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7 juin 2024

Tête penchée chez un lapin ? Penser otite et encéphalitozoonose, donc scanner et sérologie

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Des 73 cas de « tête penchée » chez un lapin, vus en consultation entre 2009 et 2020 dans l'établissement des auteurs, 36 ont été examinés rétrospectivement afin d'en caractériser l'étiologie (source : Liatis et al., VetRecord 2024).
Des 73 cas de « tête penchée » chez un lapin, vus en consultation entre 2009 et 2020 dans l'établissement des auteurs, 36 ont été examinés rétrospectivement afin d'en caractériser l'étiologie (source : Liatis et al., VetRecord 2024).
 

Un port de tête penché est un signe clinique évocateur d'un syndrome vestibulaire, et la principale manifestation des affections neurologiques chez le lapin. L'examen neurologique, utile pour différencier les atteintes centrales et périphériques, est toutefois moins facile à effectuer dans cette espèce que chez le chien, par exemple.

Les otites et les infections parasitaires à Encephalitozoon cuniculi (encéphalitozoonose) sont des causes fréquentes de syndrome vestibulaire. Mais l'étiologie comprend aussi les tumeurs oculaires, d'autres méningoencéphalites parasitaires (toxoplasmose par exemple), ou bactériennes (Pasteurella multocida, Staphylococcus), ou virales (rage…), des intoxications, un traumatisme, etc.

Des cliniciens de l'école vétérinaire d'Édimbourg (Écosse) ont donc réalisé une étude rétrospective sur les cas de « tête penchée » reçus en consultation dans leur centre hospitalier, afin d'en analyser les causes et rechercher les paramètres pronostiques.

36 cas bénéficiant d'un diagnostic de certitude

Leur étude, dont les résultats sont publiés en libre accès dans VetRecord, a porté sur les cas pris en charge de 2009 à 2020. Seuls ceux pour lesquels des examens complémentaires avaient été réalisés (scanner de la tête, sérologie pour E. cuniculi et/ou autopsie…), bénéficiant ainsi d'un diagnostic étiologique de certitude, ont été retenus. Des 73 cas initialement identifiés, 36 ont ainsi été conservés dans les analyses statistiques.

Deux affections principales

Et parmi ces causes établies, deux dominent :

  • L'encéphalitozoonose, confirmée dans 15 cas (soit 42 %) ;
  • Une otite moyenne/interne, confirmée dans 8 cas (soit 42 %) ;
  • Et les deux associées dans 13 cas (36 %).

Les auteurs précisent que parmi les cas exclus figurent 2 de traumatisme, 1 d'abcès parodontal s'étendant dans le cerveau et 1 d'encéphalopathie congénitale.

Une apparition subaiguë des signes neurologiques (en 1 à 2 semaines) ou chronique (2 semaines ou davantage) est significativement plus fréquente dans les cas d'otite que d'encéphalitozoonose (d'apparition aiguë voire suraiguë : moins de 24h).

Une otite externe est plus souvent mise en évidence dans les cas d'otites moyenne/interne. Ces otites sont également significativement associées à une précédente chirurgie de l'oreille, mais ce paramètre ne demeure pas un facteur de risque significatif dans l'analyse multivariée.

Aucun facteur de risque de l'encéphalitozoonose n'a été identifié (mais un historique de troubles rénaux est parfois rapporté).

Une stase digestive est globalement fréquente (un tiers des lapins ici), mais potentiellement due au stress et à l'anorexie.

Examens complémentaires à privilégier

Chez les 36 cas de l'étude, une sérologie positive pour E. cuniculi a été observée dans 25/34 cas (soit 74 %). Cet examen est ainsi à privilégier chez un lapin à tête penchée, idéalement répétée afin de comparer les titres sérologiques.

Le scanner est intéressant aussi. C'est le meilleur examen pour diagnostiquer une otite moyenne et il a identifié ici une otite externe dans 23/36 cas (soit 64 %) et une otite moyenne dans 22/36 (61 %). Un chlolestéatome a été suspecté dans 3 cas.

Parmi les autres examens complémentaires généralement pratiqués, les anomalies les plus spécifiques sont une augmentation de la créatine kinase, de la lactate déshydrogénase (LDH), et une hypophosphatémie au bilan sanguin.

Dans un cas, l'autopsie réalisée a permis d'identifier une otite associée à une infection par P. multocida.

Intérêt des AINS dans les cas infectieux

En termes de traitement, une chirurgie a été effectuée dans 12 cas : myringotomie (8 cas) ou ablation partielle du conduit auditif (PECALBO, 4 cas).

Un traitement médical a été systématiquement prescrit :

  • Fluidothérapie (28/36, 78 %),
  • Antibiothérapie (28/36, 78 %),
  • Fenbendazole (25/36, 69 %),
  • Antalgiques (22/36, 61 %), méloxicam le plus souvent (19/22),
  • Gastroprotecteurs (19/36, 53 %),
  • Antiémétiques (15/36, 42 %),
  • Prokinétiques (14/36, 39 %),
  • Corticothérapie (5/36, 14 %),
  • Traitement topique associant marbofloxacine et dexaméthasone (5/36, 14 %).

L'administration d'AINS comme part du traitement des cas d'encéphalitozoonose est significativement associée à une amélioration clinique.

Pronostic réservé

Toute étiologie confondue, l'évolution, renseignée pour 33 lapins, a été globalement positive, favorable à 67 % (22/33), dont 8 cas de guérison complète. Parmi les 11 autres, l'état de 6 n'a pas évolué, il s'est détérioré dans 2 cas et les 3 derniers ont été euthanasiés. Un décubitus ou une altération de l'état mental sont des facteurs pronostiques négatifs, associés à un risque de mortalité (assistée ou non).

Les séquelles et les récidives restent fréquentes, indépendamment de l'étiologie : sur les 27 cas pour lesquels l'évolution spécifique du port de tête était renseignée, ce dernier est resté anormal à 67 % (18 lapins), et une récidive a été signalée chez 8 des 19 lapins suivis à long terme. Le pronostic de ces cas de « tête penchée » demeure donc réservé.