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10 janvier 2020

L'âge et le statut rénal de l'animal sont à considérer face au risque d'effets indésirables rénaux des médicaments

par Agnès Faessel

Temps de lecture  5 min

Pour la première fois au Congrès national de l'Afvac, le CNITV – Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires – et son équipe animaient cette année un stand sur l'exposition commerciale (cliché A. Faessel).
Pour la première fois au Congrès national de l'Afvac, le CNITV – Centre national d'informations toxicologiques vétérinaires – et son équipe animaient cette année un stand sur l'exposition commerciale (cliché A. Faessel).
 

« Les médicaments qui provoquent ou aggravent une insuffisance rénale » était le thème phare de la session "Pharmacovigilance" au programme des conférences du dernier congrès national de l'Afvac à Lyon fin novembre. Une session bien suivie des vétérinaires congressistes, et pour laquelle les temps d'échanges ont été nourris.

450 cas d'insuffisance rénale sur 6 ans

La première intervention a livré un bilan des médicaments associés aux cas d'atteintes rénales, chroniques ou aiguës, déclarés chez le chien ou le chat dans le cadre de la pharmacovigilance vétérinaire sur 6 ans (2012-2017). Cette synthèse porte ainsi sur près de 450 cas (281 chez le chien et 166 chez le chat).

Par comparaison à une population théorique française de référence, le berger allemand et le shih tzu sont deux races apparaissant significativement surreprésentées.

Dans l'espèce canine en outre, le poids et l'âge sont identifiés comme des facteurs de risque : les animaux de grand format (26-45 kg) sont plus souvent concernés, de même que les jeunes chiens (moins de 1 an) et ceux de plus de 8 ans.

Même si la fréquence reste rare à très rare, 7 molécules « ressortent » parmi ces cas, essentiellement des AINS : le carprofène, le cimicoxib, le firocoxib, le fluralaner, le mavacoxib, le méloxicam et le torasémide. Pour les cas liés aux AINS, l'atteinte rénale se manifeste le plus souvent dès la première semaine de traitement. Et le labrador est une race plus fréquemment touchée.

Dans l'espèce féline, les séniors (>12 ans) sont surreprésentés. Les principales molécules impliquées sont le bénazépril, la ciclosporine, le fluralaner, le masitinib, le méloxicam, le telmisartan et l'association lévamisole-niclosamide. Mais pour chacune, les effectifs des chats touchés restent faibles sur la période d'étude.

Les limites de ces observations sont toutefois celles inhérentes à la pharmacovigilance elle-même, c'est-à-dire une sous-déclaration – seuls 10 % des effets secondaires survenant seraient déclarés – et un plus grand nombre de notifications sur les « nouveaux » médicaments, pour lesquels ces effets sont moins connus des praticiens.

Éviter les polymédications

Prévenir et prendre en charge ces insuffisances rénales était le sujet de la seconde intervention de la session. Car la néphrotoxicité concerne « beaucoup » de substances médicamenteuses. Et même si les cas restent « rares à très rares », ils peuvent être sévères. Chez l'Homme, 20 % des insuffisances rénales aiguës sont liées à un médicament (il n'existe pas de donnée équivalente en médecine vétérinaire).

Outre l'âge de l'animal, et éventuellement sa race, ses antécédents médicaux (infections du tractus urinaire, urolithiases, etc.) et son état de santé représentent des facteurs de risque, notamment la présence d'une hypovolémie rénale (lors de déshydratation, d'hémorragie, d'insuffisance cardiaque…) et/ou d'une maladie systémique, comme un diabète, pouvant favoriser les troubles rénaux.

Les précautions à prendre pour les prévenir lors de la mise-en-place de tout traitement potentiellement néphrotoxique sont alors de corriger la volémie, d'évaluer le statut rénal de l'animal (palpation, analyses de sang et d'urines, etc.) afin d'adapter, le cas échéant, la prescription, d'éviter autant que possible les associations de médicaments et d'effectuer un suivi régulier (a minima durant la première semaine de traitement). Un suivi particulièrement étroit est requis chez les individus déjà insuffisants rénaux.

Les associations à risque sont, par exemple, les AINS avec les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone et/ou les diurétiques (combinaisons courantes chez l'animal âgé), mais aussi les cocktails anesthésiants. La bonne connaissance des caractéristiques pharmacologiques des molécules est également importante : un défaut de fixation aux protéines génère rapidement un effet équivalent à un surdosage.

Si une insuffisance rénale aiguë se développe, le traitement est interrompu et l'animal hospitalisé afin d'évaluer la diurèse et mettre en place une fluidothérapie adaptée.

La prévention est d'autant plus cruciale que le pronostic reste souvent réservé. Concernant les AINS, les effets indésirables rénaux s'observent particulièrement suite à l'administration de formes injectables, en péri-opératoire (contrairement à la voie orale, la voie injectable pourrait en effet ne pas laisser le temps aux mécanismes compensateurs de se mettre en place). Une injection en fin d'intervention et associée à une fluidothérapie adaptée pourrait alors être préférée.

Documenter au maximum les cas notifiés

Les deux conférences suivantes ont illustré, à partir d'exemples de cas, l'importance du diagnostic différentiel face à un potentiel effet indésirable d'un médicament. L'exclusion des autres causes possibles fait en effet partie des critères utilisés pour l'imputation des cas. Il est alors fondamental de détailler au maximum les informations transmises et, si besoin, de recourir à de nouveaux examens complémentaires.

Ainsi, une suspicion de manque d'efficacité d'un vaccin L4 sur un Jack Russel de 5 ans ayant développé une leptospirose avait d'abord été classé comme non concluant (O1), car le sérogroupe de la bactérie en cause n'était pas renseigné. Son identification comme appartenant au groupe Australis sérovar Bratislava a permis finalement d'imputer le cas comme probable (A). Inversement, le cas d'une ataxie observée chez un chat à la suite d'un traitement antiparasitaire en spot-on (association d'émodepside et de praziquantel) avait initialement été classé comme possible (B). Mais il a finalement été imputé comme non lié (N) suite au résultat d'un examen IRM ayant révélé une ischémie vasculaire cérébrale.

Chez le jeune animal, l'existence insoupçonnée d'un shunt porto-systémique entraîne des signes cliniques variés, notamment neurologiques (tremblements, ataxie, pousser au mur) pouvant être confondus avec l'effet secondaire d'un médicament récemment administré. Il peut aussi en amplifier la manifestation (en lien avec la modification de la pharmacocinétique par le shunt du passage hépatique). La réaction inattendue au traitement est parfois l'élément qui amène à détecter la présence du shunt. La race Yorkshire y est particulièrement prédisposée.

De nouvelles données font réévaluer le cas

En pratique, des investigations poussées – éventuellement financées par le laboratoire commercialisant le médicament potentiellement en cause – améliorent la classification des cas et favorise ainsi la décision d'actions appropriées (actualisation du RCP, suspension d'AMM, etc.).

En termes de communication, le centre de pharmacovigilance ne relance pas le vétérinaire notificateur, sauf en cas de déclaration incomplète. Mais il est possible de transmettre a posteriori les résultats de nouveaux examens, ou de nouvelles informations concernant l'évolution du cas : une réévaluation est effectuée « à chaque fois ».