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12 février 2020

La visite sanitaire bovine obligatoire 2020 remet en cause les habitudes antiparasitaires « à l'aveugle »

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

Problématique du léchage entre congénéres traités
Au cours de la visite sanitaire bovine 2020, le vétérinaire doit sensibiliser au léchage entre congénères des pour-on appliqués sur les bovins et aux risques associés notamment en termes de résidus, de temps d'attente ou d'émergence de résistance. Photo : la Haute Loire Paysanne.
Problématique du léchage entre congénéres traités
Au cours de la visite sanitaire bovine 2020, le vétérinaire doit sensibiliser au léchage entre congénères des pour-on appliqués sur les bovins et aux risques associés notamment en termes de résidus, de temps d'attente ou d'émergence de résistance. Photo : la Haute Loire Paysanne.
 

« Traiter autant que nécessaire mais aussi peu que possible ». Non, ce slogan n'est pas la nième campagne du plan EcoAntibio. Mais le message clé qu'il est demandé aux praticiens de faire passer sur les antiparasitaires aux éleveurs bovins. C'est le sens de la visite sanitaire obligatoire de l'année 2020 en filière bovine. L'inquiétude sur les antiparasitaires semble ainsi peu à peu, remplacer celle sur les antibiotiques, autant pour des raisons de résistances aux anthelminthiques que d'impact environnemental, voire sociétal ou économique…

Le Bulletin officiel vient en effet de publier deux instructions techniques qui encadrent d'une part la visite sanitaire bovine annuelle de 2020 sur le thème des « antiparasitaires » et, d'autre part, la visite sanitaire porcine bisannuelle 2020-2021 sur la biosécurité, notamment pour accompagner l'application de l'arrêté « biosécurité porcine » du 16 octobre 2018. Ce Fil ne porte que la visite sanitaire bovine.

Une visite obligatoire de 30 minutes sur les antiparasitaires bovins

Les élevages bovins ciblés par cette visite sanitaire obligatoire sont, comme l'an passé, tous ceux détenant au moins cinq animaux, quel que soit leur âge. Les détenteurs « amateurs » d'un à quatre bovins sont donc exclus, tout comme les centres d'insémination artificielle et les centres d'allotement.

La campagne est prévue entre le 1er février et le 31 décembre 2020 avec un enregistrement des visites sur le site officiel Sigal par télédéclaration au plus tard le 31 janvier 2021. Si l'élevage fait partie de ceux tirés au sort pour l'analyse statistique des réponses (6 % des élevages d'un département), les réponses anonymisées au questionnaire seront analysées par la SNGTV durant le premier semestre 2021.

Le paiement par l'État des vétérinaires sanitaires n'est possible que lorsque les visites sont télédéclarées (avant le 31 janvier 2021). L'État versera 4 AMV (acte médical vétérinaire fixé 14,18 € HT en 2020) par visite soit 56,72 € HT (4 x 14,18 €). Ce tarif correspond à une durée de visite de 30 minutes environ et inclut aussi les préparatifs de la visite et la saisie dans Sigal.

Un état des lieux des habitudes de l'éleveur

Le déroulé de la visite suit un questionnaire qui comprend trois parties. La première partie fait un état des lieux très précis des habitudes antiparasitaires et de la perception des enjeux par l'éleveur.

  • Quels sont, selon lui, les parasites « pénalisants » de l'exploitation ?
  • Avec quels moyens diagnostics identifient-ils ces parasites ? Des coproscopies, des sérologies sur le sang ou dans le lait ? Des comptes rendus d'autopsies ou des retours d'abattoirs ? Des prélèvements sur l'animal ? Des échantillons d'herbe ? Etc.
  • Quels sont les facteurs qui déclenchent un traitement antiparasitaire ? Par habitude comme tous les ans ? Selon le climat ? En lien avec des signes cliniques ? Des résultats d'analyses ? Suite à un conseil vétérinaire, un BSE, un audit parasitaire ? Ou suite au passage d'un technicien ?

Les critères de choix des vermifuges sont hiérarchisés : le prix, le spectre, la durée d'action, la facilite d'emploi, le conseil vétérinaire (ou d'un technicien), le bouche-à-oreille, les reliquats en stock, voire l'impact environnemental… Par chaque famille d'antiparasitaires, les endectocides, le closantel, les benzimidazoles, le lévamisole, la fréquence d'usage est à préciser. L'usage de produits alternatifs comme la phytothérapie, l'aromathérapie, l'homéopathie, est aussi à renseigner.

Les motivations des traitements antiparasitaires en prévention (en l'absence de signes cliniques) sont analysées. Est-ce pour prévenir des signes cliniques ? Le bien-être animal ? Ou améliorer les performances de l'élevage ?

« Trop » ou « trop peu » ? Pourquoi donc faudrait-il changer ses habitudes ?

