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11 janvier 2022

USA : une nouvelle faculté vétérinaire, pour « lutter contre la pénurie de praticiens »

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

La construction de la première faculté de médecine vétérinaire de l'état du New Jersey (USA) a fait l'objet d'une cérémonie, fin décembre, en présence du président du Sénat. Elle est justifiée par la pénurie de vétérinaires praticiens, déjà sensible dans le pays (ici une capture de la vidéo de présentation du projet).
La construction de la première faculté de médecine vétérinaire de l'état du New Jersey (USA) a fait l'objet d'une cérémonie, fin décembre, en présence du président du Sénat. Elle est justifiée par la pénurie de vétérinaires praticiens, déjà sensible dans le pays (ici une capture de la vidéo de présentation du projet).
 

Rowan University. C'est cette institution du New Jersey qui va accueillir la prochaine faculté de médecine vétérinaire créée aux États-Unis, et la première dans cet état : la Rowan University School of Veterinary Medicine. Elle devrait participer à la résorption de la pénurie de vétérinaires outre-Atlantique, selon les annonces faites lors de son lancement.

75 millions de dollars

La nomination du premier doyen de cette 34e faculté de médecine vétérinaire américaine remonte au mois de juin dernier. Le Dr Matthew C. Edson a fondé une structure vétérinaire mixte importante dans le sud de l'état. Il y a exercé une décennie, « se spécialisant dans les miniporcs et la médecine et la chirurgie des petits ruminants ». C'est lui qui, le 29 décembre dernier, a définitivement lancé le projet, au cours d'une cérémonie qui s'est tenue sous un chapiteau – faute de locaux – en présence du président du Sénat des USA (sénateur du New Jersey). La nouvelle faculté devrait être en mesure d'accueillir sa première promotion de 60 étudiants « à l'automne 2025 », selon la vidéo présentant le projet. Pour cela, elle devra auparavant être accréditée par le conseil de l'éducation de l'AVMA (American Veterinary Medical Association). L'état du New Jersey a voté en novembre dernier un budget de 75 millions de dollars (66,2 millions d'euro) pour ce projet.

Études moins coûteuses

Les plans de cette « complexe médical vétérinaire » sont « en cours d'élaboration » et la surface au sol sera de l'ordre d'un hectare. Il sera localisé à proximité du campus des facultés d'ostéopathie et de médecine. Pour le futur cursus vétérinaire, la Rowan University annonce que, « l'école adoptera un programme d'études moins traditionnel, tant dans son format que dans son déroulement. Cette approche permettra à l'école de se différencier des modèles actuels et coûteux d'enseignement de la médecine vétérinaire ». Car en 2020, la dette moyenne des jeunes diplômés américains se montait à un peu plus de 188 000 $, selon l'AVMA. Le cursus devrait aussi « apporter des innovations en matière d'enseignement ». En particulier, « des expériences cliniques approfondies commenceront dès le début du programme par des rotations entre les cours en salle, l'observation clinique et la pratique ». « Les modèles en ligne, de réalité virtuelle et de simulation feront partie intégrante des expériences d'apprentissage des étudiants ».

Plusieurs diplômes

Outre le diplôme de docteur vétérinaire, d'autres formations diplômantes « sont en cours de développement » pour cette future école vétérinaire, entre autres des programmes d'internat et de résidanat, de spécialisation, mais aussi un mastère et un PhD « en sciences biomédicales vétérinaires », ainsi qu'un « programme accéléré DVM/MBA en collaboration avec le Rohrer College of Business de l'université Rowan, conçu pour améliorer la formation des étudiants en gestion de la pratique vétérinaire, en commerce et en économie ». D'autres diplômes, de techniciens vétérinaires, sont également prévus.

La construction d'une 34e faculté de médecine vétérinaire américaine vient d'être actée, au New Jersey. La structure n'est pas encore sortie de terre, mais son site internet est en ligne (https://rsvm.rowan.edu/).

