titre_lefil
logo_elanco

17 janvier 2019

La loi qui interdit au 1er janvier les remises sur les biocides attend toujours son décret d'application

par Eric Vandaële

Temps de lecture  6 min

Cette promotion pour un biocide insecticide n'est pas aujourd'hui interdite. Car les décrets d'application de la loi Egalim n'ont pas été publiés.
Cette promotion pour un biocide insecticide n'est pas aujourd'hui interdite. Car les décrets d'application de la loi Egalim n'ont pas été publiés.
 

En « canine », les antiparasitaires de l'environnement, dits pour l'habitat, sprays ou foggers, entrent dans la catégorie des biocides insecticides. En « équine », la quasi-totalité des sprays anti-mouches sont aussi dans cette catégorie, tout comme en « rurale », les insecticides des bâtiments d'élevage et les fameux granulés jaunes anti-mouches. Les remises, les promotions et la vente en libre-service de ces biocides sont-elles interdites depuis le 1er janvier 2019 ? Ou le seront-elles rapidement en 2019 ?

Une double-interdiction qui reste inapplicable sans décret

Depuis le 1er janvier dernier, la loi Egalim a inscrit dans le code de l'environnement deux interdictions pour certaines catégories de biocides qui doivent être fixées par décret.

  1. Les remises, rabais et ristournes et toute pratique commerciale équivalente (art. L. 522-18) sont interdites à l'achat comme à la revente sous peine d'une amende de 15000 € à 75000 € (art. L. 522-19). En d'autres termes, les fournisseurs ne pourront plus vous accorder de remises ou de promotion en unités gratuites ou d'autre avantage commercial. Et, la clinique vétérinaire ne pourra pas non plus faire des remises (ou des pratiques commerciales équivalentes) à ses clients.
  2. La publicité grand public (art. L. 522-5-2) et la vente en libre-service (art. L. 522-5-3) seront aussi interdites pour certains biocides. Ce qui revient pour les vétérinaires à ne pas laisser de posters ou des publicités sur ces produits dans la salle d'attente ou le hall d'accueil, ainsi qu'à supprimer ces biocides des rayonnages des produits accessibles directement en « libre-service » par un client.

Force est de constater que le décret ou les décrets d'application n'étant pas publiés avant le 1er janvier 2019, ces dispositions, sont, dans cette attente, inopérantes.

Quand les interdictions seront-elles applicables ? Demain ou… jamais !

Les interdictions seront applicables quand le ou les décrets qui listent les catégories de biocides visés seront publiés. Cela peut être dès demain ou… jamais si le gouvernement et leurs administrations renoncent à faire appliquer cette mesure controversée de la loi Egalim. Ces interdictions viendraient s'ajouter alors à la liste des mesures qui attendent leurs textes d'application pour être effectivement mises en œuvre.

Cependant, ces interdictions s'inscrivent dans le cadre du plan Ecophyto. Elles étaient soutenues par le ministre de l'agriculture lors de l'examen de la loi devant le Parlement. Les mêmes interdictions s'appliquent d'ailleurs aussi à la plupart des produits de phytopharmacie.

Mais, un des retards à l'allumage vient peut-être du fait que ces produits biocides ne sont pas du ressort du ministre de l'agriculture mais de celui de l'écologie. Les décrets d'application devraient donc être pilotés par le ministère de l'environnement qui n'a pas vraiment été associé à la préparation de ces mesures dans la loi Egalim. Ce ministère n'a d'ailleurs pas encore mis de projet de décret en consultation publique sur son site. En outre, le ou les projets de décrets concernés devront aussi faire l'objet d'un examen par le Conseil d'État. Ce qui prend généralement aussi quelques semaines.

Il n'est donc pas possible de prévoir dans quel délai, court ou lointain, seront publiés les décrets qui pourront rendre ces interdictions effectives. Néanmoins, plus le décret tarde à être publié, plus il deviendra difficile, voire sans doute impossible après le 1er mars, d'appliquer l'interdiction des remises sur la totalité des contrats commerciaux annuels de l'année 2019.

Quelles seront les catégories de biocides visés ? Sans doute les insecticides et…

Aucun projet de décret n'ayant été mis en consultation publique, il n'est évidemment pas possible de préjuger des catégories de biocides inclus ou exclus de ce dispositif. Il est probable, mais pas certain, que les catégories de biocides visées par l'interdiction de publicité et de vente libre soient les mêmes que celles pour lesquelles les remises sont interdites.