À l'issue de cet état des lieux, il est demandé à cet éleveur s'il a le « sentiment de traiter trop, pas assez ou juste ce qu'il faut ? ». Cela permettra d'apprécier ses motivations à faire — ou pas — évoluer ses pratiques, par économie, pour prévenir les résistances, pour l'environnement, pour les performances zootechniques de ces animaux, pour la santé animale, pour répondre aux attentes de la société, voire pour une conversion en « bio » ou s'adapter à un cahier des charges…

Informer sur les risques de résistance ou sur l'environnement

La seconde partie est davantage destinée à sensibiliser l'éleveur sur les risques, voire à le former, en testant ses connaissances à travers des quizz sur :

  • Le risque d'émergence de résistance aux antiparasitaires et l'impact éventuel de ces résistances,
  • Le risque pour l'environnement, en soulignant qu'il n'est pas identique selon l'antiparasitaire utilisé.

L'impact environnemental apparaît surtout abordé sous l'angle de l'activité insecticide. Ainsi, sur les concentrations résiduelles présentes dans les bouses, il est curieusement souligné que « l'activité insecticide est maximale pour l'ivermectine et la doramectine, plus modérée pour l'éprinomectine et faible pour la moxidectine ». Toutefois, cette hiérarchie, si elle est bien fondée, ne porte que sur l'activité insecticide et non sur les autres aspects de l'écotoxicité. Ainsi, la moxidectine est classée dans les substances PBT (persistante, bioaccumulable et (éco)toxique), alors que l'éprinomectine, moins liposoluble n'est pas classée comme PBT. Car elle n'est pas « bioaccumulable », même si elle est, comme la moxidectine, classée comme persistante (P) et toxique (T). Présenter une hiérarchisation des endectocides selon leur impact environnemental est donc un sujet complexe et difficile. Un tel classement devrait tenir compte, non seulement de l'activité insecticide, mais aussi de la durée de la persistance de l'endectocide dans l'environnement et de la toxicité, non seulement sur les insectes, mais aussi sur les poissons ou des organismes du sol comme les lombrics.

Les risques liés au léchage des pour-on endectocides

Durant cette visite obligatoire, il est aussi demandé aux vétérinaires de sensibiliser les éleveurs sur les risques liés léchage des bovins traités par des formulations pour-on endectocides. La figure ci-dessous, qui devrait être montrée aux éleveurs bovins durant la visite, illustre les effets de ce léchage sur huit vaches mélangées dans un même lot avec six sur huit traitées par un pour-on d'ivermectine (deux vaches), de doramectine (n = 2) ou de moxidectine (n = 2) et les deux restantes non traitées.

Problématique du léchage des pour-on entre bovins

Cette figure illustre les résultats sur huit vaches mélangées dans un même lot, deux traités par un pour-on d'ivermectine (en bleu), deux par un pour on de doramectine (en vert), deux par un pour-on de moxidectine (rouge) et les deux restantes non traitées (gris). Les histogrammes reflètent les concentrations détectées dans le sang avec le même code couleur (bleu pour l'ivermectine, vert pour la doramectine, rouge pour la moxidectine. Du fait du léchage, les trois endectocides se retrouvent dans les sang de la plupart, y compris celles qui n'ont pas été traitées, dans des teneurs aussi élevées voire plus élevées que celles traitées.

L'absorption transdermique et surtout par léchage permet de constater la présence dans le sang de concentrations des trois endectocides chez les huit vaches. Les vaches lécheuses non traitées ont même parfois, selon cette figure, des concentrations plus élevées que les vaches traitées. La problématique des temps d'attentes est mentionnée avec la nécessité pour l'utilisateur de pour-on de porter des gants.

Une mise en situation sous forme de cas cliniques

La troisième partie est une mise en situation sur les stratégies antiparasitaires envisageables face à un cas pratique, au choix :

  • « Un lot de veaux de 2-3 mois en bâtiment présentant une diarrhée »,
  • « Un lot de bovins qui toussent en août »,
  • « Un lot de broutards en diarrhée en septembre »,
  • « Des animaux qui se grattent en début d'hiver »,
  • « Le choix d'antiparasitaires en première année de pâture ».

L'objectif est de mettre en évidence l'importance d'un diagnostic parasitologique par rapport aux risques de traitements antiparasitaires « à l'aveugle ».

Le refus de visite peut coûter 750 € d'amende

L'éleveur qui refuse la visite sanitaire obligatoire risque d'être sanctionné par une contravention de IV° classe (750 € d'amende). En outre, son exploitation devrait être automatiquement classée « à risque ».

Le vétérinaire sanitaire qui refuserait de réaliser certaines visites dont il a la charge, risque le retrait de son habilitation comme vétérinaire sanitaire (après avis de la commission de discipline).

Le couplage avec le BSE reste possible

Il n'est pas interdit pour le vétérinaire de programmer cette visite sanitaire obligatoire avec celle du bilan sanitaire d'élevage (BSE) prévu par le décret prescription-délivrance. Toutefois, pour le BSE, il s'agit d'une visite privée, volontaire et contractuelle pour permettre une prescription et une délivrance « hors examen clinique », non d'une visite sanitaire obligatoire payée par l'État.