière

Le règlement n’interdit pas strictement « les incitations économiques » auprès des prescripteurs. Mais il interdit aux laboratoires d’en faire la « promotion » pour des antibiotiques.

Le dossier d’AMM des antibiotiques devra aussi prend en compte le risque environnemental de la résistance, en plus de celui pour la santé humaine et animale [art. 7].

Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) précisera la catégorisation de l’antibiotique critique ou non [art. 30].

Pas d’antibiotique sans examen clinique

La Commission pourra interdire à l’usage vétérinaire certains antibiotiques ou restreindre leur usage « hors AMM » [art. 118]. Les eurodéputés encouragent les états membres à faire de même sans attendre les interdictions européennes. Là encore, ces restrictions concerneront surtout les antibiotiques critiques [art. 111 bis].

Les vétérinaires ne pourront délivrer les antibiotiques qu’après un examen clinique des animaux [art. 107]. En revanche, l’antibiogramme n’est pas obligatoire.

Restreindre la métaphylaxie

Tous les antibiotiques seront interdits en « prévention systématique » ou « pour compenser le non-respect des bonnes pratiques d’élevage ». L’antibioprophylaxie ne sera permise que pour un usage individuel et dans des indications qui seront listées par l’Agence européenne du médicament.

Les eurodéputés ont aussi souhaité réduire la métaphylaxie en obligeant les éleveurs qui y ont recours à mettre en place des mesures zootechniques sur la densité, l’hygiène, l’isolement des animaux malades… [art. 111].

Une vente en ligne « à la carte »

Les eurodéputés ont restreint les ambitions de la Commission qui souhaitait encourager et donc mieux encadrer les ventes en ligne et les cyberpharmacies sans les limiter aux médicaments non soumis à prescription [art. 108].

Avec les amendements adoptés, la vente en ligne des antibiotiques, des vaccins et des psychotropes sera interdite dans toute l’Europe. En outre, les États membres pourront restreindre, voire interdire, la vente en ligne d’autres médicaments vétérinaires, notamment de ceux soumis à prescription pour les productions animales. Ces États devront toutefois motiver leurs restrictions pour des raisons de santé publique ou animale ou par un risque environnemental. « Ces restrictions devraient alors être proportionnées au risque et ne pas restreindre abusivement le fonctionnement du marché intérieur. »

Une ordonnance numérique transfrontalière

Pour faciliter les ventes en ligne, la Commission européenne contribuera à élaborer un « système harmonisée d’ordonnance numérique » avec des mesures de contrôle transfrontalier. Les ordonnances électroniques pourraient être versées dans une base de données nationale qui serait accessible aux vétérinaires, aux pharmacies (et cyberpharmacies) ainsi qu’aux autorités compétentes.

Un délai de transition de deux ans

Le règlement s’appliquera sans transposition en droit national deux ans après sa  parution au Journal officiel, soit probablement courant 2018, s’il est publié en 2016.