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Elanco & Proplan

3 juillet 2025

Conseil génétique en médecine vétérinaire canine et féline : une prochaine spécialité vétérinaire ?

par Pascale Pibot

Temps de lecture  5 min

Une forte baisse de la diversité génétique a progressivement été enregistrée dans les races canines et le conseil génétique pour les éleveurs est un service novateur qui demande à être développé (cliché Pixabay).
Une forte baisse de la diversité génétique a progressivement été enregistrée dans les races canines et le conseil génétique pour les éleveurs est un service novateur qui demande à être développé (cliché Pixabay).
 

L'exploration du génome humain et la meilleure compréhension des maladies génétiques ont eu pour conséquence de stimuler très fortement la demande de conseil génétique en médecine humaine. Alors que le patrimoine génétique des chiens et des chats de race s'est considérablement appauvri sous l'effet de la consanguinité, que la prévalence des maladies héréditaires est très élevée, et que le phénomène s'amplifie, la situation est très différente en médecine vétérinaire.

Conseiller génétique, un métier à part entière

En médecine humaine, les maladies héréditaires sont explorées par des généticiens cliniques. Grâce à leurs travaux, les chercheurs font progresser la discipline, mais leur expertise ne suffit pas pour proposer des services cliniques adéquats. Il existe donc aussi des conseillers en génétique, directement en contact avec les patients, et dont le rôle est bien défini.

La profession est reconnue dans plus de 11 pays européens et elle se développe ailleurs, sous l'influence de spécialistes formés à l'étranger.

Les conseillers génétiques sont issus d'horizons très divers : ce sont des infirmiers, des sage-femmes, des biologistes, des psychologues ou des travailleurs sociaux… qui ont ensuite obtenu une maîtrise en conseil génétique, incluant une formation en génétique humaine et en techniques de conseil. Une approche pluridisciplinaire est potentiellement intéressante pour élargir la vue d'ensemble des problèmes.

Toutes les générations sont concernées

Le recours aux conseillers génétiques commence pendant la grossesse, lorsque des tests prénataux non invasifs sont effectués. Lorsqu'une maladie héréditaire est diagnostiquée, les parents ont en effet besoin de connaître les traitements qui seront envisageables pour leur enfant et à quoi ressemblera son avenir.

Des maladies génétiques sont aussi diagnostiquées chez les adultes. Ceux-ci doivent alors être informés des conséquences cliniques et des risques de transmission à leur descendance.

Une discipline balbutiante en médecine vétérinaire

Le conseil génétique en médecine humaine est décrit avec précision dans des ouvrages de référence. En revanche, la littérature vétérinaire sur le sujet est beaucoup plus pauvre.

Des chercheurs de la Faculté de médecine vétérinaire de Gand (Belgique) n'ont identifié que 15 articles (publiés entre 1986 et 2023) potentiellement utiles pour définir le conseil génétique en médecine vétérinaire. Ils en tirent une synthèse, publiée en libre accès.

Aucune définition spécifique du conseil génétique vétérinaire n'a pu être trouvée. De plus, les publications concernent presque exclusivement les chiens, alors qu'une demande de conseil génétique est identifiée aussi pour les chats.

Enfin, seuls les moyens de prévention des diverses maladies génétiques sont réellement pris en compte dans les études, alors que d'autres aspects mériteraient d'être abordés, notamment celui de la diversité génétique. Un taux trop élevé d'homozygotie dans certaines races est en effet à l'origine de la forte prévalence des maladies génétiques. Celles-ci entraînent également des conséquences juridiques qu'il faut envisager.

Une forte attente des propriétaires et des éleveurs

Les éleveurs et les propriétaires de chiens et de chats présument en général que les vétérinaires connaissent bien les tests génétiques et leur interprétation, alors que ce n'est pas toujours le cas.

Les études réalisées montrent qu'il existe un besoin considérable de conseils en génétique. Si le diagnostic des maladies héréditaires est réservé aux vétérinaires, il est probable qu'il faudra à l'avenir faire appel à des professionnels disposant d'une formation spécifique, comme c'est le cas en médecine humaine, pour satisfaire les demandes des clients.

L'Université de Gand, en pointe sur le sujet

Un centre de conseil en génétique clinique pour les animaux de compagnie a été créé à la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Gand en 2023, et c'est une première en Europe. Son objectif est de répondre aux sollicitations des vétérinaires et des éleveurs désireux de trouver des solutions pour faire diminuer l'incidence des maladies héréditaires chez les chats et les chiens.

Les chercheurs de ce centre souhaitent que le conseil génétique devienne une spécialité à part entière en médecine vétérinaire.

Un large champ d'application

Le conseil génétique vise à fournir des informations permettant aux éleveurs et aux propriétaires de comprendre et de gérer les affections héréditaires présentes dans la race et la lignée auxquelles appartiennent leurs animaux.

Quelle que soit la personne qui pratique le conseil génétique, il est primordial qu'elle maîtrise les outils utilisés dans ce domaine. Et cela ne se limite pas aux tests ADN de dépistage, même s'ils sont les plus mentionnés dans la littérature scientifique.

Diverses autres stratégies peuvent être suivies pour réduire le nombre et la prévalence des maladies héréditaires, notamment les programmes de dépistage clinique et la révision du mode de choix des reproducteurs, en se basant par exemple sur l'index génétique qui évalue leur valeur reproductrice. L'utilisation de ces outils est incontournable dans les races numériquement faibles ainsi que pour celles qui sont prédisposées à un grand nombre de maladies héréditaires.

Le conseil génétique en médecine vétérinaire pourrait ressembler beaucoup à celui de la médecine humaine, avec quelques adaptations spécifiques. Les auteurs de cette synthèse proposent que cette activité soit mieux définie et qu'un réseau de conseillers génétiques vétérinaires bien formés se développe peu à peu.