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13 octobre 2021

Un traitement immunomodulateur d'humaine prometteur pour la survie des chiots à parvovirose

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Effet des traitements symptomatiques seuls ou accompagnés d'un produit immunomodulateur d'humaine dans la survie de chiots à parvovirose avérée (d'après Muñoz et coll., 2021).
Effet des traitements symptomatiques seuls ou accompagnés d'un produit immunomodulateur d'humaine dans la survie de chiots à parvovirose avérée (d'après Muñoz et coll., 2021).
 

Le taux de mortalité de la parvovirose était de 82 % dans le groupe de chiots bénéficiant d'un traitement symptomatique. Il était de 43 % dans le groupe recevant outre ce traitement, un immunomodulateur développé en humaine et rendu disponible en médecine vétérinaire à titre expérimental. Les sujets du groupe témoin avaient un état clinique sévère, alors que ceux du groupe traité présentaient des signes modérés…

18 chiots à ‘parvo'

Trop beaux pour être vrai ? Publiés dans une revue renommée, Scientific Reports, ces résultats ne portent toutefois que sur 18 chiots, et « demandent à être consolidés », de l'aveu même des auteurs, des universitaires, biologistes, immmunologistes et vétérinaires mexicains. Les chiots de l'essai ont été recrutés de mars à septembre 2019 parmi 5 hôpitaux vétérinaires de la vallée de Mexico. Ils ont été inclus parce qu'âgés de moins de 6 mois et atteints de parvovirose, avec confirmation du diagnostic par PCR. Ils devaient aussi présenter au moins deux des signes de choc septique suivants : hypothermie (< 37,8 °C), fièvre (> 39,4 °C), tachycardie (> 140 bpm), tachypnée (> 30 inspirations/min.), leucopénie (< 5,5 × 109/L), ou leucocytose (> 12,5 × 109/L). Le groupe de traitement était tiré au sort au moment de l'inclusion de chaque chiot : il y a eu 7 chiots recevant le traitement symptomatique seul (TS) et 11 avec le produit immunomodulateur en plus (TI). Celui-ci était administré (0,5 mg à chaque injection) dans 1 ml de soluté physiologique, par voie sous-cutanée en zone interscapulaire, toutes les 24 h sur 5 jours. Les chiots du groupe au traitement symptomatique recevaient les 1 ml de soluté physiologique par voie SC tous les jours sur 5 jours.

Un extrait de cellules sanguines humaines

Ce produit est un extrait dialysé de leucocytes humains commercialisé au Mexique sous le nom Transferon°. Il s'agit d'un « complexe contenant un grand nombre de substances de faible poids moléculaire », environ 200. Il est préparé par l'établissement du sang de Mexico à partir de concentrats de leucocytes et plaquettes issus de donneurs sains, selon un procédé décrit dans l'article, conformément à la Pharmacopée mexicaine. Il est conditionné en flacons de 10 ml conservés au régime du froid.

Moindre sévérité

Tous les sujets étaient l'objet des mêmes traitements, examens cliniques et soins (le produit mis à part), et les observations ont été réalisées sur les 5 jours d'hospitalisation. Il y a ainsi eu un taux de survie significativement plus faible chez les TI que chez les TS (43 vs. 82 %, p ≤ 0,043 – voir l'illustration principale). Les examens cliniques permettaient d'établir une note clinique individuelle de 1 (bon état général) à 40 (sévérité extrême), pour chaque chiot, chaque jour. Là encore, les chiots du groupe TI présentaient des notes cliniques plus faibles (signes cliniques moins sévères) que les chiots TS (p ≤ 0,024, voir le graphique ci-dessous). Dans les deux groupes, l'état des survivants s'est amélioré après le dernier décès (à J2 chez les TS et à J3 chez les TI). Les chiots du groupe TI ont pris du poids sur les 5 jours, alors que les chiots TS en ont perdu. Pour les auteurs, le recours à l'immunomodulateur s'est donc traduit par moins de décès et un impact clinique moindre pendant la phase critique de la parvovirose, qui correspond aux deux premiers jours suivant l'hospitalisation.

Evolution des notes cliniques (de 1, bon état général à 41, décès) sur les 5 jours d'hospitalisation de 18 chiots à parvovirose, selon qu'ils ont – ou non – reçu le traitement immunomodulateur en plus du traitement symptomatique (d'après Muñoz et coll., 2021).

 

Hypothèses

Les auteurs présentent également e manière détaillée les paramètres hématologiques sur la période d'hospitalisation (significativement plus faible chez les TI à J2, p<0,05 et à J4, p<0,01), ainsi que les valeurs d'hématocrite, la concentration en hémoglobine, en protéines plasmatiques, en cortisol, norépinéphrine/épinéphrine et sérotonine. Le traitement aurait donc ainsi pu avoir un effet sur la mobilisation des cellules inflammatoires. Ils avancent aussi des hypothèses sur les causes de l'efficacité de ce produit : deux publications ont montré qu'une petite molécule (l'ubiquitine), quand elle est extracellulaire, peut limiter l'effet du choc septique. Or cette ubiquitine extracellulaire est « l'un des composants majeurs » du produit testé ici. Chez l'humain, son récepteur cellulaire est le CXCR4. En modélisant in silico la structure tridimensionnelle du CXCR4 du chien, les auteurs montrent que l'ubiquitine extracellulaire humaine s'y fixe également. Ce récepteur, activé, aurait un effet sur le recrutement des lymphocytes et des neutrophiles, ainsi qu'une modulation du nerf vague, conduisant à un effet anti-inflammatoire important.

Limitations

Plusieurs limitations s'appliquent toutefois à cette étude. En premier lieu, un des chiens du groupe TS et trois du groupe TI avaient été vaccinés. Un seul de ces chiens est décédé (groupe TI). En second lieu, les traitements symptomatiques étaient laissés au choix des praticiens selon les pratiques de chaque hôpital. Ils ont en général été plus soutenus sur les chiots du groupe TS (le détail est fourni dans la publication). Enfin, l'effectif du groupe TS est faible, ce que les auteur reconnaissent et indiquent être le fruit du tirage au sort multicentrique. Ils espèrent que de prochains essais y remédieront. En l'état, « ces résultats encourageants indiquent une efficacité de l'immunomodulateur en soutien thérapeutique, et pourraient étayer son utilisation comme option de traitement de la parvovirose. Toutefois, des recherches complémentaires seront nécessaires pour aller au-delà de cette première approche expérimentale ».