 

Pénurie déjà là

Pour ce qui est de combler la pénurie de praticiens, il n'est pas certain que ce projet suffise, même si le site web de la future école, déjà en ligne, prévoit « une augmentation progressive à 90 étudiants par promotion ». Car en 2006, l'AVMA avait estimé que cela représenterait un effectif de 15 000 vétérinaires à l'horizon 2026. Une conférence d'un économiste de l'AVMA de fin 2019 soulignait que « près de 20 % des praticiens en exercice seront à la retraite dans les 10 ans », ce qui correspondrait « à environ 20 000 personnes », dont plus de la moitié sont propriétaires de structures d'exercice. Mais la pénurie est déjà là : en 2019 déjà, « le nombre moyen d'offres d'emploi chaque mois [était] 5 fois supérieur au nombre de demandes ». Et le nombre d'entrées dans les facultés de médecine vétérinaire n'augmente que de 2,2 % par an à l'échelle des USA (avec une exception pour 2020-2021, où cela a cru de 19 %). Plusieurs autres facultés vétérinaires ont déjà obtenu l'accréditation de l'AVMA fin 2019 : une à New York (la seconde) et une autre en Arizona. Celle du New Jersey doit encore obtenir la sienne… Mais même ainsi « la division de l'économie vétérinaire estime qu'en 2029, il y aura 4 000 vétérinaires qui seront diplômés de l'ensemble des facultés de médecine » aux USA, contre 3 200 en 2019.

Rachat de dette

Le ministère de l'Agriculture (USDA) désigne chaque année les secteurs dans lesquels il y a une pénurie en productions animales et santé publique vétérinaire : en 2021, cela concernait 221 zones dans 48 des états américains. L'installation ou l'emploi dans les zones correspondant est éligible à des programmes d'aide au rachat du prêt étudiant (Veterinary Medicine Loan Repayment Program) ou à des financement pour des prestations correspondant à celles du mandat sanitaire (Veterinary Services Grant Program). Le premier programme prévoit une aide allant jusqu'à 25 000 $ par an en échange de trois années d'exercice dans l'une des zones prédéfinies. En 2021, ce programme a concerné 78 vétérinaires, dans 36 états. Le second a abondé 17 projets pour un total de 3 millions de dollars. L'AVMA soutient un projet réglementaire permettant d'étendre plus largement ces programmes. Toutefois, ses économistes soulignent, dans un autre article paru en septembre dernier, que ces solutions n'apporteront aucune amélioration à la situation des vétérinaires petits animaux, en particulier au sortir de la crise du Covid.

Nouveaux métiers ?

En 2020, la proportion de praticiens canins indiquant vouloir réduire leur nombre d'heures travaillées a atteint 30 % (contre 23 à 24 % auparavant), laissant prévoir une aggravation de la pénurie, alors que les équipes en exercice ont été mises à l'épreuve par l'augmentation de la charge de travail sur les 18 premiers mois de la crise. L'AVMA indique donc travailler sur des projets de nouveaux métiers, dont les auteurs de l'article reconnaissent que les contours sont encore flous. Il pourrait y avoir « un nouveau type de professionnel vétérinaire, exerçant entre les techniciens vétérinaires et les vétérinaires praticiens ». Baptisés « adjoint vétérinaire » ou « ASV spécialisée », ces personnes « seraient capables d'établir un diagnostic, un pronostic, de prescrire et de réaliser de la chirurgie à un niveau limité, sous la supervision d'un vétérinaire ». Un autre métier, « aux tâches pas encore bien définies mais axées sur la gestion des soins cliniques » est aussi envisagé. Mais ce n'est qu'une des voies de recherches explorées. Parmi les autres : une étude est en cours qui vise à « mieux comprendre les approches et les actions nécessaires pour améliorer l'utilisation des techniciens vétérinaires, l'implication des équipes et la productivité des cabinets. Une évaluation approfondie du marché global est nécessaire avant de déployer des efforts pour développer tout nouveau métier au sein de la profession vétérinaire ». Et des résultats antérieurs « ont montré que les structures les plus efficaces utilisent l'ensemble des qualités de ses techniciens vétérinaires »