Toutefois, les députés signataires de l'amendement à l'origine de ces mesures visaient assez explicitement :

  • Les biocides avec les mêmes substances actives que les produits phytopharmaceutiques concernés par la même interdiction sur les remises,
  • Les insecticides (biocides dits de TP18), notamment les néonicotinoïdes, les pyréthrinoïdes et sans doute aussi les IGR (inhibiteurs de croissance des insectes),
  • Les rodenticides (TP14).

Le décret pourrait donc (c'est au conditionnel) exclure de ces interdictions les désinfectants nécessaires à la mise en place des mesures de biosécurité dont l'usage est promu dans le plan EcoAntibio.

À l'inverse, il est moins probable que soient exclus de ce dispositif les insecticides, comme les antiparasitaires pour l'habitat, les sprays répulsifs anti-mouches pour chevaux, souvent à base de pyréthrinoïdes, les insecticides des professionnels de l'élevage…

Les ventes en ligne des biocides insecticides seront-elles interdites ?

L'interdiction prévue par la loi porte aussi sur les ventes en libre-service auprès des utilisateurs non professionnels de certains biocides. Car le nouvel article L. 522-5-2 du code de l'environnement demande que les revendeurs fournissent, à l'occasion de cette vente, des informations à l'acheteur sur « les risques pour la santé et l'environnement des produits biocides, les dangers, l'exposition, les conditions appropriées de stockage, les précautions d'emploi, l'élimination des déchets, ainsi que les solutions de substitution à plus faible risque ».

Les ventes en ligne, ou à distance, ne sont probablement pas assimilables à des ventes en libre-service. Mais, il conviendra sans doute que les sites de vente en ligne s'assurent que leurs clients ont bien été informés sur les risques, les précautions et les alternatives aux produits biocides.

Quel est l'objectif des interdictions ? Réduire les ventes donc les usages

Ces mesures ont pour objectif de réduire les ventes, et donc les usages, des produits de phytopharmacie — le plan Ecophyto — et des biocides ayant les mêmes substances actives. Ces produits sont parfois regroupés sous le terme de pesticides.

La loi Egalim s'est inspirée de la réussite du plan EcoAntibio avec, comme une des mesures phares, l'interdiction des remises sur les antibiotiques depuis le 1er janvier 2015.

Quels sont les biocides utilisés ou vendus par les vétérinaires ?

La réglementation sur les biocides recense 22 types de produits (TP1 à TP22) qui vont des désinfectants aux produits de protection du bois contre les termites en passant par les produits raticides, insecticides. Les cliniques vétérinaires sont des acheteurs, des utilisateurs, et des revendeurs de plusieurs catégories de produits biocides, principalement :

  • Les désinfectants de la peau humaine (dits de TP1), notamment ceux utilisés pour la désinfection des mains des praticiens entre deux consultations ou avant une chirurgie ;
  • Les désinfectants de surfaces inertes (TP2), en autres ceux pour les tables de consultations, le sol, le matériel ou les instruments médicaux ;
  • Les désinfectants dits vétérinaires (TP3), qui comprennent certains topiques antiseptiques (par exemple à base de chlorhexidine ou de dérivés iodés) destinés à être appliqués sur une peau animale saine (théoriquement en l'absence de plaie), la plupart des produits de post-trempage pour l'hygiène mammaire, et les désinfectants destinés aux bâtiments d'élevages, à leurs matériels, aux véhicules de transport des animaux, aux chenils ou aux chatteries etc. ;
  • Les désinfectants des surfaces au contact des aliments (TP4) ;
  • Les désinfectants de l'eau de boisson pour l'homme ou les animaux (TP5) ;
  • Les insecticides et les acaricides (TP18) et les répulsifs (ou appâts) (TP19),
  • Plus rarement, les rodenticides (TP14), voire, encore plus rarement, les avicides (TP15) ou les produits de lutte contre les vertébrés nuisibles (TP20).

Tous ces produits biocides répondent à la même définition. Ils sont « destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs des organismes nuisibles […] par une action autre qu'une simple action physique ou mécanique ». Le dernier point est important. Le balai comme la tapette à souris qui élimine les « nuisibles » par une simple action mécanique ne sont pas, vous vous en doutez, des biocides. Les remises sur les aspirateurs resteront donc autorisées, tout comme les ventes en libre-service des tapettes à mouches…